I. En grave déconfort et grave inquiétude, et aussi en grande détresse, ont mis mon cœur les lausengiers et les espions perfides qui font déchoir Joie et Jeunesse. Car vous que j'aime plus que tout au monde, ils vous ont séparé et éloigné de moi : si bien que je ne puis vous voir ni vous contempler ; et j'en meurs de douleur, de peine et de rancune.
II. Qui blâme et me défend l'amour que j'ai pour vous ne saurait en rien améliorer mon cœur, ni rendre plus profond le doux désir que j'ai de vous, non plus que mon envie, mes désirs et ma soif. Et il n'est point d'homme, fût-il mon ennemi, que je n'estime si je l'entends dire du bien de vous ; mais s'il médit de vous, il ne saurait rien dire ou faire qui ait mon agrément.
III. N'ayez nulle crainte, bel ami, que mon cœur envers vous ne soit jamais trompeur, ni que je vous délaisse pour un quelconque autre amoureux, même si cent autres dames me priaient de le faire. Car l'amour qui me tient pour vous en sa puissance veut que je vous réserve et vous garde mon cœur. Ainsi ferai-je... Et si je pouvais m'enlever le cœur, tel l'a qui jamais ne l'aurait.
IV. Ami, j'ai tant de peine et de ressentiment de ne point vous voir que, quand je pense chanter, je pleure et je soupire, si bien que mes couplets ne sauraient accomplir ce que voudrait mon cœur.