DATE DE LA PIÈCE : entre 1241 et 1245.
Ce partimen n’a pu être composé avant 1241, année où une paix stable fut conclue entre les comtes de Toulouse et de Provence, car il est difficile que Guilhem, fidèle au comte de Toulouse, ait pu faire l’éloge de Raimond-Bérenger avant cette date (cf. vv. 73-76). Le partimen sera jugé par le comte de Provence, ce qui prouve qu’il est antérieur à la mort de ce prince, survenue le 15 août 1245. Entre ces deux dates, Sordel se trouvait à la cour de Raimond-Bérenger, et sa présence à l’entrevue de Montpellier est prouvée (cf. De Lollis, Sordello, p. 51) ; d’ailleurs, Sordel appelle Raimond-Bérenger “mos senher” (v. 79). Comme le pense très justement Coulet, on peut avec vraisemblance voir dans l’entrevue de Montpellier une occasion où Guilhem, venu avec Raimond VII, aurait composé ce partimen avec Sordel. Nous avons déjà constaté la présence de Raimond VII à Lunel pour le traité qu’il y conclut avec Jacques le 18 avril (cf. la note sur la date de la pièce II) et les relations possibles entre ce séjour et la pièce II. Ce partimen, qui a deux rapports étroits avec l’entrevue de Montpellier, d’abord, la collaboration avec Sordel et ensuite l’éloge de Raimond-Bérenger, qui s’y trouvaient tous les deux, pourrait bien appartenir à l’année 1241, mais de toute façon, on peut avec certitude le dater des années 1241-1245 (cf. sur la date aussi, Boni, Sordello, p. LVIII et p. 94).
NOTES.
6. saubes. La leçon du ms., saupes, ne s’accorde pas avec les règles de la phonétique provençale (cf. aussi, la correction du ms. au v. 16). P entre deux voyelles se vocalise en b. Cf. Altprov. Elem., p. 42, para. 68, sapuisset — saubes ; aussi, Raynouard (LR, V, 121, à SABER) :
Ans qu’om saubes de me que res en fos.
Arnaud de Marueil : Aissi cum sel.
Il s’agit évidemment ici d’une influence latine sur le scribe. La forme saupessetz du ms. au v. 54 est aussi à noter.
10. La forme chauzetz est donnée par le ms., mais cauzetz est plus acceptable. Levy (SW, I, 231) en donne de nombreux exemples.
16. saubes. Cf. la note au v. 6.
21. Notons, avec Coulet (pp. 107, 108), cet emploi de penre intransitif où le sujet est un sentiment avec le datif de la personne. On peut le rapprocher de l’expression française bien lui en prend. Cf. d’ailleurs, Levy ( SW, VI, 514, prendre 19) avec ce sens (‘entstehen’, ‘ankommen’)) qui cite cet exemple et celui de VII, 14.
23. Il est certain que la leçon du ms. est peira et non pas peire qu’avait lu Coulet. Cf. Tobler (Archiv, CI, 465) : “(bei Mahn und de Lollis liest man peira)... ein weibliches peire, wie es das Glossar verzeichnet ist gewiss nicht glaublich,” et M. Boni (Sordello, p. 94, XVI).
24. Coulet remarque que tan se rapporte à penria (p. 172). Il a raison. Mais on peut faire remarquer que pour être exact, il aurait fallu traduire par : “la pitié la prendrait à tel point qu’elle m’accorderait sa merci” (cf. Coulet, p. 192).
27. lieys. C’est l’interprétation de Coulet qui s’impose et non la correction proposée par Tobler (Archiv, CI, 467). Coulet y voit un pronom démonstratif au lieu d’un pronom personnel. Tobler veut qu’on traduise par ‘sie’ et non pas par ‘celle’, comme le traduit Coulet : mais, au contraire, il le traduit par ‘diejenige’. Mais il suffit de noter que dans ce cas, celle, en français, n’implique pas l’idée démonstrative et se rapproche du pronom personnel (cf. Grevisse, Le Bon Usage, 6e édition (Gembloux, 1955), p. 398, para. 512). D’autres exemples de cet usage se trouvent aux vv. 38 et 63.
35. foudatz — ‘folie’. Coulet traduit par ‘erreurs’ (p. 192), d’après Raynouard (LR, III, 350), quoique Coulet donne comme sens général, ‘folie’. Mais Levy (SW, III, 520) traduit folledat par ‘folie’. Il est à remarquer que ‘erreurs’ ne convient guère au sens de la strophe et que Coulet n’a pas indiqué ce sens du mot dans son glossaire.
38. Coulet fait remarquer la construction où lieys a la valeur d’un génitif et cite l’exemple donné par Diez (Grammaire, trad. franç., III, 128), ses deu licencia (p. 173). La traduction “comme une trahison de celle...” est valable (p. 192).
45. sos cors. Coulet y voit une référence à la personne de la dame. Mais sos cors prezatz se rapporte à mon fin cor (qui est au cas régime). Le cœur des amants est d’ailleurs le thème central de cette pièce. Cf. vv. 16-18, 22, 26.
46. languisc. Il faut garder la leçon du ms. Coulet avait préféré la forme languis, qui, selon Schultz-Gora (Altprov. Elem., p. 86), est une forme secondaire.
52. faire poiria. Il convient d’ajouter une syllabe à ce vers qui autrement serait trop court. Coulet donne “far o poiria” d’accord avec de Lollis (Sordello, p. 195). De même, M. Boni appuie cette hypothèse, tout en suggérant la proposition de Naetebus (Archiv, XCVIII, 206) qui est retenue ici. Pour accepter l’interprétation de Coulet, il faudrait donner au que du v. 51 la force de ‘quand’, car si on le considère comme un relatif, on n’a pas besoin du o de la version de Coulet (p. 173).
68. cors. Il signifie ici aussi ‘cœur’. Notons la possibilité d’un s analogique. Cf. la note au v. 45.
mieus. Coulet fait remarquer l’emploi exceptionnel de la forme forte du pronom personnel sans l’article défini. Tobler (Archiv, CI, 465) veut y voir la possibilité d’un enclitique de lo avec don, mais comme don se termine par n stable, cela ne pourrait se faire (cf. aussi, Boni, Sordello, p. 99, note au v. 68). Appel (Zeitschr., XXIII, 558) suggère une faute du scribe influencé par le don du v. 67. Il remplacerait la leçon par quelque chose comme co·l.
70. qu’ueymais. La correction de cuy mais du ms. avait déjà été faite par Coulet. C’est peut-être une faute attribuable au scribe sous l’influence du suy du vers suivant : le s du ms. ressemble d’ailleurs beaucoup à un c.
82. Montanhagols. L’addition du s est surprenante. Ce serait une autre erreur de la part du scribe. Cette forme existe dans les mss. (C), (F), (H), (M), (N). |