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Jeanroy, Alfred; Salverda de Grave, Jean-Jacques. Poésies de Uc de Saint-Circ. Toulouse: Imprimerie et Librairie Édouard Privat, 1913.

457,009- Uc de Sant Circ

COMMENTAIRE HISTORIQUE
 
Sur la comtesse de Montferrand, voyez le commentaire du nº VI.
 
 
 
NOTES CRITIQUES ET EXPLICATIVES
 
Les quatre premières poésies imprimées ci-dessus (1), et qui ont été analysées plus haut, reposent sur les mêmes images, qui se ramènent, en somme, à une antithèse entre le cœur et les yeux.
Cette antithèse n’était pas, comme on va le voir, nouvelle dans la poésie en langue vulgaire ; toutefois, elle ne semble pas remonter à l’antiquité. Les élégiaques latins ont souvent parlé de cœurs brûlés ou percés de flèches ; ils ont naturellement noté que c’est par les yeux que l’amour est conçu ; mais ils n’ont pas songé à opposer ces deux objets (2). Je ne crois pas non plus que cette opposition se trouve chez les écrivains antiques postérieurs ; car le docte Richelet, qui a commenté une ode de Ronsard (IV, 22) où elle est, une fois de plus, mise en œuvre, aurait bien su l’y dénicher (3). Elle remonte sans doute aux poètes latins du moyen âge, que leur culture classique rendait aptes à varier et à développer les vieilles métaphores, et c’est d’eux qu’elle aura passé aux rimeurs en langue vulgaire (4).
 
* * *
 
2. Pechat, « dommage ». Ce sens est attesté en ancien français et en ancien espagnol, où il est parfois difficile de le distinguer du sens étymologique ; il est resté dans les dialectes du Midi (voy. Mistral, pecat) et en italien ; pour l’ancien espagnol, voyez une note de M. L. Spitzer dans Zeitschr. f. rom. Phil., XXXV, 298.
 
5. Cf. B. de Ventadour :
 
Del cor sospir e dels huelhs plor.
(Non es meravelha, c. 2 ; M. W. I, 36.)
 
7-9. Même idée dans une chanson de G. de Puycibot :
 
E plus n’es om desiros
E non a pesansa
Lo jorn queus ve ni erransa
Ni es cossiros.
(Philippson, éd. de Moutaudon, IX, 45 ss.)
 
et dans une de R. de Miraval :
 
Le jorn qu’eus remir
No puesc estar ses gaug.
(Be m’agrada, c. 3 ; M. G. 1080.)
 
Cf. encore B. Marti, Ben es dreitz, c. 3 (M. G. 509), P. Vidal, Ab l’alen, c. 3, et Pons de la Gardia, Ben es dreitz, dans Ray., V, 360.
 
10-8. Les troubadours ont souvent exprimé cette idée plus générale qu’en amour la raison doit être bannie et remplacée par la folie :
 
Que lai on Amors s’enten
Val foudatz en luec de sen.
(P. Raimon, Atressi, c. 2 ; M. W. I, 137.)
 
Quar en amor non sec hom drecha via
Qui gen no sap sen ab foldat despendre.
(R. d’Orange, Si de trobar, c. 4 ; M. W. I, 69.)
 
Per qu’ieu cug far sen quan vauc folheian.
(A. de Pegulhan, En greu, c. 3 ; M. W. II, 161.)
 
Lai on Amors vol renhar
Razos no pot contrastar.
(A. de Rocaficha, Si Amors, c. 2 ; Appel, Inedita, p. 8.)
 
E Dieus i fetz molt gran enseignamen
Quan volc que tot fos mesur’e razos
Sens e foldatz, sol qu’az Amor plagues.
(Moine de Montaudon, éd. Philippson, III, 32.)
 
16. On pourrait entendre aussi (en corrigeant Totz faitz et en gardant joi) : « tout ce qui éloigne la joie d’amour » ; mais le sens adopté nous parait imposé par le v. 18, la même construction devant s’appliquer à deux propositions parallèles ; du sens de « éloigner », desviar, peut aisément passer à celui de « réprouver, bannir ».
 
38. Cf. Pons de Capdueil :
 
Qe d’un breu jorn m’es parven
Q’eu n’aia estat un an.
(Per fin’ amor, c. 3 ; M. G. 669.)
 
et Raimon de Miraval :
 
Tan m’es lo desirs corals
Q’us ans me sembla jornals.
(S’adreg fos, c. 6 ; M. G. 1115.)
 
 
 
Notes :
 
1). Ces quatre poésies ont déjà été publiées avec une annotation moins abondante dans les Studj letterari e linguistici dedicati a Pio Rajna, 1911, pp. 1-28. Les pièces I et IV, II et III sont étroitement apparentées par la forme ; voyez les remarques sur la versification. ()
 
2). Voy. R. Pichon,  De sermone amatorio apud latinos elegiacos scriptores, Paris, 1902 (art. cor, oculi, pectus, sagitta) ; on y verra au reste que c’est ordinairement pectus et non cor qui rend l’idée moderne de cœur. ()
 
3). Paris, N. Bijon, 1623, 2 vol. in-fol. Richelet cite des passages de Quintilien, de Clément d’Alexandrie et de Maxime de Tyr, où est mis en relief le rôle des yeux dans la conception de l’amour. Quant à l’idée de considérer le cœur comme le siège de ce sentiment, elle doit être vieille comme le monde. L’antithèse était donc des plus obvies. Je ne crois pas néanmoins que l’antiquité lui ait donné une expression formelle. ()
 
4) Cf. dans deux pièces des Carmina Burana (Breslau, 1883), qui malheureusement ne peuvent pas être datées ; cordis venator (ms. venatar) oculus (56, 16) ; cepitque puellam — cordis hanc preambulusoculus venari (161, 22). ()

 

 

 

 

 

 

 

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