I. Si j'avais assez de savoir et d'esprit pour être à même de composer de bonnes paroles sur un air nouveau, je ferais très volontiers une chanson. Car le savoir ne vaut rien si on ne le dépense pas. Si vous aviez mille marcs d'or ou d'argent et que vous les teniez cachés nuit et jour, jamais ce trésor ne vous serait d'aucun profit. De même l'esprit n'est apprécié des gens tant qu'il ne s'est pas manifesté en faits et en paroles.
II. Quant à celui qui tire ses paroles d'un bon sujet, il ne faut pas craindre qu'il ne dise autre chose que du bien ; et moi je sais tirer les miennes d'un sujet tel qu'en disant la vérité je ne puis dire d’erreur. Et savez-vous d'où je le tire ? Non, car je suis seul à le savoir ; et personne, fût-il mon intime, ne le saura jamais. Pourtant, ce qu’on pourrait savoir, c’est que jamais je n’eus plaisir d’elle, ni ne fus son ami, que dans la seule mesure où j’en suis amoureux.
III. Ce que je voudrais, sans mauvaise intention, c’est jouer avec ma Dame, dans sa maison, une partie d’échecs, sans autre compagnon qui vînt s’interposer dans notre jeu. Et je voudrais lui faire échec subtilement, à découvert, cer ce serait là un plus beau jeu ! Mais je voudrais aussi — car je tiendrais à son triomphe — que, lorsque notre partie serait finie, ce fût à mon tour de rester échec et mat.