I. L'autre jour, près d'une haie, je trouvai une pastoure métisse (de moyenne condition), pleine de gaieté et de sens ; elle était fille de vilaine ; vêtue d'une cape, d'une gonelle et d'une pelisse, avec une chemise maillée, des souliers et des chausses de laine.
II. Vers elle je vins par la plaine : « Jouvencelle, lui dis-je, être enchanteur, j'ai grand deuil que le froid vous pique. » — « Sire, dit la vilaine, grâce à Dieu et à ma nourrice, peu me chaut que le vent m'échevèle, car je suis joyeuse et saine. »
III. « Jouvencelle, lui dis-je, objet charmant, je me suis détourné du chemin pour vous tenir compagnie ; car une jeune vilaine telle que vous ne doit pas, sans un compagnon assorti, paître tant de bétail dans un tel lieu, seulette. »
IV. « Sire, dit-elle, quelles que soient mes qualités, je sais reconnaître sens et folie. Réservez votre accointance, Seigneur, dit la vilaine, à ceux à qui elle sied ; car tel croit vous posséder qui n'a de cette possession que la vaine apparence. »
V. « Jeune fille de noble condition, quelque chevalier fut votre père ; la mère dont il vous engendra fut une courtoise vilaine ; plus je vous vois (regarde), plus vous me semblez belle et votre gaieté m'illumine. Si seulement vous vouliez m'être un peu plus humaine ? »
VI. « Sire, tout mon lignage et toute ma famille, je les vois retourner et revenir à la bêche et à la charrue, Seigneur, dit la vilaine ; mais tel se dit chevalier qui devrait faire le même métier durant six jours de la semaine. »
VII. « Jouvencelle, dis-je, gentille fée vous doua, quand vous naquîtes, d'une beauté suprême sur toute autre vilaine ; et vous seriez doublement belle si une fois... »
VIII. « Sire, vous m'avez tellement louée que j'en suis tout ennuyée. Puisque vous avez exalté mon mérite, Seigneur, dit la vilaine, pour ce, vous aurez pour salaire, au départ : Baye, fou, baye, et la perte de l'après-midi. »
IX. « Jouvencelle, cœur cruel et sauvage s'apprivoise par l'usage, et je connais bien par ce court entretien que ce serait une précieuse compagnie que celle d'une jeune vilaine telle que vous, à condition que les cœurs soient unis et qu'il n'y ait de tromperie ni d'une part ni de l'autre. »
X. « Sire, homme pressé de folie jure, garantit et promet gage ; ainsi vous me feriez hommage, Seigneur, dit la vilaine ; mais, en échange d'une légère récompense, je ne veux pas laisser mon bien le plus cher pour être perdue de réputation. »
XI. « Jouvencelle, toute créature retourne à sa nature ; nous devons former un couple assorti, moi et vous, vilaine, le long de ce pâturage, car vous y serez plus en sûreté pour faire la douce chose. »
XII. « Sire, oui, mais selon droiture (raison) le fou cherche sa folie et le courtois courtoise aventure : que le vilain reste avec la vilaine. Là où mesure n'est pas observée, la sagesse manque, ce dit la gent ancienne. »
XIII. « Jeune fille, de votre figure je n'en vis une autre plus friponne, ni ayant esprit plus moqueur. »
Sire, la chouette vous est d'un mauvais augure (?) ; tel est bouche bée devant la peinture (l'apparence), tandis qu'un autre attend la manne (la réalité).