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Français
Alfred Jeanroy et Jean-Jacques Salverda de Grave

I. Je n’ai rien de ce qu’il me faudrait pour faire une chanson gaie, sinon un peu de savoir-faire ; car je n’ai ni n’espère d’Amour aucune joie, et sur d’autres sujets il est impossible de faire une chanson agréable ; mais puisque je veux néanmoins faire une chanson, je la ferai sur le bonheur que j’ai voulu, sur les maux que j’ai éprouvés et sur le désir qui me tourmente.
 
II. Plus un homme connaît, éprouve et sent profondément la joie et la tristesse (c’est-à-dire « plus il est sensible »), et plus il doit se garder de s’adresser là d’où aucune joie ne lui peut venir, car nous sommes en un temps où on est mal récompensé, où les services sont rendus en pure perte et les actions nobles méconnues ; où Amour recherche et accueille ceux qui témoignent le plus d’orgueil.
 
III. Il est difficile de trouver une dame sincère et qui se respecte, et un amant qui mérite d’obtenir la joie (de l’amour) ; mais les amants faux, trompeurs et rusés sont tenus en joie par les perfides amantes qui évitent les amoureux loyaux, de sorte que je n’aurais reçu de ma dame quelque joie qu’à condition de troquer mes sentiments de délicatesse, de fermeté et de fidélité contre leurs façons d’agir perverses et fausses.
 
IV. Même sans rien promettre ni donner, une dame peut déchoir si elle montre qu’elle prend plaisir à ce qui ne devrait pas lui plaire, car les apparences font naître de mauvais bruits, d’où proviennent des querelles entre gens qui s’étaient beaucoup aimés : et ne croyez pas que je me refuse à croire ce que mes yeux auront vu, ni qu’ensuite je sois le même qu’auparavant.
 
V. Mais pour rien qu’on me raconte à son sujet ou que puissent voir mes yeux, je n’ai la force d’éloigner d’elle mon cœur fidèle et ma volonté, car je suis un amant humble, amoureux, constant, inébranlable, autant que malheureux, de sorte que toujours cela même m’aura nui qui aurait dû me servir, et c’est parce que je ne m’écarte ni ne me détourne d’elle que je n’en reçois ni n’en recueille aucune joie.
 
VI. Plus elle me torture, me fait pleurer et souffrir, plus elle rit, chante, s’amuse, se donne joie et bon temps ; elle m’est mauvaise et je lui suis bon ; je suis agneau, elle lionne ; elle m’a longtemps méprisé, tandis que je l’adorais ; elle m’a vaincu, et moi je ne puis la vaincre ; et je ne me dérobe pas à elle, bien qu’elle me repousse.
 
VII. Reine Sancha, grâce à vous, Aragon, le pays de Toulouse et Avignon ont retrouvé leur éclat ; et Dieu fait pour vous ce miracle que dans votre noble château honoré on trouve à la fois fleurs, fruits et feuillage.

 

 

 

 

 

 

 

 

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