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Ricketts, Peter T. Les poésies de Guilhem de Montanhagol, troubadour provençal du XIIIe siècle. Toronto: Pontifical Institute of Mediaeval Studies, 1964.

225,009- Guilhem de Montanhagol

DATE DE LA PIÈCE : peut-être entre 1242 et 1250.
 
A défaut de détails historiques précis, il est impossible de la dater plus exactement. On sait de toute façon que cette pièce est postérieure à 1229, par une allusion au couronnement de l’empereur Frédéric par lui-même (vv. 24-26). Coulet fait mention d’une deuxième hypothèse : “elle est peut-être de la même époque que les autres pièces [VII, 36 ; VIII, 61 ; X, 40] où il est aussi question d’Esclarmonde” (cf. p. 132) : donc, entre 1242 et 1250. Une dernière remarque s’impose. Guilhem dit bien, “ja Fredericx antan,” c’est-à-dire, ‘jadis’, ce qui fait penser à une date de beaucoup postérieure à 1229.
 
 
NOTES.
 
1. No sap per que. Le sujet de sap est en effet dompna et Coulet n’a pas eu tort de traduire par : c’est sans raison que (p. 133, note au v. 1). Mais c’est à tort qu’il lie cette formule à la tournure sabetz per que (cf. IX, 10) : “Cette tournure interrogative sabetz per que est très usitée par les troubadours comme procédé de développement” (p. 123). Cependant, il ne s’agit ni d’un interrogatif ni d’une formule toute faite dans ce cas. Coulet avait montré quelque hésitation là-dessus (cf. le “sans doute” de la ligne 6 de sa note (p. 133) et le “si no sap per que a bien la valeur d’une formule toute faite”).
son joy. Le son doit se rapporter à amador et non pas à dompna. Comme le dit Jeanroy (AdM, X, 352), “la première interprétation [sc. celle de Coulet] serait tout à fait contraire à l’esprit courtois.”
 
2, 3. ni fug ni gan / dompn’a son amador. Gandi rprend a pour la signification ‘fuir’. Cf. Levy (SW, IV, 34) et, citée par Levy aussi, la correction de Jeanroy (AdM, X, 352).
 
5. senes error. Cette épithète se rattache directement à bo servidor dans le sens d’‘irréprochable’.
 
9. pueys. Jeanroy fait remarquer que traduire par “pour l’avenir” (trad. de Coulet, p. 185), “c’est en forcer le sens” et qu’“il annonce simplement le pus du vers suivant.” En effet, on obtient ce sens en traduisant : “du moment où elle voit un amour sans feinte et sans tromperie, alors une dame n’a rien à craindre” (cf. AdM, X, 352).
 
18. per dever. Ici per dever ne signifie pas ‘rang’, ‘dignité’, comme le veut Coulet (p. 134, note au v. 14). Il s’agit de dever au sens de ‘obligation’. Appel (Zeitschr., XXIII, 558), tout en préférant la leçon per aver, fait remarquer que l’on doit entendre dever comme “das was geschuldet wird, dessen Leistung erzwungen werden kann,” et il traduit toute la phrase : “Liebe will, das ihr liebet, nicht um des Müssens willen (nicht, weil man die Macht hätte es von Euch zu erzwingen), sondern...” Mais il ne croit pas que le sens en soit assez clair. Je n’y vois pourtant pas de difficulté. Amour veut que la dame aime non pas par souci du devoir, c’est-à-dire, selon les règles imposées par la société, mais selon les sentiments du cœur.
 
24-26. Cette phrase se rapporte, comme dit Coulet (p. 135), au couronnement de Frédéric II à Jérusalem qu’il avait conquis pendant la croisade de 1228. En 1229, il s’y couronne lui-même, car aucun prêtre ne voulait le sacrer, vu qu’il avait été excommunié.
 
28. Il convient de souligner la note de Jeanroy (AdM, X, 352) sur la traduction de ce vers par Coulet : “Et de même, je vous dis que pour garder votre honneur...” (p. 186), celui-là dit, “ ‘pour garder votre honneur’ n’est ni dans le texte ni dans la pensée du poète."
 
32. ses malestan. Cette épithète doit se rattacher plutôt à l’amant qu’à la dame. Comme le suggère Jeanroy (AdM, X, 352), ses malestan a le même sens que senes error, ‘irréprochable’ (cf. le vers 5 de cette pièce).
 
36. baran. Coulet (pp. 135, 136) y voit un substantif signifiant ‘supercherie’, et qui reprend une idée déjà exprimée. Levy (SW, I, 125) comprend ‘rang’. Tous les deux, à défaut d’autres exemples de ce mot, se rabattent sur la portée générale de la strophe. En effet, je n’ai pas trouvé d’autres exemples et l’interprétation de Coulet s’impose : “si on ne soupçonne pas la supercherie.”
 
39. retener. Coulet y voit un terme technique de la langue courtoise et renvoie à U. A. Canello, Arnaldo Daniello (Halle, 1883), p. 215. Jeanroy (AdM, X, 352) ajoute que l’expression est empruntée au formulaire féodal.
 
51. Esclarmunda. L’identité de cette dame n’est pas plus claire qu’à l’époque où Coulet avait fait mention de deux Esclarmondes appartenant à la maison de Foix. L’une, fille du comte Raimond-Roger, avait épousé en 1231 Bernard d’Alion. L’autre, fille du comte Roger-Bernard II, fut mariée en 1235 à Raimond, fils du vicomte de Cardone. Coulet admet la possibilité de voir dans l’une de ces deux dames l’Esclarmonde à laquelle s’adresse Guilhem. De nombreux rapports existaient entre les deux maisons de Foix et de Toulouse jusqu’en 1242. Mais Coulet n’arrive pas à préciser davantage. Même de nos jours, il n’est pas possible de le faire, faute de renseignements plus précis sur l’Esclarmonde de Guilhem. Dans les quatre pièces où il est question d’elle (celle-ci ; VII, 36 ; VIII, 61 et X, 40), il lui adresse ses hommages en louant sa beauté et explique son nom comme lumière du monde. Mme Suzette Nelli, dans son article sur Esclarmonde de Foix “Vicomtesse du Grimoez et cathare”, dans Cahiers d’Études cathares, 6e année, Hiver, 1955-56, no. 24) note cette explication et la trouve intéressante. “Bien que l’on ne puisse guère penser,” remarque Mme Nelli, “en raison des dates, que les poèmes [sc. de Montanhagol] aient pu s’adresser à Esclarmonde de Foix, vicomtesse du Grimoez, voilà ce qu’évoque pour Guilhem le nom d’Esclarmonde, mais non pas nécessairement pour les esprits de l’époque.” Elle affirme que Guilhem fut “le seul troubadour qui ait prononcé le nom d’Esclarmonde” (ibid.). Mais en même temps, elle écarte la possibilité d’y voir un nom cathare, quoique l’Esclarmonde cathare fût tante d’Esclarmonde d’Alion et grand-tante d’Esclarmonde de Carclone et que la fille de Raimond de Pereille, brûlée comme hérétique lors de la prise de Montségur en 1244, portât ce nom (cf. Hist. Lang., VI, 769). Mme Nelli nous rappelle très justement que plusieurs familles protestantes du XVIe siècle du pays du Castrais appelaient leurs filles Esclarmonde. Par contre, il faut écarter l’interprétation de ceux qui tiennent à voir dans l’Esclarmonde de Guilhem la grande prêtresse de la foi cathare, cf. par exemple, M. C.-St. Palais (Esclarmonde de Foix, Princesse cathare (Toulouse, 1956), p. 46) qui la fait mourir en 1240 (mais, cf. Mme Nelli, ibid.). M. F. Pitangue (Les Troubadours furent-ils les Missionnaires de l’Albigéisme? (Société des Bibliophiles occitans, Toulouse, 1946)) qui ne considère les troubadours ni comme hérétiques ni comme les missionnaires de l’hérésie, voit dans les vers de Guilhem (vv. 51-54 de cette pièce) une allusion à un rôle religieux possible de sa dame. Il n’essaie pas d’identifier Esclarmonde, mais comme il parle des “dames connues parmi les plus passionnées de l’initiation à la perfection cathare,” il semble qu’il pense à la grande Esclarmonde. Enfin, Mgr. J. Vidal (Esclarmonde de Foix dans l’Histoire et le Roman (Toulouse, 1911), p. 40) pense que Guilhem “le [sc. le nom d’Esclarmonde] donne comme sobriquet symbolique à la dame de ses pensées, Josserande de Lunel.”
Bref, il est impossible d’identifier cette Esclarmonde avec l’Esclarmonde de l’hérésie cathare et il est invraisemblable de voir dans la parenté entre les deux autres Esclarmondes et la grande Esclarmonde la preuve d’une affinité religieuse et plus précisément cathare. D’un point de vue plus positif, il se peut qu’elle soit, comme l’a suggéré Coulet, une des deux Esclarmondes, ou celle d’Alion ou celle de Cardone. Appel (Zeitschr., XXIII, 555) y voit de toute façon une dame de haut rang qui s’appelle vraiment Esclarmonde et il comprend dans les subtilités du poète un moyen pour justifier une association entre une dame de haute qualité et un homme de condition basse. Sur cette question, Mme Nelli reste d’accord avec Coulet et veut voir, comme lui, une dame de la maison de Foix, du fait qu’“elle est citée avec une Guise de Comminges” et que “l’on sait que les deux maisons étaient très unies” (cf. Mme Nelli, loc. cit.).

 

 

 

 

 

 

 

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