I. Par le Christ ! si j'avais cru Amour, il m'aurait de nouveau ramené dans l'égarement où il me tenait d'habitude ; car, lorsque je lui ouvris mon âme, il vint par les yeux me frapper au cœur d'une image aimable, qui me venait d'une jolie et gaie personne. Mais désormais, s'il ne se ligue avec moi, jamais plus il ne pourra pénétrer en sécurité dans mon cœur.
II. Et pourtant j'ai au cœur une si grande douceur, pour une faveur que me fit celle... (je n'ose dire qui), quand elle me vit m'éloigner d'elle, que je laisse mon cœur entr'ouvert (?) pour recueillir une joie semblable, ou plus grande encore : car, lorsqu'elle retira son gant, elle brisa la serrure de mon cœur et y mit comme gardien la Mesure.
III. Mais ensuite, quand je revins de loin, Mesure n'eut aucun pouvoir : car, par son charme, celle qui peut — si elle le veut — me tuer, l'en fit sortir et prit elle-même possession de mon cœur, riant et s'amusant, avec une telle assurance, que je ne lui demande ni ne réclame rien d'autre, car mon cœur ne fait que la contempler, et ne se soucie plus du reste.
IV. Quand je la regarde, elle me paraît de plus en plus gracieuse ; et quand j'y pense je la trouve encore plus aimable : car elle se fait aimer et admirer par son aspect et par ses paroles. Et si Dieu la détermine à accepter (ne fût-ce que par pitié !) que je l'aime sincèrement, Pitié aura ce qui lui est dû, et elle, un ami fidèle.
V. Si je ne suis, pour son haut rang, assez distingué pour être un amoureux parfait, elle peut néanmoins me conserver, car je sais garder un secret et souffrir franchement, de bon cœur, ce qu'un amant loyal doit souffrir, et j'ai pour elle une estime si grande que, si elle la compare à sa noblesse, c'est la noblesse qui sera en défaut.
VI. Chez la noble reine, digne de louange, va-t'en, chanson, et demeure, car auprès d'elle toute chose devient meilleure.