I. Depuis que je vous ai vu, Bertran, pour la dernière fois, j’ai rencontré le seigneur Gavaudan, dame « Saura » & le seigneur « Aurien » & Raymonde de Roquefeuil & la comtesse. Elles me demandèrent de vos nouvelles, & je leur dis que dans la grande guerre entre les deux comtes vous avez sans doute gardé votre écu intact & votre lance entière, ainsi que votre corps flasque & mou.
II. Guigue, je vous aime mille fois plus que je ne faisais, puisque vous avez dit du mal de moi devant tant de dames brillantes, car cela me plaît & je le désire ; car le blâme d’un homme de rien, qui ignore (les bons usages), vaut entre connaisseurs autant qu’un éloge venant d’un homme de mérite. Seigneur vilain, grand héron qui vivez sur le bord de l’eau, vous êtes de ceux qui louent quand ils blâment.
III. Seigneur Bertran, vous êtes un grand sac de mouture ; quand, je dis du mal de vous, je ne vous loue pas, mais je dis la vérité ; & pour ceux qui vous connaissent & qui connaissent vos façons d’agir, ............ si ensuite je rétracte le mal que fai dit de vous.
IV. Guigue, mendiant à la langue médisante, vous me rendez content & joyeux ; si vous dites du mal de moi, il est juste que je vous supporte, parce que, parmi les gens honorables, j’en augmente en prix.