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Salverda de Grave, Jean-Jacques. Le troubadour Bertran d'Alamanon. Toulouse: Imprimerie et librarie Édouard Privat, 1902.

076,009- Bertran d'Alamanon

COMMENTAIRE HISTORIQUE.

 

Dès que, en 1245, la candidature de Charles d’Anjou au comté de Provence fut connue, il se manifesta à Arles une grande hostilité contre les Français, & cette antipathie ne fit que croître dans les premières années de son règne, à Arles aussi bien que dans les deux autres grandes communes, Avignon & Marseille (1). À mesure que les tendances républicaines y devenaient prépondérantes, l’influence de Charles y diminuait de plus en plus. L’homme qui servait alors de trait d’union entre les trois villes était Barral des Baux, le fidèle allié de Raymond de Toulouse ; ce fut lui qui, en 1247, réussit à les rapprocher & à conclure avec elles une alliance défensive. Que cette alliance ait été, en réalité, dirigée contre Charles, c’est ce dont celui-ci se rendait parfaitement compte ; seulement, il n’était pas encore assez fort pour frapper des coups décisifs (2). D’ailleurs, il n’avait fait en Provence qu’une courte apparition, de janvier 1246 au printemps de cette même année (3) ; puis il était retourné en France attendre le moment de son départ pour la croisade.

Cette attitude peu énergique ne contribua évidemment pas à rendre les grandes communes plus soumises ; aussi ne tira-t-il d’elles aucun revenu dans ces premières années (4). Les grands seigneurs qui, comme Bertran, n’avaient pas fait de difficulté pour reconnaître dans le frère du roi de France le successeur légitimé de Raymond-Bérenger, pâtissaient de cet état de choses. Aussi comprend-on les reproches que, dans ce sirventés & dans le suivant, Bertran lui adresse au sujet de son absence & de son manque de fermeté. Il n’est donc aucunement douteux que ce soit en 1247 qu’il les a écrits (5).

Pourtant nous sommes loin de pouvoir expliquer & contrôler tous les détails que contient la pièce de Bertran : nous comprenons quels sont les « liens » qu’ont noués les cités, mais nous ne savons pas à quel fait se rapportent les vers 21 & suivants, d’après lesquels Marseille & Avignon auraient dû payer une somme de 1,000 marcs, pour lesquels Charles leur aurait accordé un sursis. Nous ne savons pas non plus quels sont les torts que les Arlésiens ont causés à Bertran personnellement (v. 40). Est-ce Alamanon même qui aurait eu à se plaindre d’eux (v. 44) ?

Si l’on compare l’attitude de Bertran avec celle qu’il avait prise envers Raymond-Bérenger en 1230 (6), on verra qu’il s’était produit un changement dans le groupement des partis, par suite de l’avènement de Charles d’Anjou ; pourtant les sentiments que les grands seigneurs éprouvaient pour Charles sont les mêmes à peu près que ceux qu’ils manifestent pour Raymond-Bérenger : ils opposent — sauf exceptions, comme Hugues des Baux (7), Boniface de Castellane (8) — à sa politique une résistance passive, exhalant leur mauvaise humeur en des plaintes virulentes & des sirventés mordants, mais leur loyalisme reste à l’abri de tout soupçon.

 

NOTES.

 
13. Quar son lassat. Remarquez que l’accord se fait d’après le sens, & non d’après le mot (ciutatz).
 
14. nozamens. La correction est de M. Levy. Le mot ne se rencontre pas ailleurs.
 
15. Raynouard (V, p. 332) traduit, à tort, las par « malheureux ».
 
19. On voit, par la rime, que Bertran ne distinguait plus les deux cas. Cp. VI, v. 34, XVIII, v. 39 (?). Il est probable que, si les fautes sont rares, cela tient à ce que la distinction, tout en ne se faisant pas dans la langue de tous les jours, était encore observée dans la langue littéraire.
 
25 & suiv. J’ai traduit retenir par « réparer ». Le verbe peut avoir cette signification en ancien français (Godefroy).
Le sens de cette strophe est naturellement ironique. Pourtant, il est étonnant que Bertran n’apprenne qu’en 1247 que Charles a pris la croix, ce qui avait eu lieu en 1245 (9). Cela n’est pas absolument impossible, les communications entre la France et la Provence étant alors assez rares. Mais on peut supposer que Bertran feint seulement qu’il vient d’apprendre cette nouvelle pour tirer un effet frappant du rapprochement inattendu de ces deux faits incompatibles : l’attitude peu énergique de Charles en Provence & son projet de croisade.
 
33. Cp. nº XXI, v. 1.
 
35. despregutz, part. de despreiser. Voyez Levy, Supplement-Woerterbuch, s. v. despereiser.
 
39. Remarquez le cas oblique sens. Il ne semble pas nécessaire de corriger.

 

Notes :

1. Sternfeld, Karl von Anjou, pp. 22, 31 et suiv. ; Anibert, Mémoires historiques et critiques sur l’ancienne République d’Arles, III, p. 158. Cf. le Commentairede la pièce nº III. ()

2. Sternfeld, Karl von Anjou, p. 40. ()

3. Ibid., pp. 23, 27. ()

4. Ibid., p. 42. ()

5. Je ne mentionne que pour mémoire la supposition de Millot (Hist. litt. des Troub., I, p. 401), d’après laquelle le seigneur dont il s’y agit serait Hugues des Baux. L’auteur de l’Histoire littéraire (XIX, p. 463), qui le suit, pretend la même chose. (Cf. Papon, Histoire de Provence, III, p. 439, qui établit tout un roman sur une mauvaise interpretation du vers 35.) ()

6. Voyez le Commentaire de la pièce I. ()

7. Sternfeld, Karl von Anjou, p. 163. ()

8. Ibid., p. 170. ()

9. Sternfeld, Karl von Anjou, p. 45. ()

 

 

 

 

 

 

 

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