I. L'autre jour, je pensai avoir une amoureuse, la meilleure que j'eusse jamais vue, et aussi la plus belle : ce fut une vieille à faire honte, pauvre et mal vêtue, [mais] apte à parler d'amour. Je lui avais envoyé un message pour la saluer et conclure avec elle un très agréable traité. Mais quelle tractation malencontreuse ce fut ! Car je lui avais offert du vin vieux ou nouveau, du poisson et du porc salé. Je l'avais aussi chaussée et vêtue. Pourtant, elle m'a trompé. Car elle est venue dans la nuit noire, à la place de mon amie. Elle tenait levé un pan [de sa robe]. Je courus vers elle, et je la trouvai chauve, le cou noueux, l'épaule anguleuse, le sein pendant et vide comme une besace de berger, la poitrine osseuse et plate, le ventre ridé, les reins maigres, la cuisse rude, le genou dur et enflé. Quand je l'eus découverte, me voilà désespéré : je pris aussitôt la fuite, et ne me suis pas arrêté !
II. Il m'en est venu au cœur tant de rancune et de tristesse que j'en ai perdu toute capacité pour aimer d'amour, car je pensais à la vieille chenue qui n'avait guère de chaleur mais voulait être battue sur son tambour. Il n'est de langue assez effilée qui racontât en ce qui me concerne la moitié du mal dont j'imaginai qu'elle fût atteinte pour son affreux péché : toux et goutte et mal qui la fasse suer sans répit, froid, soif et pleurs et douleur toujours renouvelée. Et il n'est d'yeux tendres ni de simulation (?) qui ne l'empêchent d'être mortellement frappée d'un mal qui [pourtant] ne la tue point mais la maintienne en langueur ; et qu'elle n'ait d'autre poison (?) que du pain moisi, de la viande de vieille truie ou du porc pourri, du poisson de mer qui pue de loin, du vin grossier et aigri ! Et elle n'en sera jamais assez furieuse pour que je me considère comme vengé !