5. alegransa. C'est la variante conservée par la majorité des manuscrits ; mais esperansa, qui se trouve dans ABDH, donnerait peut-être un sens plus satisfaisant : « je chante, à contre cœur, mais avec le faible espoir qu'un autre ... » — Il faut remarquer qu'alegransa et esperansa reviennent alternativement, plusieurs fois, de façon à constituer une sorte de rime-refrain (moins régulière que la véritable rime-refrain, mais assez évidente) : II, 5 esperansa, III, 8 esperansa ; IV, 8 alegransa, V, 5 alegransa.
7. lai don no·m part ni non so. — Sur lai, employé pour désigner une personne, v. note à III, 18. — Il faut sous-entendre on avant non ; et comme au vers suivant il y a non l'aus, la construction peut sembler forcée ; mais le sens n'est pas douteux, car cette idée revient dans la poésie d'Aimeric : cf. X, 24, ieu no·m part de vos, ni·us ven denan.
16. erransa. C'est une variante donnée seulement par CR, mais honransa des autres manuscrits est inacceptable.
17. ses cuidar. Nous comprenons « la belle me tue petit à petit, sans s'en apercevoir » ; le sens cependant ne nous semble pas très clair.
26. me pays ab joy n'est pas une expression isolée ; en voici quelques autres exemples : Guillem de St. Leidier, 234, 7 (Mahn, Gedichte, 139, I, v. 3-4) :
E salut vos de part cellui
Cui vostre jois alegr' e l pais.
Peire de Bussignac, 332, 2 (Mahn, Gedichte, 152, str. IV, 3) :
Car uns aitals jois m'en pais.
Peire Vidal, 364, 35 (Appel, Chrestomathie 6, 69, 43) :
Qu'us fis jois me capdel'e·m pais.
28. Qu'en luec no vey. C'est la leçon de R : tous les autres manuscrits ont (avec des variantes) qu'ieu no vey luocs (iocs AB). Nous avons hésité à adopter la variante d'un seul manuscrit, et un manuscrit aussi médiocre que R ; mais, si en loc no signifie « nulle part », nous n'avons pas trouvé d'exemple de loc no (sans en), avec ce sens. Peut-être faut-il comprendre locs « pays, endroits » ? (= « ... que je ne vois lieux, dames ... »).
29. Raynouard, Lexique, IV, 186, remembransa, cite ce vers isolé, et le traduit « autour d'elle, qui me tient en souvenir » ; mais alors sa guaya faisso, du vers suivant, n'aurait pas de sens.
39. grans plazers (rég. plur.) dépend de fara, de même que gran alegransa. On pourrait lire aussi, avec le second groupe de manuscrits (en ponctuant après fo, du v. 38), E grans plazers, qui be·l ditz.. (qui = si quis) « si on sait le dire convenablement », car l'expression dir plazer (-ers) est très courante.
41. De·l nostre rei... d'Araguo. Sur cette construction proleptique, qui a pour but de mettre en relief le sujet de la proposition secondaire, voir l'examen très complet de M. Stroński, Elias de Barjols, p. 47-49, note à III, 43-45. — Nous rencontrerons ailleurs aussi la séparation du titre et du nom, par plusieurs autres mots (voir pièce IV, v. 29 et 33) ; cf. aussi Stroński, op. cit., p. 56, note à IV, 37-38.
— Le roi d'Aragon est Jacme Ier le Conquérant. Cf. Milá y Fontanals, De los trobadores en España 2, p. 183-184, et Jeanroy, Les trouvadours en Espagne, p. 152. |