I. — Je veux vous lancer un défi, Reculaire. Puisque les vêtements ne vous durent guère, vous êtes confrère en pauvreté des bons-hommes de Lyon ; mais pour ce qui est de la foi, vous ne ressemblez à nul d'entre eux, car vous êtes dissipé, joueur et coureur de putains.
II. — Seigneur Hugues, j'ai entendu raconter qu'il viendra un temps où, à ce que je pense, l'orfroi, le gris et le vair s'en iront tous en fumée. C'est pourquoi je ne mets pas mon cœur à amasser une richesse dont je me moque ; et c'est ainsi que chacun devrait agir.
III. — Reculaire, il serait fou tout homme qui vous en croirait. Vous pensez qu'il est salutaire pour vous de vous dépouiller de vos habits pour jouer et, quand il fait froid, de trembler et de crier : « Si quelqu'un me prêtait son manteau, je le lui rendrais! »
IV. — Seigneur Hugues, je sais bien que si je venais à mourir, j'emporterais avec moi autant que le plus riche roi qui soit au monde ! C'est pourquoi je suis tous mes désirs : je joue avec les trois dés et, où que je sois, je fais bon ménage avec le con et le bon vin.
V. — Reculaire, si quelqu'un vous donnait en tout cinq sous et qu'il en jetât ensuite cinq autres dans le sable, il aurait en tout perdu dix sous. Tant que vous vivrez ainsi dénudé, pensez-vous vraiment, même si cela vous est agréable, que vous gagneriez l'estime de celui qui vous rencontrerait ?
VI. — Seigneur Hugues, vous me tenez un bien rude discours, comme si mon jeu vous coûtait... Mais si j’amassais un avoir tel qu’il me fît perdre et corrompre l’esprit, on dirait qu’il était méchant, le saint homme de Calatrava.
VII. — Reculaire, je suis l’amant d’une dame qui, si je l’osais dire, est la plus gracieuse qu’on puisse célébrer.
VIII. — Seigneur Hugues, je vais quant à moi si démuni que si un larron me rencontrait, il ne me déroberait rien qu’il ne m’eût d’abord donné !