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030,V

Français
Pierre Bec

V. 1-13 : De toutes les bonnes dames de haut parage en qui charment et plaisent joie, plaisir et jeunesse, culture et courtoisie, gentes manières et douce compagnie, courtoises réponses, aimables entretiens et gracieux sourire, que Dieu augmente le mérite et l'honneur, douce Dame, pour l'amour de vous en qui demeurent joie et jeunesse plus qu'en nulle autre créature ; qu'il protège ceux qui sont amis de la joie d'amour et méprise, en leur causant dommage, les fâcheux et les violents.
 
V. 14-27 : Mais vous qui êtes plus près de mon cœur, qu'il vous protège et vous garde au-dessus de toutes les autres et vous donne un cœur accessible à la merci. Dame, dans ce que je vous dirai, qu'il n'y ait point de dommage, si je n'en tire aucun profit. Il est d'usage et correct, à mon avis qu'en bonne cour, un messager de toute confiance doive fidèlement transmettre tout ce qui lui est mandé. Mais pourtant, bien que ce soit l'usage, si ma raison n'y forçait mon cœur, je ne voudrais point être le messager de ce que je vais maintenant vous dire.
 
V. 28-59 : Alors, douce Dame, si cela vous agrée, puisque j'y suis amené par la force, ne prenez point ombrage de ce que je vais vous dire ; car l'amour, qui règne sur tout ce qui existe au monde, me guide sûrement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Vous ne le feriez ni ne le ferez tant que vous vivrez. Je vous envoie ainsi mon cœur, qui est loyal et sincère, d'intentions pures, en désir d'amour, pour vous servir et vous aimer, polir dissimuler et souffrir, vous honorer et vous accueillir, au nom de tout ce qu'un amant doit avoir ; car rien ne manque à son pouvoir, et qui de son pouvoir est sûr (?) ne doit plus lui demander de raisons. Et il dit que vous êtes la créature qui mérite le plus les honneurs et les avantages, l'obéissance et l'amour ; et c'est vous, plus que toute autre, sans conteste, qu'on doit servir d'amour, honorer et craindre. C'est pour cela qu'il veut et exige que je me donne ainsi à vous, de bonne foi, et que je n'aie en moi de part qui ne soit pour vous seule, à l'exception de Dieu ; et si Dieu devait tenir fief, il aurait de vous sa part.
 
V. 60-96 : Afin que vous ne couriez point le danger que je ne sois à votre égard, en ce qui me concerne, un copartageant forcé, mais au contraire fidèle et juste, je ne m'opposerai jamais à agir, en toute occasion, selon votre bon plaisir. C'est ainsi qu'Amour m'ordonne d'être avec vous, et il me montre comment faire. Car il a pouvoir de contrainte sur tout ce qui existe et il peut s'en servir. Je ne veux point, en effet, me disputer avec des fous, et ne le ferais, même si je le pouvais, qu'à la seule condition de ne pas vous le dire. Et quant à la bonne disposition de mon cœur envers vous, grâce à Dieu, je vous dirai en vérité qu'elle me plaît, Dame, au point que nulle chose qui me pût advenir ne me plut jamais autant ; et j'en rends grâce à mon pouvoir, car l'amour m'a donné de si nobles désirs, à la condition seule de ne pas me forcer à les manifester par des paroles. Amour me dit d'être à vous et de ne vous quitter ni nuit ni jour ; cela, je ne vous le dirais d'aucune manière, mais cacherais toujours mon cœur, et serais vôtre comme je le suis. Mais, ma Dame, ne soyez point fâchée si l'amour, auprès duquel la force ne sert à rien, ne soumet pas à sa loi les plus forts. Non seulement Amour ne consent pas à dissimuler, mais, au contraire, il dévoile mon cœur à vos yeux. Un trésor est perdu par son maître ; bien que ce soit un dommage, que cela soit un honneur jusqu'à ce que le maître sache où il est (?). De la même manière, belle et franche créature, mon cœur fidèle eût été perdu si vous ne l'aviez reconnu.
 
V. 97-175 : Je vous ai donc maintenant montré la manière dont Amour m'a donné ses ordres. Et puisque vous savez par mon cœur, au nom de votre valeur et de votre mérite, que j'implore, Dame, votre merci, ne considérez point comme négligeable ce cœur sincère et la bonne foi dont je fais preuve à votre égard. Franche créature, fine, chère et pure, je ne vous demande rien d'autre, de tout ce que vous possédez, que ce que vous ne pouvez m'enlever. Vous ne pouvez m'enlever que je vous aime, même si nous le désirions, vous et moi ; car Amour ne le permettrait point et la crainte ne pourrait m'en empêcher. Je ne vous demande qu'une récompense : qu'il vous agrée que je vous aime ; et si cela ne vous agrée point, au moins faites semblant de ne pas en être contrariée. Si vous ne le tolérez pas au nom de mon amour, acceptez-le au nom de votre mérite ; car il est indispensable qu'il sache souffrir celui qui veut parvenir à grand honneur ; si vous ne m'aimez point, je ne renonce point pour cela (?). Cela m'est pénible, Dame, mais je n'y puis rien, car je ne sais me venger autrement ; et plus je serai votre guerrier, plus je vous porierai un amour sincère et plus je me voudrai du mal à moi-même ; et je laisserai chants et plaisirs et mourrai triste et découragé, si je vois que vous prenez plaisir à mon malheur et ne vous réjouissez point de ma bonne fortune. J'en prendrai cette vengeance car je n’en sais point prendre d'autre. Je puis bien m'irriter contre moi-même, mais je ne pourrai jamais cesser de vous aimer, quoi que vous fassiez envers moi. Tant me sont plaisants vos propos qu'il n'y aura point de jour dans ma vie, Dame courtoise et avisée, que je ne passe à vous prier d'amour, par habitude, où que se trouve votre corps gracieux. Car Amour m'a enclos dans le cœur votre mérite et votre louange, votre intelligence et votre beauté, votre franchise, votre humilité, votre courtoisie et la douceur de vos paroles, vos aimables propos et la joie de vous aimer, la noblesse de vos attitudes, votre savoir et votre expérience, vos douces et amoureuses manières, vos réponses agréables et avenantes, votre corps plein de grâce, charmant et joyeux, et tout ce qu'il est convenable et séant, selon la raison et l'entendement, qu'une vraie dame possède. Tous ces agréables, attraits, dont personne ne se peut déprendre, gardent à votre honneur mon cœur, par ordre d'Amour, et le maintiennent en si parfaite joie et si plein de désirs sincères que tout autre désir ne saurait y entrer ni même y demeurer. Et puisque je ne puis vous quitter, si d'autres biens ne me peuvent échoir, au nom de Dieu et de Merci, je vous demande de ne point vous affliger si je vous aime, car je ne puis ni n'ose vous quitter : Amour a pris de moi les clefs. Ainsi, pour votre salut, il me défend toute autre amitié : quoi que vous fassiez à mon égard, en bien ou en mal, je vous aime et vous aimerai toujours. Que le véritable amour, par sa merci, vous mette au cœur le désir de m'aimer. Dites tous amen pour Amour, dames et chevaliers servants. Dame.

 

 

 

 

 

 

 

 

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