I. Celui à qui Joie est accordée vit en grand honneur, car tout lui doit son origine — courtoisie, plaisir, éducation, franchise, mesure, cœur amoureux, désir du service d'amour, clémence, science, connaissance, propos agréables et réponses plaisantes — toutes les qualités enfin qui assurent la joie et la valeur.
II. Joie sera toujours cultivée et servie par moi, chérie et aimée de mon mieux. J'y ai mis mon espoir et mon bonheur, mais puisque je tarde tant à voir celle que je désire le plus, j'ai dans mon cœur honte et crainte — je ne raisonne pas à ce sujet, car la raison ne m'est d'aucun secours, mais la clémence, la merci et le pardon.
III. Bonne Dame, que guident Joie et Prix, que votre humilité juge mon cœur, et si vous trouvez en moi quelque fausseté (je ne puis vous chérir plus que je ne le fais (?), ne m'accordez plus aucune joie, car le don que vous me fîtes, Dame, avec des paroles aimables, monte en mon cœur et m'enlève toute fausseté.
IV. Où que j'aille, mon cœur et mon esprit se sont donnés à votre puissance, et, s'il vous plaît, ne me méprisez pas, car rien qu'en cela vous pouvez me rendre riche — souffrez que je vous aime, et si même cela ne vous sourit guère, je ne puis être le maître de mon cœur (et l'empêcher) de vous aimer plus que moi-même ni que rien au monde.
V. En vous suppliant instamment, j'agis en audacieux, mais chaque jour ma volonté de bien aimer redouble et s'épure et s'affine. Cet esprit qu'Amour distribue aux autres, il le leur enlève, trouvant en eux un défaut, pour me le donner à moi, qui suis fidèle, franc et bon, car autrement je n'oserais vous aimer, Dame.
VI. Mon Gen Conquis, Dieu vous donna le savoir et toutes les bonnes qualités qui rendent votre mérite si enviable, si exquis et précieux au-dessus des bons.
VII. J'envoie ma chanson en Aragon au roi que Joie rend noble, car il est courtois et preux, humble et hautain là où il convient (c'est-à-dire selon les circonstances).
