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030,II

Français
Pierre Bec

V. 1-34 : Dame, celui qui ne peut avoir de joie si cela ne vous agrée, l'homme et l'ami véritable et sincère qui n'a d'autres préoccupations quotidiennes que (de savoir) ce qu'il pourrait faire pour vous servir de bonne grâce, celui qui pour vous languit et meurt et vous aime d'un cœur fidèle, plus qu'amant n'aima jamais depuis que le monde est monde, vous envoie et vous mande mille saluts là-bas, lui qui reste ici. Il est si harcelé par votre amour que, s'il n'avait l'humilité pour l'aider et le secourir, il perdrait votre indulgence. Car la douleur et la peine qu'il ressent sont si lourdes à supporter qu'il préfère mourir que vivre. La vie est en effet pire que la mort quand on a ni joie ni plaisir. Dame, vous êtes la créature qui me plaît et m'agrée plus que tout au monde et je suis, moi, ma Dame, sachez-le, l'homme au monde qui vous aime le plus et ne se plaint d'amour pour aucune autre dame. Je suis vôtre pour tout ce qu'il vous plaira de faire ; et ne vous pourrais décrire toute la sincérité de mon cœur et le désir qu'Amour et vous m'avez donné ; ce désir d'une ferveur qui, si elle était peine à vos yeux, ne me soutiendrait pas un an. Si vous ne croyez pas que cela soit vrai, écoutez comment vous le pouvez savoir :
 
V. 35-106 : Bonne Dame, pourvu que vous ne disiez pas... commandez-moi tout ce que vous voudrez, je ne cesserai de vous aimer. Car vous ne pouvez rien m'ordonner sans que je ne suive votre volonté : si ce n'est ce sur quoi je n'ai nul pouvoir. C'est pour cela que je m'étonne fort, en ce qui vous concerne, belle Dame, courtoise et noble, que, quand vous en avez l'occasion, vous ne m'accordiez pas une plus grande amitié. Est-ce parce que vous ne m'aimez pas, ou par crainte de permettre cet amour (?). Car, à ce qu'il me semble, si vous m'aimiez plus sincèrement, vous pourriez en peu de temps me prodiguer tant d'amour et de douces manières que j'en vivrais pour toujours allègre, joyeux et gai. Mais, bonne Dame, il se trouve que toutes mes prières seront toujours vaines. Dieu ! si mon infortune fut telle, c'est que mon cœur ne connut jamais de si charmant visage. Dame, au nom de Dieu et de Merci, adoucissez votre cœur envers moi, apaisez le tiers ou le quart du désir qui me détruit et me brûle ! Douce Dame, à qui j'adresse mes amoureuses plaintes, si je pouvais vous dévoiler mon cœur, aussi sincèrement que je vous aime et vous mets au-dessus de tout ce qui m'est cher, aussitôt je serais heureux. Je ne crois, ni ne pense ni me m'imagine avoir jamais autant aimé, ni de loin ni de près, Dame, et je ne crois pas, dans mon cœur, que je puisse aimer créature autant que je vous aime, par ma foi ! Depuis que je vous ai vue, je n'eus jamais à votre égard, tant la nuit que le jour, qu'une bonté de cœur toujours plus grande. Tant est sincère le désir qui me pousse vers vous, Dame, que nulle chose ne me plaît si je ne sais qu'elle vous puisse être agréable. Et que Dieu, ma Dame, ne m'accorde jamais sans vous ni joie ni bonheur — je ne le veux point — si je ne l'obtiens par votre merci : car c'est en elle que vous avez mis et placé ce cœur qui vous est loyal et fidèle. Si bien que ma plus grande pensée, belle Dame, douce et pleine de mérite, est de faire tout ce qui vous agrée : je ne saurais avoir d'autre souci. Je ne pourrais nullement vous raconter ni vous dépeindre, dans un quelconque écrit, à quel point je vous aime d'amour véritable ; car, sachez-le en toute certitude, aucun écrivain, quel que fût son crédit, n'aurait écrit le tiers ni la moitié de ce doux et fidèle amour dont mon cœur est enchaîné par vous. Et je ne pense pas qu'un homme au monde pût souffrir les maux que j'endure pour vous, Dame, qui tenez auprès de vous ce cœur qui ne saurait vous abandonner, dût-il en mourir. Et puisque vous tenez mon cœur en gage, il n'y a point de mal à ce que je ne vous voie point car, sachez-le, bien que je sois ici, c'est là-bas, où vous êtes, que se trouve mon cœur. Il est vrai que nos cœurs sont ensemble et que jamais plus ils ne se sépareront. De quelque côté que se tourne le vôtre, le mien ne voudra jamais vous quitter.
 
V. 107-114 : Dame, le feu d'amour qui me brûle et me fait blêmir chaque jour m'empêche de vous en dire davantage : il convient donc que je m'arrête. Que Dieu vous salue, vous en qui se trouvent ma joie, mon plaisir et mon rire ! Que votre indulgence et votre merci me protègent ! Je ne puis en dire davantage : le souffle me manque.

 

 

 

 

 

 

 

 

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