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Français
Jean Boutière

I. Je me réjouis tellement de la nouvelle saison, grâce à l’allégresse que m’a procurée Amour, que tout ce que je fais et dis m’est agréable, et je veux chanter comme il sied aux hommes courtois, car il ne me plaît pas de me quereller avec un médisant. Vous, Sordel, dites-en ce que vous voudrez. [Quant à moi, je pense que] celui-là fait assez qui peut s’instruire ; et, moi, je m’instruis toujours volontiers.
 
II. Non, par ma foi, bel ami Sordel, vous n’avez pas la réputation d’avoir commis une vilaine action (et je serais fâché si vous ne me croyiez pas ! ) ; aussi ne vous ai-je pas visé dans mon sirventés, car il me déplairait de manquer envers vous en quoi que ce fût. Au contraire, je dis à tous, car je sais que cela est à votre honneur, que personne n’a jamais eu de si splendides revenus, et je ne m’imagine pas que vous ayez été jongleur !
 
III. Vous jouez souvent de l’épée et du couteau, et quand vous êtes armé de toutes pièces, c’est une joie que de vous voir. Lorsque, bien harnaché, vous êtes sur votre cheval, vous ressemblez à l’un des chevaliers du « bagastel » ; ne pensez pas que lorsque je vous verrai ainsi équipé, j’ose vous attendre de pied ferme ; et comme je n’ai pas le courage de me défendre contre vous, par Dieu, « messer », il ne me reste qu’à vous demander grâce.
 
IV. Si Reforzat a dit qu’à Aix, à la boucherie, il vous surprit mangeant ce que vous ne deviez point manger (?), [je déclare, moi, que] vous n’avez acheté ni ventre, ni boyau, ni tête, ni pieds, ni foie, ni rate, ni autre chose au sujet de laquelle on puisse vous blâmer (?). Mais, puisque vous avouez qu’Amour vous tient dans ses lacs, messire Sordel, je veux bien prendre pour moi la pénitence de tous les péchés qu’Amour vous fera commettre.
 
V. Depuis mon arrivée ici [à la cour de Barral], je n’ai jamais endossé une peau de loup pour contrefaire cet animal, auquel je ne veux pas ressembler ; de sorte que j’ai pu, à la sortie, éviter le clou et préserver mon pied de toute blessure (ne pas mettre mon pied sur le clou, comme l’a fait le loup). Et je crois que mon seigneur n’a aucune raison de me blâmer (de ne pas avoir imité le loup), car j’ai pris conseil de lui avant de me rendre ici. Prions donc Dieu, messire Sordel, qu’il fasse payer cher les trahisons qui font enfreindre la foi jurée.
 
VI. Bien que vous ayez, messire Sordel, de magnifiques revenus, vous n’êtes pas jongleur ; et si vous étiez jongleur, je pourrais bien dire — mais je ne vous fais pas de reproches [puisque vous ne l’êtes pas] — qu’un si bon jongleur n’a jamais fait deux sirventés aussi mauvais. (1)
 
 
 
Note :
 
1. Nous rappelons que les traductions de XVI, XVII, XVIII sont celles de MM. Bertoni-Jeanroy.

 

 

 

 

 

 

 

 

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