I. Dans le monde, chacun se plaint d’autrui : les clercs des laïques et de même les laïques des clercs ; et les sujets reprochent à leurs seigneurs leur injustice et souvent les seigneurs reprochent la leur à leurs sujets. Ainsi le monde est plein de mécontentement. Mais maintenant les Tartares viennent de l’Orient, à moins que Dieu ne l’empêche, et ils les mettront tous au même niveau.
II. Pour maint forfait et pour mainte vilenie que clercs et laïques ont faits et font encore par malice, ce mal arrivera — que dis-je, il arrive aux chrétiens — si Dieu ne les prend en pitié, à savoir que le Pape mettra fin à la dispute des clercs et des laïques. Car s’il les met d’accord, jamais plus rien ne pourra leur nuire.
III. Ah ! pourquoi le clerc veut-il de beaux vêtements ? Pourquoi veut-il une vie si fastueuse ? Pourquoi veut-il de beaux chevaux quand il sait que Dieu voulait vivre pauvrement ? Pourquoi désire-t-il le bien d’autrui ? Quand il sait que tout ce qu’il emploie ou dépense, en plus de sa nourriture et de ses vêtements misérables, il l’enlève aux pauvres, et l’Écriture Sainte ne ment pas.
IV. Et les grands seigneurs, pourquoi ne se gardent-ils pas de faire tort ou violence à leurs sujets ? Car je ne considère pas comme une injustice moindre de faire violence aux siens que de prendre le bien d’autrui. Elle est même plus grande, car la faute est double. Si, en effet, on ne protège pas, autant que possible, ses sujets contre soi-même ou autrui, on commet une faute si grande à leur égard qu’on en perd sa droiture.
V. Mais tout peuple qui offense son seigneur dans la moindre chose manque de bon sens, car tout homme doit aimer d’un amour sincère et servir loyalement son bon seigneur. De même, il convient que le seigneur aime sincèrement ses sujets, car la loyauté leur commande de s’aimer les uns les autres si cordialement qu’entre eux il n’y ait pas de tromperie.
VI. Roi de Castille, l’empire vous attend ; mais ici, on dit, seigneur, qu’il attend comme un Breton, ce dont on se plaint beaucoup.
VII. Car quand un grand roi entreprend une grande action, il lui convient de l’achever ou d’en accepter les conséquences.
