L'intérêt de cette pièce est de nous montrer le poète conscient de son originalité & de la nouveauté de ses idées. Il réclame assez fièrement le droit de venir, après tant de troubadours, parler de l'amour sans les répéter. Et en fait, si nous ne trouvons pas dans sa chanson les formules les plus caractéristiques de la nouvelle doctrine, nous y relevons quelques-unes des idées auxquelles Montanhagol tient le plus. Si, en effet, il fait l'éloge de son amie, c'est cette fois encore (cf. VI) pour la mettre au-dessus des dames discourtoises qui opposent toujours des difficultés quand on les prie d'amour, qui considèrent aimer comme un péché & sont cause de l'oubli où tombe chaque jour l'amour. Combien différente, combien plus loyale est son amie: s'il l'aime, c'est qu'en effet elle est la plus belle & surtout la meilleure. Car l'amour, il le dit expressément, doit aller au bien, & c'est à cette seule condition qu'il est le principe de toutes les vertus. — De l'envoi adressé à Esclarmonde & à Guise, pas plus que de la pièce même, nous ne tirons rien qui nous permette de fixer l'époque de sa composition; si toutefois le rapprochement des noms cités pouvait prouver quelque chose, il semblerait que cette chanson doive appartenir à la même période (1242-1250) que les pièces V, VI, IX, XI, où il est aussi question d'Esclarmonde & de Guise. Cf. Introduction, La vie de Montanhagol.
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La pièce se compose de six coblas crotz-encadenadas unissonans & de la tornada. Mans (op. cit., p. 100, n° 103) décomposait la strophe en
10 a 4 a 6 b 10 a 4 a 6 b 10 c 10 d 10 d 10 c
& citait cette pièce de Montanhagol comme l'unique exemple d'une telle formule métrique. Mais en réalité les vers 2 & 4 doivent être considérés comme des décasyllabes (= 4 + 6) dont la première partie rime avec la fin du vers précédent, c'est-à-dire comme des vers empeutatz. Montanhagol a employé des vers de ce genre ailleurs encore (III & IX). Ainsi, la strophe se ramène à une forme plus simple; elle se compose de huit décasyllabes en ababcddc, l'une des formules les plus fréquentes de la lyrique provençale & en particulier avec des décasyllabes. (Cf. Maus, op. cit., p. 111, n° 397, & de Lollis, Sordello di Goïto, p. 135.) Toutefois, aucune des pièces relevées par Maus & par de Lollis ne présente les rimes de la chanson de Montanhagol: or, ais, ia, is.