LE VICOMTE.
I. Je me ferai voir dans vos parages, messire Uc de Saint-Circ, avant Pâques ; j’y renverserai des tours et y ferai tomber de hauts murs dans les fossés ; car, de par Dieu, le seigneur Uc et le seigneur Arnaut montrent trop d’arrogance. J’abattrai leur orgueil : autrement je consens à ne plus être honoré, à ne plus porter écu ni lance.
UC DE SAINT-CIRC.
II. Seigneur, vous oubliez en dormant vos fanfaronnades du soir, et pourtant jamais seigneur ne conquerra l’estime, s’il n’accomplit ce dont il s’est vanté ; quant à eux, ils ne s’imaginent pas que vous osiez les attaquer si le comte Gui ne vient pas à votre aide. Et s’il vient, vous pouvez lui assurer qu’il gagnerait plus à retourner en France.
LE VICOMTE.
III. Messire Uc, j’ai assez de puissance pour les réduire, même sans le secours du comte Gui, à une détresse qui rendra vaines les vantardises du seigneur Arnaut, qui m’a menacé de venir chasser ici. Mais moi je puis bien me vanter que de cette parole je prendrai une vengeance telle qu’il s’en souviendra toujours.
UC DE SAINT-CIRC.
IV. Seigneur, quand deux joueurs s’assoient à la table de jeu, nul ne peut savoir, avant qu’ils aient quitté la place, de quel côté seront le rire et les pleurs ; à mon avis, on ne doit pas louer la journée avant le soir ; car le matin telle chose vous semble sûre que le soir met à néant.
LE VICOMTE.
V. Messire Uc, bien fou fut celui qui vous fit venir chez moi ; car je n’ai nulle envie de vous rien donner, et ce n’est pas avec les draps de France que je pourrais vous donner que vous couvrirez votre bedaine.
UC DE SAINT-CIRC.
VI. Seigneur, je me louerai suffisamment de vous si vous me faites rendre le cheval que m’avait donné mon seigneur Guibert, qui s’élève en honneur et en prix.