Ce sirventes se rapporte à la révolte de 1242. Il nous dit les espérances que le patriotisme méridional mit alors en Raymond VII, & surtout l'indignation que soulevèrent ceux qui ne vinrent pas à son aide. (Cf. Introduction, L'œuvre de Montanhagol.) Le poète se réjouit de la guerre qui vient d'éclater. Il admire le vaillant comte de Toulouse & l'engage à se souvenir de ceux qui l'ont trahi. Plusieurs ont fait défection & ils auront à s'en repentir; le roi d'Aragon a manqué à ses promesses & s'est déshonoré aux yeux du monde; les Anglais, enfin, restent inactifs & sont menacés de perdre tout ce qu'ils possèdent en France. La pièce est écrite pendant la lutte même, & les allusions qu'elle contient nous ont permis de la dater, presque avec certitude, des mois d'août et de septembre 1242. Cf. Introduction, La vie de Montanhagol.
* * *
La forme métrique en est calquée sur celle de la chanson d'Arnaut Daniel: Chanson doil mot son plan e prim. Elle en reproduit la disposition des vers, les rimes, &, ce qui n'est certainement pas le fait du hasard, trente & une fois sur cinquante (rimes finales ou rimes intérieures), le mot qui est à la rime dans la pièce de Montanhagol s'y trouve dans celle d'Arnaut Daniel. La seule différence entre les deux, c'est que la chanson de ce dernier est construite en coblas doblas, les strophes rimant de deux en deux, au lieu que les cinq strophes de notre sirventes sont unissonans. Quant à la strophe elle-même, Maus (op. cit., p. 99, n° 73) la décomposait en:
8a 8a 4a 4b 4b 6c 4d 4d 6c
formule assez curieuse & dont il ne relevait pas d'autre exemple en dehors de la pièce de Arnaut Daniel. Mais il nous paraît préférable de reconnaître dans le troisième vers de chaque strophe, comme dans les pièces VII & IX, un vers empeutatz de huit syllabes (4 + 4), dont la première partie rime avec la fin du vers précédent. (Cf. Leys d'Amors, I, 122 & 126.) Par là, nous ramenons la strophe à:
8a 8a 8b 4b 6c 4d 4d 6c
formule plus simple dont, il est vrai, Maus (op. cit., p. 102, n° 171) ne donne qu'un exemple en vers de sept syllabes, mais qui est un des trois systèmes de coblas crotz-caudadas mentionnés par les Leys. (I, 242-244.)