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Français
Alfred Jeanroy et Jean-Jacques Salverda de Grave

I. Seigneur Uc, dites-moi votre opinion au sujet d’une dame dont je suis amoureux, à qui j’ai voué mon cœur et mon esprit, et aucune autre ne me plaît, tellement je l’aime d’amour. Or pour dissimuler cet amour, je voudrais, si elle y consentait,  adresser ailleurs mes hommages ; mais je ne crois pas qu’elle me le permette. Par la foi que vous me devez, que vous en semble ? Puisqu’elle ne me vient en aide par aucun bienfait, est ce parce qu’elle m’aime et me veut du bien, ou au contraire par malveillance qu’elle me l’interdit ? Dites-moi ce que vous en pensez.
 
II. Certan, sur la question que vous me posez, je vous répondrai fort certainement, et vous dirai ce que j’en crois et ce qui m’en semble. Selon le récit que vous me faites, elle dit qu’elle ne saurait vous aimer, ni consentir à ce que vous ayez une autre amie, quoiqu’elle ne vous sache aucun gré de ce que vous pouvez faire ou dire. La question sera vite tranchée : puisqu’elle ne vous retient pas et vous interdit de chercher votre joie ailleurs, c’est qu’elle ne veut pas que vous ayez bien ou honneur. Il ne me semble donc pas, puisque telle est sa conduite, qu’amour se soit emparé d’elle.
 
III. Seigneur Uc, vous me donnez, selon mon opinion, une mauvaise réponse, en disant que c’est pour m’être désagréable qu’elle m’interdit d’en prier une autre. Sachez, au contraire, en vérité, que ma compagnie lui plaît tant, qu’elle ne saurait souffrir de me voir courtiser une autre dame ; et si elle me refuse son amour, c’est uniquement pour voir si je lui suis fidèle, ou si j’ai le cœur perfide. Vous défendez une grande folie, et il me semble à moi que c’est mon bien qu’elle veut, puisqu’elle m’interdit de porter ailleurs mes prières.
 
IV. Certan, vous vous défendez fort bien, à la façon d’un homme qui soutient une mauvaise cause ; mais un amoureux fidèle ne sait s’il est sage ou fou ; il ignore s’il se fait des illusions, car autrement il ne serait pas un véritable amoureux. Quant à vous, l’amour vous a si bien conquis, que vous ne savez pas si celle à qui vous êtes soumis vous trahit ou vous aime. Puisqu’elle ne vous laisse aucun recours, n’est-il pas évident qu’elle vous veut le plus grand mal ? Pardieu ! À mon avis, tout ce que vous dites n’est que balivernes.
 
V. Seigneur Uc, si ses sentiments étaient ce que vous dites, elle consentirait certainement à ce que je me tournasse d’un autre côté ; car, si elle n’avait pas l’intention de m’aimer, pourquoi m’empêcherait-elle de me pourvoir auprès d’une autre ? Jamais je n’ai rien dit ni fait contre elle, et ne saurais croire qu’elle agît si mal envers moi : car si quelqu’un, tout en refusant de faire du bien à un serviteur fidèle, lui interdit de chercher un autre seigneur, il fait par là, à mon avis, que sa valeur en vaut moins.
 
VI. Certan, vous êtes vraiment pris comme l’oiseau qui se prend à l’appeau, car vous aimez sans gré et sans joie, et vous n’êtes pas aimé. Je ne dis point par là que votre dame ait raison de vous emprisonner dans ses liens, sans vous donner aucune joie ni écouter vos prières. Je ne crois pas qu’on ait jamais ouï dire que pareille chose soit arrivée à nul amoureux, et je ne sais en vérité choisir le meilleur parti, car s’il est pénible de courtiser trop longtemps en vain, il est blâmable de renoncer à une entreprise.
 
VII*. Sire Uc, le roi d’Aragon, vaillant et noble, en qui Prix réside... dira, j’en suis sûr, tellement il s’y connaît en amour, que c’est parce qu’elle me veut du bien que ma dame m’interdit d’en prier une autre.
 
VIII. Certan, si le roi choisit le mieux, il dira que celui qui s’obstine en pareil lieu fait grande folie ; je l’accepte volontiers pour juge, car il finit bien ce qu’il commence, et fait tout ce qui convient à un preux.
 
 
* Nous traduisons les deux tornades de T; voici la traduction des deux tornades de AD :
 
VIII bis. Sire Uc, je veux que le Dauphin d’Auvergne, qui sait bien comment va et vient et court l’amour, juge si c’est pour mon bien ou pour mon mal qu’elle me défend d’en courtiser une autre.
 
IX bis. Seigneur, celle par qui le Limousin est honoré dans le monde entier, dame Marie de Ventadour, dira que vous avez grand tort de le croire.

 

 

 

 

 

 

 

 

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