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Français
Jean Boutière

I. Une femme belle, gracieuse et charmante, miroir et fleur des dames et d’Amour, me fait chanter et m’ôte chagrin et douleur ; car sa gracieuse personne, après laquelle je soupire toujours davantage, m’a doucement vaincu, enlacé et fait prisonnier ; et si sa clémence ou sa pitié ne me viennent pas en aide, je ne connais pas de château où je puisse me protéger : [car] je n’ose pas la prier, et je ne puis me détacher d’elle.
 
II. Il en est de moi comme des valeureux soudoyers, qui vont longtemps cherchant un bon seigneur, jusqu’au jour où ils en trouvent un qui leur vient en aide et qui les secourt, un seigneur loyal et droit. Tout pareil à eux, j’ai cherché durant trente mois, car jamais jusqu’à ce jour je n’ai trouvé dame qui me plût autant que vous le faites, vous que j’appelle Beau Désir et dont je puis dire tout le bien possible sans cesser d’être vrai.
 
III. Belle dame, humble et sincère, franc et loyal, sans cœur perfide, je m’incline devant vous, que j’aime et que j’adore, et je suis votre homme lige et votre vassal ; je me donne à vous, car vous êtes la créature la plus charmante et la meilleure qui jamais soit née de mère ; et, comme je ne puis m’empêcher de vous aimer, je vous prie, par grâce, de ne pas me laisser mourir.
 
IV. Pareille au chevalier qui, dans un bon tournoi, sort le premier du rang (attaque le premier) et abat le meilleur [des combattants], puis, au départ, a tout le prix et l’honneur [du tournoi], vous avez le prix des avenantes qualités ; et comme vous avez fait à la fois ma conquête et celle de Noble Mérite, je ne vous demande qu’une chose : qu’il vous plaise de me laisser vous aimer, vous honorer, vous servir et accroître et prôner votre mérite.
 
V. Et puisque mes demandes ne sont pas trop audacieuses, noble dame, vous devez en toute justice garder votre noblesse ; si vous accédez à ce désir [que j’exprime], cela sera plus honorable pour vous que si j’avais eu la légèreté de vous demander ce qui ne m’appartient pas. Sachez pourtant que je ne veux pas dire par là que je ne sois pas capable [le cas échéant] de témoigner ma reconnaissance pour tous les bienfaits reçus, en cachant mon amour, en vous louant et en vous procurant du plaisir.
 
VI. Beau Désir, je rends grâces à Amour, car il a mis tout à fait en vous mon cœur sincère, et m’a dirigé vers une dame charmante, bien qu’il m’ait donné beaucoup de peine pour faire un choix.

 

 

 

 

 

 

 

 

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