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Gouiran, Gérard. L'amour et la guerre. L'œuvre de Bertran de Born. Aix-en-Provence: Université de Provence, 1985.

Édition revue et corrigée pour Corpus des Troubadours, 2012.

080,022- Bertran de Born

Strophe I.
M. Paden traduit ainsi cette strophe dans l’article déjà cité : “I see many a rascally baron suffering war and turmoil and anguish. I care little about their grief and less about their losses, so I’ll cheer up with a song ; in joy I am and in joy I think, and discussion does not keep me from making a new sirventes, nor do I lack the wisdom to do it”. Je ne comprends pas cette strophe de la même manière que M. Paden, en effet, rien n’indique, à mon avis, que le dol et le dan en question soient ceux des barons malvaz. Pour Bertran, ce qui fait généralement qu’un baron mérite l’épithète de malvatz, c’est qu’il refuse de se battre (cf. 11. 8 ; 18. 46 ; 39. 1) et d’affronter gerr’e pantais ... et affan, ce que font précisément les barons de notre sirventés. C’est pourquoi je préfère voir dans le texte une opposition entre les barons de la strophe I qui méprisent la guerre et la déclaration du troubadour qui occupe toute la strophe II.
Par la suite, M. Paden fait remarquer que cette chanson est la seule où Bertran mentionne un obstacle à la facilité de sa création poétique, le pensamenz qu’il vaincra ou le manque de saber qu’il nie. Le premier terme semble avoir été appelé par l’expression en joi pes qui précède, par un jeu de mot. Or, ce pensamenz qui ne réussit pas à gêner le poète ne correspond parfaitement à aucun des sens reconnus de ce mot : “pensée, soin, affliction”. En partant de l’idée que Bertran était moine lorsqu’il a composé ce sirventés, M. Paden suppose que pensamenz peut jouer sur le latin pensamentum, terme technique de la culture monastique qui signifie “délibération” ou “discussion” dans les rencontres du chapitre ou ailleurs. Il conclut que les trois derniers vers de la strophe voudraient dire qu’en dépit de la réprobation soulevée par le poème de 1197, Bertran ne renoncera pas à ce sirventés, d’autant plus qu’il ne lui manquera pas le saber biblique, sapientia, qui lui est nécessaire pour son art séculier et vernaculaire.
Je ne reviens pas sur ce que j’ai écrit dans l’introduction à cette pièce ; je pense seulement que le sens donné à pensamen par M. Paden ne s’impose pas à moi avec évidence.
 
Strophe II.
Il est difficile de ne pas comparer cette strophe avec le début d’une chanson de Blacasset (éd. Riquer, Trovadores, nº259, vv. 1-7) : Gerra mi play quan la vei comensar, Quar per gerra vey los pros enansar, E per gerra vey mantz destriers donar, E per gerra vey l’escas larc tornar, E per gerra vey las nueigz trasnuechar, Don gerra es drechuriera, so·m par.
 
v. 16 : tornes
La livre tournois est une monnaie qui tire son nom de la ville de Tours où elle était battue.
 
v. 19 : dos reis
Les monnaies citées montrent bien qu’il s’agit des rois de France et d’Angleterre.
 
v. 36.
IKd : Per que ira me don gran, MTa : Per o meravilha·m (maraveglia·n T, meravillia·m a) don gran. Comme il manque une syllabe au vers de IKd, je me résous à suivre l’autre tradition.
 
v. 37 : seignor dels Aragones
Le roi d’Aragon est Alphonse II jusqu’en 1196, année où lui succède son fils Pierre II (1196-1213).
 
v. 38.
IKd : no destacha, M : non destaçha, T : nols descaccia, a : nos destacha. Selon Stimming 1 (p. 269), destacar signifie “détacher” pris au sens de “se défaire de”, comme l’italien “discacciare” qu’a introduit dans le texte le copiste italianisant de T. Pour Chabaneau (R. L. R. nº31, p. 608), “le sens paraît être : ‘Je m’étonne que le roi d’Aragon ne détache pas ses Aragonais (ou ne se détache pas, corr. nos ?) de l’alliance des Français, puisque des comtes, des duc, des marquis ont (corr. an) rejeté cette alliance’, ou ‘puisque le comte (lis. lo coms avec T), duc et marquis a rejeté cette alliance’ (litt.: les a contremandés pour alliance)’ Desmandar (deimanda) est resté d’un usage courant. On pourrait encore, et peut-être mieux, expliquer ainsi les vers 36-37 : ‘Je m’étonne que le roi des Aragonais ne les détache pas (ses Aragonais), c’est-à-dire ne les envoie pas guerroyer contre les Français, au dommage de ceux-ci”.
Pour m’en tenir à la leçon du manuscrit de base, que rejoint d’ailleurs en ce point le ms. M, je prends destacar au sens attesté dans le F. E. W. de “dépenser”, ce qui est souvent chez Bertran de Born une autre manière de dire “guerroyer”.
 
v. 39-40.
I : Puois a los am desampaicha desmandat a cont duc marques
K : Puois a los an/desanpaccha demandat a cont duc marques
d : Puois a lo/ san desanpaccha desmandat a cont duc marques
M : Pueis sai nos a desapacha desmandat le coms duc marches
T : Pos fai los ades apacca desn tan/ datç lo coms duc marces
a : Pois qe los ha de sa pacha desmandatz lo comt duc marqes
St 1 : a los ades a pacha desmandatz comte duc marques
St 2 : a los ades a pacha desmandatz lo coms ducs marques.
Je ne parviens pas à trouver de correction donnant un sens satisfaisant pour ce passage. Il faudrait pour cela conserver le los qui se trouve dans tous les manuscrits sauf M, en ayant à l’esprit que cette forme ne saurait être tonique et que le premier a ne peut donc être une préposition ; de plus, comme tous les copistes ont écrit duc, il y a lieu de croire que les trois mots de la fin du vers étaient comt duc marques avec une forme analogique comt (cf. 30. 18). La solution que j’ai adoptée représente un pis-aller.

 

 

 

 

 

 

 

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