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030,017

Français
Ronald C. Johnston

I. Votre éducation, votre prix et votre valeur, Dame que j'adore nuit et jour, ont tellement doté mon cœur de belle affabilité que plus je souffre, plus je chante et me réjouis ; et puisqu'Amour déploie à tel degré son pouvoir contre moi seul qu'il trouve le plus loyal, ni ma force ni mon savoir ne peuvent rien contre lui.
 
II. Alors, Dame, que votre aide me soutienne et que Merci et Courtoisie vous vainquent, avant que l'amour et votre désir, dame la plus belle qu'il soit au monde, me tuent ; dire vos éloges il m'en manque la possibilité, car votre mérite est si riche et si grand, qu'il est supérieur à tous et élevé au-dessus des meilleurs.
 
III. Je suis reconnaissant aux autres troubadours de ce que chacun d'eux garantit et affirme dans ses chansons que sa dame est la plus belle qui existe — moi je loue leur affirmation et les en remercie, quoiqu'elle soit fausse, car ma vérité passe saine et sauve à travers leurs mensonges, car pas un ne la reconnaît ni n'en pense du mal, car chacun croit de même que c'est une complaisance. (?)
 
IV. Dame, nous trois, vous, moi et Amour, nous sommes seuls à savoir, sans autre garant, quelle était la convention, il ne faut pas que je vous en dise davantage, car je suis à vous et je me proclame vôtre, et mon cœur est si joint et uni à vous de fin amour et de désir sincère, que mes voeux ne seront pas fixés ailleurs.
 
V. Dame de valeur, gracieusement louée, je n'ai plus du tout la maîtrise de mon cœur, mais je le tiens en fief de vous, dont je tiendrais le monde entier s'il était à moi. Et parce que je ne vous vois pas souvent, là où vous êtes, ma crainte ne me permet pas de vous imaginer dans mon cœur comme si j'étais là-bas, jouissant de l'extrême plaisir de vous voir.
 
VI. Dame, je suis reconnaissant du plaisir et des honneurs, et je le serai toujours (si je vivais toujours), si vous voulez seulement souffrir que je nourisse un doux espoir — puisque cela vous plaît, je sais bien que je dois le faire ; mais si j'en meurs, que me vaut mon doux espoir ? Si vous n'avez pas bientôt des sentiments plus profonds à mon égard, l'indifférence me fera désespérer.
 
VII. Je serais plus riche que les autres amants si j'avais la joie que je désire le plus ; on ne trouverait jamais mon pareil en prouesse, et rien ne s'opposerait à moi ; du (= par le) grand avoir que j'aurais et du savoir, les portes du paradis seraient à moi, et je ne pourrais y trouver plus d'honneur.

 

 

 

 

 

 

 

 

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