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Mouzat, Jean. Les poèmes de Gaucelm Faidit. Troubadour du XIIe Siècle. Paris: A. G. Nizet, 1965

167,059- Gaucelm Faidit

 

IV
POÈMES DE PROVENCE

B) GROUPE DE SOBEIRANS D’ARGENSA


Dans ce groupe, auprès de N’Agout cité dans sept poèmes, nous trouvons un personnage des plus importants, puisqu’il s’agit du Comte de Toulouse et de Saint Gilles. A ce dernier titre, le Comte de Toulouse possédait la Terre d’Argence, partie du diocèse d’Arles situé sur la rive droite du Rhône. Si tot noncas res es grazitz parle d’En Sobeiran d’Argenssa, et sans aucun doute le Bel Sobira ou Sobira qu’on retrouve dans quatre autres poèmes désigne le même personnage. Il ne fait pas de doute qu’il s’agit ici du Comte de Toulouse et Saint Gilles, souverain de l’Argence. Ces poèmes et ceux qui s’y rattachent mentionnent aussi, outre Agout déjà nommé, Plus Avinen et Santongier, comme ceux du groupe précédent.
Ces personnages font partie du groupe d’amateurs de poésie courtoise qui sont tous sans doute voisins, habitant la Provence du Marquisat et la Terre d’Argence, et qui sont appelés par Si tot noncas : En Agout e sa conoissenssa. En Sobeiran d’Argenssa, en sa qualité de Comte de Saint Gilles et de Marquis de Provence, était leur seigneur et suzerain.
Ces poèmes, dont trois sont appelés vers, remontent peut-être, pour certains d’entre eux, avant 1173, car Linhaure, que nous identifions à Raimbaut d’Orange, faisait partie de ce groupe de « connaissances ». Les sept premiers particulièrement dénotent des recherches prosodiques et un vocabulaire raffiné, ainsi qu’une pensée plus obscure et un style plus compliqué, que nous attribuons à l’influence de Linhaure — Raimbaut, déjà sensible dans plusieurs pièces du groupe précédent. C’est ce que nous appellerons le trobar car de Gaucelm, d’après l’expression qui se trouve dans la 1ère str. de D’un amor on s’es asis.
Les pièces de ce groupe paraissant toutes se situer avant 1190, Sobeiran d’Argenssa est forcément, selon nous, Raimon V de Toulouse.

POÈMES DE PROVENCE — SOBEIRANS D’ ARGENSA


Personnages mentionnés
D’UN AMOR ON S’ES ASIS
Agout, Sobira
D’UN DOTÇ BELL PLASER
Agout, Sobira
AR ES LO MONTÇ VERMELLÇ
Agout
SI TOT NONCAS RES ES GRAZITZ
Agout, S. d’Argensa
OIMAIS TAING QUE FASSA
P. Sobira
BE FOR’ OIMAI

ARA COVE QE-M CONORT EN CHANTAN
GES NO-M TUOILL NI-M RECRE
Agout
JAUZENS EN GRAN BENANANSA
Sobira
AB CHANTAR ME DEI ESBAUDIR
Agout
PEL MESSATGIER QUE FAI TAN LONC ESTATGE Agout
TANT AI SOFERT LONGAMEN GRAND AFAN Sobregatge
GAUSELMS FAIDIT, DE DOS AMICS CORALS Aimeric, Coms de Fois

Autres mentions : 19 Santongier, Proensa, Lemozi ; 20 Plus Avinen ; 22 (Agout)e sa conoissensa, Thesaur, Ric de Joi ; 23 Plus Avinen ; 25 Plus Avinen, Donz Itis ; 27, Senhor de Peitieu ; 29 Lemozi ; 30 Santongier.
 

30. TANT AI SOFERT LONGAMEN GRAND AFAN

 

GENRE

Chanso.

 

SCHÉMA MÉTRIQUE

a b b c c d d d a a
10 10 10 10 10 10' 10' 10' 10 10
Tornada 1& 2 d d a a Tornada 3 d a a
  10' 10' 10 10   10' 10 10

6 strophes, coblas unissonans, de 9 vers, 3 torn. de 4,4 et 3 vers, Rimes : a = an ; b = es ; c = ors ; d = atge.

Istvàn Frank, R.M.P.T., I, p. 154, N. 706–1. N’indique qu’une seule tornada.

 

COMMENTAIRE

Cette chanson est pour nous rattachée au groupe des poèmes de Provence par l’envoi à Santongier et à Sobregatge. La forme de ce dernier senhal, pourtant bien attestée par la rime, a été transformée en Sobregai par le passage des senhals de la Razo E (ms. P) ; celui-ci prétend qu’il s’agit là du vescomte de Comborn. Nous avons tout lieu de nous méfier des explications de senhals de ce passage ; cependant, cette explication ne doit pas être rejetée sans examen, puisque les relations de Gaucelm avec la maison de Comborn sont attestées ailleurs. Suivant le sens de ce senhal : garantie, protection supérieure, et d’après son voisinage avec Santongier, cité toujours dans les poèmes de Provence, nous croirions volontiers qu’il s’agit, pour Sobregatge, de Raimon de Toulouse et Saint Gilles, appelé ailleurs Sobeiran (d’Argensa).

C’est en tout cas le seul endroit où Gaucelm s’adresserait à un vicomte de Comborn — seigneurs qui n’ont guère protégé la poésie courtoise —.

D’autre part, la Razo B prétend rattacher Tant ai sofert à l’intrigue entre Gaucelm et Maria de Ventadorn, et s’en sert pour bâtir le petit roman où intervient Audiartz de Malamort. Nous avons pu établir, par nos recherches, qu’une Aldiarz de Malamort est attestée par le Cartulaire de l’abbaye d’Obazine entre 1142 et 1198, vraisemblablement vers 1160–1180 ou environ, à une époque où elle aurait pu connaître Gaucelm — mais il ne s’ensuit pas nécessairement que le roman de la razo B soit exact en tous points — et le texte de Tant ai sofert n’offre aucun indice indiquant qu’il y est question d’Audiartz, de Maria ou de Ventadorn.

De plus, la version des mss. NOU de la str. VII (tornoda) parle « d’un Bel Gazaing » qui pourrait très vraisemblablement être le senhal d’une des dames dont il est question dans cette pièce. Bel Gazaing, si c’est bien un senhal, désigne la consolatrice que Gaucelm oppose à la « mala domna ». On pourrait donc admettre que Bel Gazaing désigne Aldiarz de Malamort, et que la mala domna del mal fre e del cor truan a pu être Maria, bien qu’aucun indice ne le prouve. La pièce daterait alors forcément des années 1188–1190. Il faudrait pour cela admettre qu’après un an environ (v. 45) une brouille a séparé Gaucelm et Maria. Les vers 13 et 33–34 peuvent fort bien désigner la Vicomtesse de Ventadour (ricorsaut paratge). Il est donc possible que cette chanso parle du dédain que Maria montra à Gaucelm assez rapidement, après l’avoir d’abord encouragé. Gaucelm aurait alors fait des confidences à Santongier et à Sobregatge.

Il est vrai que le thème de la belle dédaigneuse sans merci est indepéndant des avanies que Gaucelm a pu réellement subir. On ne peut manquer de rapprocher des deux vers célèbres où Gaucelm parle du pauc auzel en son poing et de la grue volant dans le ciel (53–54) la strophe III de la tenson entre Guillalmi et Cercamon où se retrouve un passage comparable, bien qu’il s’agisse d’autres circonstances. (1)

 

1) Car vei fenir a tot dia, v. 21–23.

 

 

 

 

 

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