I
La « fin'amors » marginalisée
6
Jeu d'échecs et jeu érotique
Bernart d'Auriac
Troubadour de la seconde moitié du XIIIe siècle, Bernart d'Auriac est qualifié, dans le manuscrit unique qui nous conserve ses pièces, de « maître de Béziers » (Mayestre de Bezers). Il ne nous reste de lui que quatre pièces, mais d'inspiration très variée, puisque à côté de la chanson grivoise que nous donnons, nous avons aussi de lui trois coblas politiques (1285), qui évoquent l'expérience de Philippe le Hardi en Catalogne, un sirventés en l'honneur de Guilhem Fabre et une chanson à la Vierge.
Dans la présente cansó, après une longue introduction à un développement qu'il sait scabreux (où il exprime d'une manière adroite et plaisante son besoin de composer une chanson pour ne pas laisser caché le trésor de son talent), le troubadour aborde peu à peu et prudemment son sujet : en le présentant tout d'abord comme une sorte d'énigme, en le justifiant ensuite, enfin en disant carrément que c'est toujours en pure perte qu'il a aimé sa dame : D'où son désir de jouer avec elle, ce qui nous vaut cette assimilation cocasse assez fréquente chez les troubadours, du jeu d'échecs (ou de dés) au jeu érotique (cf. supra : Guilhem de Peitieus, nº 1, et Uguet / Reculaire, nº 2).
PILL.-CARST. : 57/4. Texte : PARDUCCI (avec quelques retouches).