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Coulet, Jules. Le troubadour Guilhem Montanhagol. Toulouse: Imprimerie et Librairie Édouard Privat, 1898.

225,003- Guilhem de Montanhagol

1. Bel m'es quan. — Un des débuts les plus fréquents de chanson ou de sirventes: Bel m'es quant aug lo resso (P. de Bergerac); Bel m'es quant en vei la brolha (B. de Ventadorn); Bel m'es quan la rosa floris (P. d'Auvergne); Bel m'es quan l'erba reverdis (R. Vidal), &c. Trois pièces du même Marcabru commencent de même: Bel m'es quan la rana chanta; Bel m'es quan son li fruit madur; Bel m'es quan s'azombral treilla.
Bel, employé ici comme neutre, forme avec le verbe es une locution impersonnelle d'un emploi fréquent & dont on a des analogues; bon m'es, greu m'es, &c. Cf. Diez, Grammaire, trad. franç., III, 181.
Sur cet emploi de quan = que, servant à introduire une proposition subordonnée, cf. Stimming, Bertran de Born, p. 244.
d'armatz. — La correction de Raynouard: d'armas, est inutile. II entendait, sans doute, refrim d'armas. Mais, en réalité, il faut entendre refrim de trompas & admettre qu'il y a là une construction un peu irrégulière, qui s'explique par le mouvement même de la pensée: « Quand j'entends, venant des hommes d'armes, chez les hommes d'armes, sonner les trompes. »
aug refrim. — Nous corrigeons la leçon de C: uey refrim, d'après la table même du manuscrit qui donne bien aug & qui a été dressée d'après les sources de C. (Cf. Groeber, Liedersammlungen der Troubadours, § 95.) Que le manuscrit ait pu donner la leçon uey, c'est ce que l'on comprend, si l'on admet qu'en provençal, comme dans presque toutes les langues, il a pu y avoir souvent échange entre les termes désignant les perceptions de la vue & ceux qui expriment celles de l'ouïe. Cf. Canello, Arnaldo Daniello, p. 200.
refrim. — Raynouard (Lex. Rom., III, 388) donne le mot comme une forme secondaire de refranh & le rattache à la racine franher. Et, sans doute, il est certain que refranh & refrim ont parfois des sens assez voisins, mais ils sont d'origines toutes différentes: refrim se rattache à frémir, & l'on s'explique que du sens primitif de frémir on soit arrivé à celui de son, bruit.
 
2. Aux acceptions données par Raynouard (Lex. Rom., III, 156) pour le verbe escrimir; « escrimer, exercer, garantir », il faut ajouter, comme le montre cet exemple de Montanhagol, celui de se battre, combattre.
 
3. prim. — Raynouard, citant ce vers (Lex. Rom., IV, 643), le traduit: « tirent menu les archers meilleurs. » Il faut, croyons-nous, entendre prim un peu autrement: d'une façon menue et serrée, à traits pressés.
l'arquier melhor. — Dans la langue mode, pour construire l’adjectif au superlatif après le substantif, on devrait le faire précéder de l'article: li arquier li melhor. Mais, en ancien provençal comme en ancien français, le superlatif postposé à son substantif déjà précédé de l'article reste généralement sans article. Cf. Diez, Grammaire, trad. franç., III, 8.
 
4. Nostri e lor = les nôtres & les leurs, c'est-à-dire ceux de l'ennemi. Peut-être est-ce une locution toute faite qui signifie: des deux côtés, dans les deux camps.
 
5. E vey de senhas bruelha. — A rapprocher de cette heureuse image le passage de Girart de Roussillon:
 
Cil guident lor ensegnes per bruel fraisnin:
Ce n'en est autres bruelz qu'en vos devin
Les flors des fraisnes furent fer acerin
Enseignes de cendaz e d'aucassin.
(Ms. d'Oxford, v. 2662 sq., édit. Foerster.)
 
L'expression d'un pareil goût pour la guerre & les combats a servi de début à plus d'un autre sirventes. Cf. B. de Born, No posc mudar un chantar non esparja; Bonifaci Calvo, Bel m'es lo retins el critz; B. de Rovenhac, Bel m'es quan vey pels vergiers & pels pratz; Peire de Bergerac, Bel m'es cant aug lo resso, &c.
 
8. Tro que = ordinairement jusqu'à ce que a ici un sens un peu différent: au point... que.
sos cors. — Sur ces expressions périphrastiques formées avec cors & l'adjectif possessif qui, en ancien français & en ancien provençal, remplacent le pronom personnel mos cors = je, moi; sos cors = il, lui, cf. Diez, Grammaire, trad. franc., III, 59; Tobler, Vermischte Beitraege, p. 27, & Stimming, Bertran de Born, p. 265.
 
9. Coms de Tolza. — Raymond VII, le vaincu du traité de Paris, qui, gagné par les sollicitations d'Hugues de Lusignan, comte de la Marche, & par la promesse d'épouser sa fille, venait de se laisser entraîner à une révolte ouverte contre le roi de France. — Sur la forme Tolza, cf. I, 6, & la note.
 
10. on plus esprim... vos vey. — Dans les phrases comparatives introduites par on, com, aissi com, la construction régulière veut que le comparatif soit exprimé dans les deux propositions. C'est la seule que semble connaître Diez (Grammaire, trad. franç., III, 365); nous en avons plusieurs exemples dans notre poète, (Cf. IX, 16; XI, 2 & 18.) Mais le comparatif peut aussi n'être pas exprimé dans la phrase démonstrative, & Stimming (Bertran de Born, p. 251) en cite plusieurs exemples assurés auxquels nous ajoutons les deux suivants;
 
Quar on plus vos faran parven
Queus amon de cor vertadier
Adoncs vos cujon descazer.
(Daude de Pradas, En un sonet gai...)
 
Vida e pretz qu'om ve de folha gen
On plus aut son, cazon leugieramen.
(Folquet de Marseille, Oimais noi conosc razo...)
 
Dans le cas présent, cette construction s'explique d'autant mieux qu'en réalité l'expression al cim de pretz a bien la valeur d'un comparatif.
esprim. — Raynouard (Lex. Rom., IV, 623) ne donne pour le verbe esprimir, exprimir, que le sens primitif: exprimer, presser. L'exemple présent de Montanhagol nous prouve que le mot avait pris le sens voisin de tâter, &, au figuré, celui de éprouver, examiner.
 
10. al cim de pretz. — Formule d'éloge, courante chez les troubadours & qu'on retrouve ailleurs:
 
Quar etz de pretz al sim
En la plus alta sima.
(R. de Miraval, Aissi·m ten amors franc.)
 
11. aissi... com = aussi vrai que. Formule très fréquente & qui sert parfois a donner à la pensée un ton ironique. Cf. IV, 40-41.
 
12. part l'aussor. — Raynouard & Rochegude conservent la leçon du manuscrit: part lauzor, & Tourtoulon (Jacme I le Conquérant, II, 66), citant ce passage, traduit: « aussi certainement que votre renommée s'élève au milieu des louanges, « Mais c'est donner au mot part un sens qu'il n'a pas. Il signifie: par delà, au-dessus, & précède souvent un superlatif. (Cf. part la gensor, part las melhors, &c.) La correction l'aussor est d'autant plus naturelle qu'elle s'accorde très bien avec capduelhar, qui, lui aussi, évoque l'idée de hauteur.
 
13. Le verbe capdolhar ne se trouve pas dans Raynouard. Il ne donne que le substantif capduelh (Lex, Rom., II, 324), avec le sens ordinaire de château, donjon. Il semble pourtant admettre l'existence d'un sens figuré; cime, hauteur, mais il n'en donne qu'un exemple. C'est ce sens que nous retrouvons dans le verbe capdolhar qu'enregistre E. Levy (Provenz. Supplem. Woerterbuch, I, 204) & dont il cite, outre ce passage, plusieurs exemples attestant tous le sens de: se dresser, s'élever.
 
14. aun talh. — Raynouard, au mot dalh, talh (Lex, Rom., III, 2), donne, à côté des sens primitifs: taille, coupe, tranchant, un sens figuré: façon, forme. Mais il ne donne pas d'exemple de la locution a un talh. Il faut, croyons-nous, la rapprocher de plusieurs expressions citées par Mistral (Trésor dou Felibrige, au mot tai): a tai, d'a tai, a bel tai, tout à tal, &c., avec le sens de: à tranches, à gros morceaux, en masse, sans choix, indistinctement, &c. Ces derniers sens paraissent convenir à l'expression à un talh. Montanhagol prie Raymond VII de ne pas, plus tard, admettre dans son amitié ceux qui l'ont trahi, sans mettre de différence entre eux et ses vassaux fidèles.
 
16. ab vos. — Raynouard lit ab nos, & Rochegude ab vos. Les deux offrent un sens satisfaisant. Il nous semble pourtant qu'à lire ab vos, on est plus près de l'intention du poète qui, au vers précédent, s'adresse spécialement à Raymond: l'avertissement & le conseil restent ainsi plus directs. Ailleurs encore, le poète fait allusion au caractère faible du comte qu'il paraît bien connaître. Cf. IV, 47.
S'acuelha. — Raynouard (Lex. Rom., II, 434), au mot acuelhir, aculhir ne cite pas la forme pronominale. Elle est enregistrée par E. Levy (Provenz. Supplem. Woerterbuch, I 18) qui la traduit par sich begeben = se rendre à, aller. C'est un sens un peu différent que le mot a ici. Il signifie, sans doute, aller vers, mais surtout se réunir avec, s'unir d'amitié, & est ici synonyme de devenir ami.
 
17. La Marcha. — Hugues V de Lusignan, comte de la Marche (1219-1249), l'époux de l'ambitieuse Isabelle, mère de Henri III d'Angleterre & le véritable instigateur de la révolte de 1242. Il s'assura l'appui des seigneurs du Midi en promettant à Raymond VII la main de sa fille. Mais dès les premiers succès des Français, surtout après la bataille de Taillebourg, il engagea des négociations avec le roi de France & fit sa soumission le 26 juillet 1242. Il promettait entre autres choses d'aider le roi à soumettre le comte de Toulouse. A son exemple, la plupart des seigneurs du Poitou & de la Saintonge déposèrent les armes & dès les premiers jours d'août. Cf. Bémont, Campagne du Poitou, in Annales du Midi, V, pp. 289 & suiv.
Foys. — Roger IV, comte de Foix (1241-1265). Il avait adhéré à la coalition &, par un traité du 5 avril 1242, s'était uni à son suzerain, le comte de Toulouse, contre le roi de France. Il fut cependant des premiers à l'abandonner. Le 5 octobre 1242, il alla même jusqu'à se tourner contre lui: il le défia & se déclara vassal immédiat de la couronne. C'est en cette qualité qu'en janvier 1243 il prêta hommage au roi, à Montargis. Mais avant d'en venir à cet éclat, il s'était retiré de la coalition & avait entamé des pourparlers avec Louis IX, à l'insu de Raymond.
Rodes. — Hugues IV, comte de Rodez (1227-1274). Lui aussi, il était le vassal du comte de Toulouse & traita cependant à son insu avec le roi de France. Les commissaires royaux allèrent recueillir son hommage en janvier 1243.
 
19. de part. — Raynouard (Lex. Rom., IV, 433) rattache bien à tort cette locution à la préposition part: au delà, au-dessus & l'explique comme une préposition composée. Plus tard, dit-il, de par remplaça de part. Mais, en réalité, l'une n'est que la déformation de l'autre, & dans de part il n'y a pas deux prépositions, mais une préposition & un substantif: de part = de [la] part, signifie bien évidemment: de la part de, au nom de.
de part onor & de valor. — La même locution nous montre réunies les deux façons de construire le complément déterminatif, en ancien provençal comme en ancien français. La première, la plus ancienne, consiste à juxtaposer au déterminé le déterminant au cas régime sans l'intermédiaire de la particule de; la seconde les réunit à l'aide de cette particule. — Onor & valor, comme souvent ailleurs, sont personnifiés & dès lors construits sans article.
 
21. Quasqus = chacun, non au sens indéterminé de tout le monde, mais au sens distributif: chacun d'eux, chacun des trois seigneurs en question.
 
22-23. en tal sonalh an mes batalh. — C'était là sans doute une façon de parler courante au moyen âge (cf. Stoessel, Bilder und Vergleiche der altprovenz. Lyrik, p. 29), à moins que ce ne soit une réminiscence de Bertran de Born:
 
Guilhems de Gordo, fol batalh
Avetz mes a vostre sonalh.
(Un sirventes on motz...)
 
Le sens de ce passage est clair, & Appel (Provenz. Chrestomathie, au Glossaire) traduit avec raison: Vous avez commis une folie. Peut-être cependant y a-t-il une nuance de plus à distinguer. On dit, d'une façon assez semblable, dans la langue familière: attacher le grelot, quand on veut exprimer que l'on a commencé à parler d'une chose. N'y a-t-il pas la même nuance dans l'expression de B. de Born & dans celle de Montanhagol: « Vous venez de commettre une folie... Vous venez de faire une telle action, &c. »? Remarquons, de plus, qu'en effet dans la pièce de Montanhagol il s'agit de faits tout récents.
 
24. tal... don = tel... que, à cause de lui. — non tanh — il ne convient pas, &, par extension: il ne se peut. — tanh los vuelha. Sur l'ellipse de la conjonction que, très fréquente en provençal, cf. Diez, Grammaire, trad. franç., III, 313.
 
26. s'a levat. — Au lieu des formes passives, les verbes pronominaux emploient pour leurs temps composés les formes de avoir, quand le pronom réfléchi a la valeur non d'un accusatif, mais d'un datif. Cf. Stimming, Bertran de Born, p. 260, renvoyant à Tobler, Dis dou vrai Aniel, p. 29.
 
27. Que·l de Caïm. — Comparaison que l'on retrouve chez d'autres troubadours. Cf. Stoessel, Bilder und Vergleiche, p. 49. — ·l = lo, « celui ». Nous avons ici un exemple de l'emploi assez rare de lo comme pronom démonstratif.
 
29. om qui l'amorera·s tuelha. — Il semblerait qu'au lieu du subjonctif on dût avoir ici l'indicatif, mais l'on sait combien sur ce point la syntaxe des troubadours est déconcertante. Levy (Bertolome Zorzi, pp. 85, 86 & 88) nous donne de nombreux exemples de subjonctifs remplaçant des indicatifs & inversement. Peut-être cependant le subjonctif s'explique-t-il dans cette proposition relative comme dans les propositions latines, où il exprime non une qualité réelle, mais une possibilité, une capacité de, &c.; qui étant alors synonyme de talis ut. Pour cela, il faut considérer que om qui ne se rapporte pas à ce qui précède & à la trahison des trois comtes, mais que Montanhagol pense à tout homme qui peut être capable d'agir de même. Om qui ayant une valeur générale & s'appliquant au possible doit dès lors être construit avec le subjonctif.
 
31. Falh, comme au vers 15, signifie: manquer à ce que l'on doit à quelqu'un, commettre une faute à son égard, l'offenser. Dans cette acception, il se construit souvent avec des propositions comme vas (VIII, 31), endreg (XIII, 32), mais cet exemple & celui du vers 15 nous montrent qu'on peut le construire directement avec le datif.
 
32. Greu er. — Sur cette locution impersonnelle, cf. la note du vers 1.
 
33. Si·l reys Jacmes. — Jacques I le Conquérant, roi d'Aragon (1213-1276). Pas plus que le roi de Castille & que Thibaut, roi de Navarre, sur l'appui de qui les révoltés avaient compté, il n'avait pris les armes, & c'est ce que Montanhagol lui reproche comme une trahison.
 
35. Segon qu'auzim doit se rapporter à ce qui précède. C'était, en effet, un bruit qui courait que le roi d'Aragon viendrait à l'aide. De bonne foi ou non, Raymond VII l'avait laissé croire, afin de triompher des hésitations du roi d'Angleterre. Mais, en réalité, Jacques I n'avait pas formellement adhéré à la ligue. (Cf. Tourtoulon, Jacme I, t. II, p. 63 sq.) Malgré Philippe Mousket, qui, parlant de la coalition de 1242, dit que
 
le roi d'Arragone en estoit
. . . . . . . . . .
et le roi de Navarre aussi,
 
il est à peu près certain qu'à aucun moment ni l'un ni l'autre n'en firent partie. Ils ne sont pas cités par Guillaume de Puy-Laurens (chap. XLV), qui mentionne tous les autres alliés de Raymond VII, & Le Nain de Tillemont (Hist. de S. Louis, édit. de la Sociétéde l'Hist. de France, II, 473) nous dit expressément qu'après la pacification générale le roi d'Aragon n'ayant pas rompu la paix, Louis IX & Jacques I n'eurent pas à faire de nouveau traité. Milá y Fontanals (Trovadores en España, p. 173) croit cependant qu'il y avait eu une entente entre Jacques & Raymond VII lors de l'entrevue de Montpellier (juin 1241). Il faudrait admettre qu'ils ont eu l'idée de la coalition avant le comte de la Marche lui-même, puisque c'est seulement en octobre 1241 que Raymond VII s'allie avec Hugues de Lusignan. Or, nous savons que la première idée de la révolte appartient à celui-ci & qu'il en fut l'organisateur. Mais, de plus, il ne fut pas question à l'entrevue de Montpellier d'une alliance offensive contre le roi de France, & l'on ne s'y occupa, semble-t-il, que du divorce de Raymond. Il est possible, & même probable, que Raymond chercha à s'assurer l'appui du roi d'Aragon. Il dut se flatter de l'obtenir, mais ne l'obtint pas. Jacques avait trop à faire ailleurs: il lui fallait achever la pacification de Valence & triompher des difficultés que lui créait son propre fils & l'hostilité de son gendre, l'héritier de Castille, le futur Alphonse X.
 
36. Foran ab plor. — Esser est ici construit avec ab, comme nous l'avons vu plus haut avec de. (Cf. les notes à I, 14, & II, 2.) Comme de, ab peut aussi servir a déterminer un substantif: bona dompna ab bel cors bel estan. (IX, 9.) Ici, comme souvent ailleurs, la conjonction et est omise entre les deux compléments en gran dolor & ab plor. Cf. Appel, Provenz. Inedita, p. XXX.
 
37. Frances. — Ailleurs encore, il invoque l'appui de Jacques contre les Français. (Cf. V, 15 sq.) Dans un sirventes inspiré par les mêmes événements, Duran Sartre de Paernas blâme & regrette de même l'abstention du roi d'Aragon:
           
Tos temps serai malvolens et enics
Al rei Jacme qar mal tenc sos afics
Qe.l sagramentz qe.l fes fon inois e trics.
. . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . .
E.l seu secors foram ric e estort
E desconfig Frances e pres e mort.
(En talent ai, in Mahn, Gedichte, 56.)
 
qui qu'o desvuelha. — Une de ces formules toutes faites, très fréquentes chez les troubadours & qui finissent tant bien que mal le vers. Cf. qu'ieu o sai (IV, 11); cui que plassa o greu sia (VIII, 58).
 
38. E quar. — En provençal comme en italien, la proposition secondaire commençant par e quar & exprimant le motif précède souvent la proposition principale. Cf. De Lollis, Sordello di Goito, p. 260.
 
40. Un autre troubadour, jugeant sévèrement cette trahison de Jacques, l'appelle
 
lo flacs reis cui es Arago.
(Boniface de Castellane, Era pueys.)
 
41. Dans le sirventes déjà cité de Duran Sartre de Paernas, le roi anglais est lui aussi pris à partie pour son inaction. Le poète envoie ses vers:
 
al rei engleis qes hom ten per badoc
quar suefra aunitz qom del sieu lo descoc.
 
& de même B, de Rovenhac dira:
         
que par sia adurmitz
qu'elh rey franses li tolh en plas perdos
Tors et Angieus e Normans e Bretos.
(Ja no vuelh do.)
 
En réalité, Henri III, qui n'était intervenu qu'à contre-cœur & sur l'assurance formelle de l'appui des rois espagnols, avait été très découragé en voyant qu'ils n'avaient pas pris les armes. Il s'en plaignit vivement au comte de la Marche, la veille de Taillebourg. Les succès des Français achevèrent de le démoraliser. Il se retira à Blaye, puis à Bordeaux. Il s'occupa, dès lors, de négocier avec Louis IX. Raymond vint à Bordeaux pour l'encourager à la résistance: un nouveau traité fut conclu, par lequel ils s'engagèrent à ne pas traiter l'un sans l'autre avec le roi de France & à continuer la guerre (28 août 1242). Mais ce traité resta sans effet: Henri III ne reprit pas l'offensive & attendit que Louis IX eût agréé ses propositions de paix. Cf. Bémont, loc. cit.
 
42. de flor faitz capel. — Ici, bien évidemment, l'expression doit s'entendre au figuré & signifie: amusez-vous, réjouissez-vous. Il faut voir dans ce conseil ironique une allusion à la vie de plaisirs que Henri III menait à Bordeaux, dépensant ainsi l'argent apporté pour la guerre. Cf. Tourtoulon, op. cit., II, 68.
 
44. Neis qui. — La présence de neis rend plus claire encore la valeur de qui = si quis, pas même si l'on. Cf. la note à I, 16.
 
45. tro qu'on tot vos o tuelha. — Ni Raynouard; ni Diez n'expliquent cet emploi assez particulier du pronom o. Si on rapproche de ce vers des locutions usitées dans la langue moderne, comme: o a tot manjat, o a tot perdut, qui signifient: « il a mangé, il a perdu tout ce qu'il avait, tout son bien, » il semble que le pronom o à la fois renforce tot et le détermine. Ici, le sens est bien évidemment: « jusqu'à ce qu'on vous enlève tout ce que vous possédez. » La menace du poète resta sans effet: la peste se mit dans l'armée de Louis IX et, malade lui-même, il dut revenir sur ses pas. Mais Henri III ne songea pas à en profiter pour reprendre l'offensive, et l'on comprend que Raymond VII, découragé par tant de défections, se soit décidé à faire lui-même sa paix avec le roi de France (20 octobre 1242).

 

 

 

 

 

 

 

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