GIRAUT A UC DE SAINT-CIRC.
I. Messire Uc de Saint-Circ, maintenant m’est échu le bonheur que vous m’avez longtemps souhaité, de trouver quelqu’un qui m’entretienne et consente à me donner du sien. J’ai accepté [ses présents] tout de suite, sans tarder ; je sais maintenant et comprends parfaitement ce qu’est la vie d’un pauvre qui se trouve seul et sans amis en pays étranger.
II. Car, sans celui qui m’a retenu [à son service] et me donne pain et vin, foin et blé, j’aurais eu souvent le groin du pourceau. Quoique cette année je sois souvent passé par là, — je le dirai, et je ne sais si c’est folie de le dire, — j’aurais eu plaisir à vous avoir auprès de moi, car vous sauriez dire alors, je crois, quelle vie j’ai menée depuis que je suis passé du côté de Moncade.
III-IV. Je prie donc Dieu de favoriser d’une bonne étoile et de combler d’honneurs celui qui m’a envoyé ici et de lui donner plaisir, joie et santé.
MESSIRE UC LUI RÉPONDIT AINSI :
V. Ami Giraut, Dieu m’a donc fait cette grâce qu’aujourd’hui tous mes voeux sont réalisés. Oui, j’ai dans mes vers (?) désiré et souhaité qu’il vous fît devenir pauvre ; car la pauvreté nous enseigne combien il est doux de prendre, quand quelqu’un veut nous faire du bien. Désormais, au sujet du prendre, vous en saurez plus long que moi, grâce aux circonstances où vous avez commencé à prendre.
VI. Je comprends très bien pourquoi vous eussiez désiré que je fusse constamment avec vous : c’est que j’aurais maintes fois éloigné de vous la faim et la soif, et vous aurais épargné mainte traverse. Vous devez vous féliciter d’avoir appris, en ces circonstances, comment se conduit un pauvre. Il y a bien cinq ans qu’une telle pauvreté vous talonne...
VII. Si vous aviez trouvé un homme d’une large générosité.
VIII. Il n’y a jongleur, d'ici à Saint-Céré, qui sache remercier mieux que vous celui qui lui fait du bien et le secourt dans sa grande pauvreté.