COMMENTAIRE HISTORIQUE
Comme le dauphin Robert d’Auvergne est mort en 1234, cette pièce doit être antérieure à cette date, mais il nous est impossible de préciser davantage. On sait que le Dauphin régnait depuis 1169 et que l’on peut, par ses rapports avec d’autres troubadours, assigner à son activité poétique les limites de 1180-1220 ( 1).
NOTES CRITIQUES ET EXPLICATIVES
8. Notre traduction est moins embarrassée que le texte ; mais elle a l’inconvénient de ne pas faire comprendre que man est au subjonctif. Littéralement : « Une chanson que je puisse envoyer à ma dame pour qu’elle aille lui dire... »
12-3. Ici encore, la traduction est à rectifier : « Je désire [voir] sa personne, et j’éprouve, parce que je ne la vois pas, tristesse », etc. Un peu plus bas ( Traduction), remplacer angoisse par peine.
15-8. Même idée plus haut, III, v. 7-9.
19. Des rimes comme apaia, aia, savaia, etc. (cf. celles de la pièce VIII), assurent la prononciation aia, non aja, qui est celle d’une grande partie du Limousin ; dans les dialectes modernes paia, quoique irrégulier, aia sont attestés ( aie à Nontron et à Limoges). Ces rimes, qui se trouvent chez des troubadours de régions très diverses, fournissent un sérieux appui à la théorie qui place dans le Limousin le berceau de la poésie courtoise.
20-1. Qanz... de turmens. Ce mélange de deux constructions (qanz turmens et quant de t.) devient fréquent au quatorzième siècle, et il en reste des traces dans les dialectes modernes. Voy. Noulet et Chabaneau, Deux manuscrits provençaux, p. 172.
29. Nous avons rétabli l’article nécessaire pour obtenir la symétrie et appuyé par la tradition manuscrite. Il est assez fréquent de trouver, au début du vers, un enclitique s’appuyant sur la voyelle qui termine le vers précédent. Certains scribes en ont été néanmoins choqués, et omettent le mot enclitique (A) ou refont les vers (CR). Aux exemples recueillis par Hengesbach (Ausgaben, nº XXXVII, pp. 7-8), on pourrait en ajouter beaucoup ; voyez sur ce sujet Bartsch, Denkmaeler, note à 65, 8, et les observations de M. Stroński, éd. de Barjols, pp. 46-7.
Nil si nil no. Cette façon elliptique d’exprimer le consentement ou le refus est très fréquente : voyez Miraval, Tuit cil, c. 3 (M. G. 1095) ; G. Faidit, No m’alegra, torn. (P. O. 104) ; A. de Pegulhan, Si cum l’albres, c. 4 (M. G. 344) ; Uc Brunenc, Ab plazers, c. 5 (M. G. 414) ; D. de Pradas, Pos merces, c. 5 (M. G. 1043).
31. L’e final de sospire, qui n’a pas de base étymologique, est dû à l’influence des substantifs verbaux remontant à des thèmes en idere, iderare (rire, consire).
32. Raynouard ( Lex. III, 193) ne donne pour assai que les sens de « essai, épreuve », et M. Levy ( ensai) n’en propose pas d’autre. M. Coulet ( Montanhagol, p. 115, n. à VII, 18) se demande si le sens ne s’est pas étendu jusqu’à désigner, non plus l’essai, mais le résultat de l’essai. Il faut répondre affirmativement et traduire parfois le mot, même non accompagné d’une épithète comme bel, ric, par « exploit, belle action » : c’est ce que démontre le passage annoté par M. Coulet, un autre cité par lui-même un peu plus loin (p. 123) et celui-ci. Le sens s’atténue parfois au point que le mot en vient à signifier simplement « acte » (plus loin, XIII, 8).
37. Nuill loc. L’omission de la préposition se trouve aussi dans la locution en loc (voy. Levy, loc. nº 10 et Mistral, en-liò).
41. Baia. Ce traitement des groupes asj, atj, est, comme on le sait, normal dans une grande partie du Plateau central, notamment en Rouergue (voy. Mistral, egleiso et Atlas linguistique, cartes un baiser, église, une maison.)
47. Sur cette valeur du possessif, voyez Tobler, Vermischte Beitræge, II, nº 10, et Stroński, éd. Barjols, p. 79.
52. À moins d’admettre que, par l’effet d’une anacoluthe hardie, azire reste sans sujet, il faut rattacher ce mot à l’avol gens du v. 45.
Note :
1). Art de vérifier les dates, II, 361 ; Diez, Leben und Werke, p. 107 ; Chabaneau, Biographies, p. 174. (↑) |