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Français
Alexander H. Schutz

I. Jamais homme n’a aussi bien aimé que j’aime, d’un cœur vrai, celle que je désire tant que je pousse du fond du cœur maint soupir ; et je n’ose lui montrer mon cœur, ni en paroles ni par ma mine ; car sa valeur, parfaite et vraie, est telle que le proverbe n’est pas à propos qu’on a l’habitude de dire pour ranimer le courage : « L’amour rend égal tout le monde. »
 
II. Dame, ce vrai Dieu qui a façonné votre noble corps franc et agréable n’a point voulu, en somme, en créer de pareil ; car il vous a pourvue de tous les biens si généreusement et sans mesure que, si l’on arrivait à connaître ces qualités, si nombreuses qu’elles suffiraient à enrichir le monde entier, on aurait déjà, à mon avis, réalisé un grand bénéfice.
 
III. Dame, il y a bien six ans ou sept, j’avais conçu le projet d’implorer votre grâce, en me faisant passer pour le messager timide et discret d’un de vos amis, mais quand je me représente la grande fierté qui est en vous et votre orgueilleuse conduite, je m’effraie, comme l’épervier qui n’a ni force ni sens quand la force de l’aigle le surprend.
 
IV. Jamais aigle n’est monté si haut, et nul [autre aigle] ne saisit ni ne frappe comme vous, dont la valeur s’élève et dépasse tout ce dont la valeur s’est le plus approchée (?), tandis que moi, comme le petit oiseau tremblant, je regarde de votre côté et me retourne timidement, car je n’ose m’empresser de voler là où je voudrais voler bien vite. Cependant, avec ardeur, je vole d’ici vers vous, sans cœur inconstant.
 
V. Dame, celui qui fut le premier à découvrir qu’il faut mêler l’or fin avec l’acier pour fabriquer le diamant qui exige cela, a eu une idée très courtoise ; car par le diamant on entend l’amour qui est fort et a grande puissance ; l’amant, c’est l’acier ; la dame, l’or fin et la joie entière ; et l’orfèvre qui achève le travail fait de tous trois une œuvre charmante.
 
VI. Dame, par Dieu, qui fut mis en croix, je vous crie merci et vous prie et vous demande de ne pas vouloir ma punition en m’interdisant ainsi de vous demander merci par mes yeux, mes soupirs et mes chants. Je suis votre homme lige et fidèle serviteur, et je n’ai pas droit à une autre récompense. Souffrez, au moins, qu’en disant du bien de vous, j’allège mon tourment.
 
VII. La nature a voulu et octroyé que toute chose eût plus ou moins besoin d’une autre chose et c’est pourquoi je m’offre à vous servir. L’amour m’a tellement obligé à vous aimer que je ne considère plus ni mon dommage ni mon profit. Puisque je vois qu’il n’en peut être autrement, je ne me plaindrai pas de vous, mais je souffrirai avec joie le mal qui me fait vivre languissant.

 

 

 

 

 

 

 

 

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