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065,003

Français
Alexander H. Schutz

I. — Quoique j’aie souffert quelque peu de dommage, je ne laisserai pas pour cela de me réjouir et de chanter, malgré les bavards médisants ; car je vis d’Amour et m’entretiens avec lui, qui me lie de toutes parts et m’impose son empreinte. C’est pourquoi je le servirai toujours, car à autre chose je ne puis penser ni me plaire, car il me possède comme il posséda Andrieu. Je prie Dieu que mon sort ne soit pas si cruel.
 
II. — Amour, vous me tourmentez d’autant plus que je vous suis plus soumis ; et si vous me laissez mourir en aimant, vous respecterez mal notre contrat ; et celui-là fait un péché qui fait violence à son serviteur sans reproche, ou qui se comporte déloyalement envers lui. C’est chose laide que de retirer un don. Reprenez-le moi, ce don, je n’en puis mais ; et (pourtant) vous pouniez me le donner facilement, et alors les plus riches tiendraient de moi leur fief (je serais leur suzerain).
 
III. — L’amour me fait boire au hanap de Tristan, [et absorber] aussi le poison ; s’il en donnait à celle que j’aime tant, il agirait plus courtoisement ; parce que seul je suis à lui ; il ne torture que moi, et c’est pourquoi je perds la raison (?) pour celle à qui je suis et serai (toujours), et si elle buvait de ce même poison dont j’ai bu, il me semblerait que je suis auprès de Dieu.
 
IV. — Amour me rend semblable aux enfants, car ma raison est comme la leur, puisque tantôt je pleure, tantôt je suis heureux ; tantôt je suis fâché, tantôt je suis joyeux, et je me conduis ainsi, car j’ai visé et je n’atteins pas. Mais je ne me lasserai pas pour cela d’aimer, car je verrai (le jour) où ma dame me tiendra pour sien quoique elle ne m’accepte pas aujourd’hui plus qu’un pèlerin.
 
V. — J’aime la plus gracieuse, à mon avis, qu’il y ait jamais eu au monde et qui sera jamais, et à qui j’appartiens, car je n’en courtise pas d’autre ; aussi devrait-elle m’être indulgente. Je la prie qu’elle veuille et daigne m’être favorable ; car autrement je brûle, je meurs et m’éteins ; et elle doit empêcher que je meure, parce que je l’aime d’un cœur pur et sincère ; et si elle agit de la sorte, elle s’en repentira (?), car celui-là fait un péché qui amoindrit son bien.
 
VI. — Jamais je ne vous quitterai volontiers (même) par force, vous que j’aime plus que n’importe quoi sous le ciel.

 

 

 

 

 

 

 

 

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