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Français
Jean Boutière

I. Toujours, hiver comme été, je suis en haute mer ; mais j’en ai assez la pratique pour bien mener mon esquif. Je ne me connais aucun ennemi qui puisse me faire perdre le nord sur cette mer [d’amour] qui m’est douce, et [en dépit d’eux] je ne me détourne pas de ma route. J’envoie au grand diable d’enfer les médisants, et je n’en fais pas plus de cas que d’une écorce d’aune. J’en sais un qui, en voulant me railler, se blessa si cruellement que tons les médecins de Salerne ne sauraient le guérir.
 
II. Les sirventés de Sordel lui sont, je le vois bien, montés à la tête, ces sirventés qu’il amoncelle devant nous (?) [de sorte que] il semble verser les strophes dans des brocs et de là dans des coupes (?) ; mais, en fin de compte, toutes ses paroles n’ont ni queue ni tête et ses traits sont fort émoussés (?). Puisqu’il est si redoutable, que Dieu me fasse cette grâce qu’il ne m’attrape point. Il a déjà fait une telle prouesse qu’il n’y a plus de place pour lui parmi les Lombards ; de Trévise à Gap il connaît tous les barons ; il ne connaît même que trop ceux d’Espagne aussi.
 
III. Puisque Sordel se dit mon ami, je le prierai, s’il m’arrive le grand malheur que le seigneur Barral me manque, de me dire de quel côté je dois me tourner, car il connaît tous les lieux de refuge. Mais qu’il ne m’envoie pas à celui qui devint son ennemi et à qui il en voulut tant quand il lui eut refusé la mule. Il (Sordel) mit à la demander beaucoup de sans-gêne, mals ce fut en vain qu’il prêcha. Il est vrai que d’autres l’ecoutèrent mieux : il revint riche d’Espagne et il poussa jusqu’en Poitou, au temps où « donnait » le seigneur Savaric.
 
IV. Jamais ce Sordel, qu’on tient pour un fin renard, n’a été chevalier (c’est Joannet d’Albusson qui m’a dit cela entre quatre yeux, et c’est à lui de voir s’il a dit vrai) ; s’il était parti de Lombardie plus tard, il ne pourrait exploiter ses domaines (?) à Chénerilles. Bien qu’il se donne l’air d’un conquérant en amour, bien fou qui l’en croirait, car si les autres Lombards sont aussi froids que lui, ils ne valent rien en cette affaire : puisse « mon Rainier » me protéger contre eux (?) !
 
V. Si longtemps que je fusse attablé au jeu d’amour, jamais je ne bougeai, qu’il neigeât ou qu’il plût. Je sais joliment gagner avec le « cavalier » et avec la « tour », et jamais nul n’a su mieux défendre sa « reine ». Quant à messire Sordel, il a joué comme un imbécile, car il a conduit sa reine, avec lui-même, à la ruine, et finalement il a perdu la partie. Il endossa alors un vilain froc et, depuis lors, il ne sut plus, au jeu d’amour, frapper au but.
 
VI. Sordel a dit tout le mal qu’il a pu du seigneur de Léon, tant il s’irrite quand on oppose un refus à ses prières. (1)
 
 
 
Note :
 
1. Nous rappelons que les traductions de XVI, XVII, XVIII sont celles de MM. Bertoni-Jeanroy.

 

 

 

 

 

 

 

 

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