Traduccions - Übersetzungen - Translations - Traducciones - Traductions - Traduzioni - Reviradas

558,008

Français
Pierre Bec

I. A Saint-Marcel d'Albigeois, près de Salles, où je logeais avec un seigneur prêtre, j'eus quelque dommage avec une très belle garce, qui me tourna en dérision. Je voudrais la voir brûlée et moi pendu ! Car j'aurais dû être plus avisé et me garder de telles méchantes affaires ! Je vais vous raconter, pour vous faire rire, comment elle me ridiculisa.
 
II. Je l'aimais de bon cœur, à vrai dire ; elle m'aimait aussi selon toute apparence, si bien que tout le jour nous échangions des baisers d'amour sincère. Mais un beau jour, quand lui vint l'occasion, elle prit de ma personne une vengeance vraiment excessive. Je n'en sais pas la raison, si ce n'est qu'elle m'avait vu en embrasser une autre.
 
III. Un jour après, elle vint donc me trouver, le visage tout joyeux, en un lieu retiré de ma maison, que j'avais près de la sienne. Dès que je la vis, je donnai congé à mon clerc,  pensant bien accomplir la règle de saint Macaire. Mais elle me dit: « Je suis un peu honteuse. Par la foi que vous me devez, ne me touchez pas tout de suite ! »
 
IV. J'en fus contrarié, comme d'une chose très désagréable ; si bien qu'en l'embrassant et lui caressant les seins, je m'endormis jusqu'à une heure avancée. Je vous conterai alors ce que me fit la vile ribaude. Flic et floc ! avec une paire de ciseaux, elle me tondit toute la tête — voyez sa grande perfidie ! Puis elle s'en alla, mes cheveux dans sa bourse.
 
V. Je m'éveillai et crus pouvoir, en toute hâte, satisfaire mon besoin ; mais, ne la voyant point, je ne pus la prendre. Et je m'aperçus que mes cheveux manquaient ! Mais en grand désespoir je me frappai au visage, en louant Dieu de ne point me servir d'un couteau ; sinon, à cause de lui, j'eusse passé en jugement (?). Et maintenant, je vous dirai ce qu'il advint de ma tête.
 
VI. Le lendemain — c'était la fête de saint Michel —, j'avais l'intention de célébrer en public la grand-messe. Mais quand j'eus enfilé ma chape, je vis que tous riaient, disant que le pape devrait bien accorder son pardon à la « prêtresse » pour m'avoir ainsi tonsuré. Ils voulurent ensuite savoir qui avait fait le coup de me tondre si gentiment.
 
VII. Qui fuit fait bien et deux fois mieux qui s'échappe, pensai-je en moi-même, quand j'aperçus la traîtresse et tous les gens qui faisaient autour de moi un tel vacarme qu'il s'en fallut de peu que, de douleur, je ne me cache tout vivant sous terre.

 

 

 

 

 

 

 

 

Institut d'Estudis Catalans. Carrer del Carme 47. 08001 Barcelona.
Telèfon +34 932 701 620. Fax +34 932 701 180. informacio@iec.cat - Informació legal

UAI