PIERRE GUILLEM.
I. Celui qui attaque dame Cunizza, par arrogance ou par jalousie, fait une grande folie, car sa beauté resplendit et son haut mérite triomphe ; et il convient qu’il en soit ainsi, je vous le fais savoir. C’est pourquoi elle m’aura dorénavant comme serviteur, et si quelqu’un se tourne contre elle ou se conduit mal à son égard, il saura si mon épée coupe ou plie.
II. Et celui qui lui est hostile ou lui cherche querelle, je ne lui conseille pas d’aller faire sa cour en Provence, car il pourrait bien sembler fou et se repentir de sa malveillance, dont je me gare. Mais qu’il se garde surtout de [passer à] Luserne, car l’orgueil et la sottise n’y sont ni accueillis ni protégés, parce que là tout est agréable.
III. La mesure et l’intelligence, voilà ce qu’il doit garder précieusement autant que la semence, celui qui veut se conduire comme il faut.
II.
LE SEIGNEUR UC DE SAINT-CIRC.
I. Peire Guillem de Luserna, vous ne nous dites pas combien baissent la splendeur et le prix de Cunizza (?) ; car je sais qu’elle a fait cette année-ci un si beau coup qu’elle en a perdu la vie éternelle, par suite de quoi elle ne doit plus jamais vivre sans émoi ; et quand une dame quitte le droit chemin ou fait un écart tel que chacun la bafoue, elle n’a plus besoin de se faire ausculter par un médecin de Salerne (c’est-à-dire elle est perdue).
II. Je sais bien que ton épée coupe, mais si tu te bats avec tous ceux qui diront du mal d’elle ou qui ne l’excuseront pas, [avouant] qu’elle a fait une grande faute, [alors il te faudra donner tant de coups que], même dans la vallée de Roncevaux, il n’en fut pas frappé autant. Maintenant, je m’arrête et je me désintéresse d’elle. Qu’elle s’en aille où bon lui semble : dorénavant, je ne veux plus m’occuper d’elle.
III. La prudence (mesure) veut qu’on n’essaie pas de sauter plus loin que son ombre.