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Français
Jean Boutière

I. Il doit être vraiment privé désormais de toute grande joie, celui qui n’a pas la force de se séparer de son seigneur, lorsqu’il ne peut, malgré ses services dévoués, gagner son amitié, et que pourtant il ne veut pas cesser de le servir ; sa souffrance et son martyre sont plus grands que ceux d’un prisonnier ; quand il sert sans récompense et qu’il s’aperçoit que ce service ne lui vaut ni biens ni reconnaissance, il me semble bien qu’il doit éprouver de la souffrance.
 
II. Il doit être plein d’inquiétude, tout seigneur qui, sachant que les siens (ses vassaux) se réjouissent des honneurs qu’il reçoit, ne les accroît pas et ne leur conserve pas son amitié, puisque par eux il est servi de bon cœur et franchement ; car il convient que Dieu haïsse le seigneur félon qui veut, sans raison, causer la perte des siens ; et il y a gros à parier qu’il décherra, celui qui fait périr et tourmente les siens.
 
III. C’est à propos de ma dame que je dis tout cela comme un ami sincère et véritable, mais je ne me plains pas ; car désirer son amour me fait un tel plaisir, que je me réjouis de ce qui fait le chagrin d’un autre, et que j’éprouverais du plaisir si elle daignait, par grâce, me refuser la joie que je désire ; [et il est certain qu’elle me dira non] car il ne lui plaira certainement pas que je lui exprime mon désir.
 
IV. Elle ne m’a jamais rien donné, ni promis, ni ôté, et je ne lui ai jamais adressé de prière ; au contraire, elle me cause tant d’effroi, que je n’ose pas lui dire combien j’ai pour elle un amour parfait ; et jamais cet aveu ne sortira de mes lèvres, si elle ne m’invite à le faire ; je ne veux pas non plus me détourner d’elle, ni pour dommage, ni pour profit, ni pour aucune autre considération, car oser désirer qu’elle me possède est pour moi un doux désir qui m’apaise.
 
V. Il ne faut ni ajouter, ni rien ôter à ma dame : on voit bien, à son mérite véritable, qu’elle vénère Dieu, et que Dieu lui accorde son amour, car jamais elle ne fit rien contre les convenances ; aussi je me réjouis, comme si je recevais un don, quand je vois ses manières charmantes, quoiqu’elle me fasse soupirer ; car je ne désire rien qui puisse lui ravir sa valeur véritable et vraie.
 
VI. Je suis si charmé et si heureux, quand je contemple sa bouche et son menton, qu’un doux désir, malgré l’inquiétude qu’il me donne, me fait vivre joyeux ; car son aspect charmant m’apaise.
 
VII. Aucun « losengier » ne m’inquiète ; mais je prie Dieu de les faire tous déchoir.

 

 

 

 

 

 

 

 

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