I. Puisqu’Amour veut et commande qu’en chantant j’explique mon cœur, il faut bien que je fasse une chanson qui, où qu’elle se répande, plaise aux amoureux, car à d’autres je ne veux pas offrir de chansons, puisqu’ils ne connaissent pas le gai désir qui enflamme et embrase le cœur de celui qui aime loyalement.
II. Celui qui aime bien sa dame la courtise avec discrétion, dès qu’il est assuré de sa sincérité ; car s’il la met trop à l’épreuve ou la requiert d’amour entière, il arrive de toute nécessité qu’il subisse le désagrément du refus. Que ses yeux et ses soupirs prient pour lui. Qu’il s’efforce de dépenser à propos et noblement, car telles sont les prières que veut une dame raisonnable.
III. Tant m’éclaire et me réchauffe un doux rayon qui pénètre dans mon cœur, que je vois constamment ce qui me plaît : et même si j’étais en Islande, je viendrais de là-bas, voir ici celle qui, quand je me sépare d’elle, sait si bien entailler mon cœur dans le sien que (ce qui se passe dans son cœur) je le sens jusque là-bas (?).
IV. Car, dans tout l’espace qu’enferme le ciel, jamais ne naquit dame si gaie, si pleine de bonnes qualités, ni qui possédât à un si haut degré tout ce que parfaite valeur désire et commande : elle sait bien parler, recevoir, tenir cour, et garder par ses aimables façons tout le monde à son service, tout en n’aimant qu’un seul d’un sentiment profond.
V. Là où l’on dit : « Si’ a randa » (qu’on soit côte à côte), je veux que ma chanson se retire, pour qu’elle soit bien reçue et considérée avec soin. Je ne sache aucun endroit où elle puisse mieux briller. C’est là qu’on peut maintenir la vraie valeur, car Dieu a voulu y placer si agréablement un château fort et beau qui est la fleur de joie et de jeunesse.