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Bec, Pierre. Les saluts d'amour du troubadour Arnaud de Mareuil. Toulouse: Édouard Privat, 1961.

030,V- Arnaut de Maruelh

I. — INTERPRÉTATION DU TEXTE.
 
Le manuscrit est d'une lecture très difficile en certains endroits par suite de l'effacement des caractères, en particulier du vers 1 au vers 36 (fol. 134 rº). Nous mettons en italique les passages rétablis par conjecture pour lesquels nous adoptons, la plupart du temps, les interprétations de Chabaneau. La compréhension du texte, d'autre part, n'est pas toujours aisée, ce qui explique l'abondance des présentes notes.
 
2 : lecture indécise. Chab. interprète : Cuy joy[s] [e] deport e jovens. C'est faire fi du mot de trois ou quatre lettres, absolument illisible, qui se trouve entre deport et e joven[s]. Ce mot, monosyllabique, devait désigner une autre qualité de la dame (don, pretz ?) ; à moins que ce ne soit un verbe (man, viu ?) ayant pour sujet joy, deport, joven, etc, les verbes agrada et platz (v. 6) ayant alors, pour seul sujet, bel ris ?
 
7 : Ms. Creis Dieu. J'adopte la correction de Chab. : creis[sa], bien que ce subj. de creisser soit rarissime, la forme la plus commune étant : cresca. Cette correction en entraîne une seconde, au v. 12 : mov[a], et oriente l'interprétation de tout le passage (v. 1-16). Rien ne dit en effet, a priori, qu'il faille interpréter les verbes : sal, bayss, salv, gard, don, comme des subj. prés. 3e pers. ayant pour sujet Dieu. Il semblerait également plausible de les interpréter comme des 1re pers. sing. ind. prés. ayant pour sujet le troubadour, ce qui éviterait les corrections : creis[sa] et mov[a]. Le poète adresserait d'abord son salut à toutes les dames en général et ensuite, tout particulièrement, à la dame qui est le plus près de son cœur. C'est dans ce sens que le copiste semble avoir implicitement interprété le texte. Mais, dans cette hypothèse, le v. 7 reste faux et incompréhensible. Le caractère impersonnel de la salutation (ici au nom de Dieu) entre beaucoup mieux, d'autre part, dans le cadre des introductions de salut (cf. Introd.). Je m'en tiens donc, tous comptes faits, à l'interprétation de Chabaneau mais considère comme inutile son autre correction : de pretz e d'onor.
 
12 : v. illis. ; ms. Sal e bays....s mou destricx. Pour mov[a] cf. note 7.
 
13 : ms. E los enuios. Chab. propose de corriger : Als enuios e als engres. Je préfère, sans préjudice pour le sens, serrer le texte de plus près.
 
16 : merces est au cas-sujet (sujet de prenda) ; j'interprète : un cœur que merci vous prenne, donc : un cœur accessible à la merci.
 
17 : Dona : lecture très incertaine. J'adopte, faute de mieux, la correction de Chab. ; le ms. a : Da....s.
 
24 : Chab. propose de corriger : si no·m forses sens e coratje. Cela ne me paraît pas utile.
 
32-36 : passage trop illisible pour que je puisse me risquer à une reconstitution quelconque.
 
40 : J'interprète saber (3e p. s. ind. prés.) dans le même sens que l'expression idiomatique : sap bo, sap mal.
 
41 : de bon engenh ; engenh : projet, dessein (cf. LÉVY, II, p. 502).
 
47-48 : v. douteux. J'interprète : Et qui de son pouvoir (de mon cœur) est bon (est sûr ?) ne doit plus demander de raisons (à mon cœur). Autrement dit : la puissance de l'amour porte en elle-même sa propre fin et sa propre explication.
 
60 : J'interprète agues comme une 2e p. pl. prét. (pour aguetz).
 
61 : Chab. : forfatz pariers ; cela ne me semble guère plausible : le subst. forfatz s'intègrerait fort mal dans l'ensemble syntactique. D'ailleurs le s est net dans le ms.
 
63 : v. obscur. Le brusque changement de temps (futur de l'ind. au lieu du subj. imp.) laisse quelque doute quant à la valeur de pron. relatif du qe initial de ce vers (interprétation probable de Chab.). Je fais au contraire de ce vers une prop. principale et mets un point-virg. après voler. Peut-être faut-il voir dans ce qe un énonciatif comparable à celui du gascon moderne ?
 
69 : e pot o far « et il peut le faire » ; c'est-à-dire exercer son pouvoir de contrainte sur tout ce qui existe.
 
74-76 : Je construis : E·l bon coratje... ver vos dirai (que) me platz (tan) qe nulha res qe m'avengues no·m plac mays tan.
 
87-90 : Il y a des cas où l'amour ne peut soumettre à sa loi les plus forts, c'est-à-dire que les lois de l'humilité peuvent être violées par la force même de l'amour. Dans le cas de notre poète, sa passion est telle qu'il ne peut plus la taire, même au nom de l'humilité, car ce serait la trahir. lo, au v. 90, représente très probablement le cœur (cf. v. 84).
 
91-93 : Le sens précis de ces trois vers m'échappe. De toute façon, il s'agit ici de l'image, fort à la mode, au Moyen Age, du trésor caché considére comme perdu. Cette image, selon M. Parducci « oltre ad occorrere in alcune liriche, appar quasi obbligatorio nell' introduzione dei poemi didattico-morali di qualche mole ». Cf. PARDUCCI, p. 80 et CESARE DE LOLLIS, Vita e poesie di Sordello di Goito, Halle, 1896, p. 296.
 
99 : ms. : E pus mon cor sabetz (v. faux). Chab. corrige : [ara] sabetz, ce qui rétablit le vers mais ne donne guère de sens. Tout s'explique au contraire si l'on se réfère, à la lumière des vers précédents, au thème bien connu du cœur messager courtois (cf. Introd.). C'est l'envoi de son cœur qui permet au troub. de persuader la dame à quel point il l'aime.
 
103 : getar a non cura : cf. Guilhem Figueira, D'un sirventes far : Roma, tant es grans La vostra forfaitura Que Deu e sos sans En gitatz a non cura (BARTSCH, Chr., p. 202).
 
119 : no me lais : sens obscur. Chab. propose de corriger : no me·n lais, ce qui signifierait plutôt : je ne m'y fie pas, je n'y compte point.
 
 
II. — COMMENTAIRE LITTÉRAIRE.
Plan du salut.
 
Introduction : Salutation générale à toutes les dames de haut mérite (v. 1-13) — salutation à la dame en particulier (v. 14-16) : salutations impersonnelles faites, si notre interprétation est juste, au nom de Dieu — Allusion au messager — Transition : v. 17-18.
Epître proprement dite (v. 19-170).
— Prière courtoise : confession forcée — thème du cœur-messager (v. 19-59).
— Toute-puissance de l'amour : amour silencieux qui ne se révèle que par sa propre force (v. 60-96).
— Prière courtoise ; discrétion de l'amour : il me suffit que vous fassiez semblant de m'aimer (v. 97-114).
— Nécessité de la souffrance en amour : l'amour présenté comme un combat (v. 115-133).
— Louange courtoise (Frauenlob) (v. 134-152).
— Prière courtoise : joie d'aimer — exclusivité de la dame (v. 153-170).
Conclusion : très brève : appel habituel à la merci de la dame ; dites amen à l'intention d'amour (v. 171-175).
 
31-32 : sur le mot senhoria, cf VI, 1 ; VII, 25-26 et VII, notes II, 25-26.
 
113-114 : « faites semblant de m'aimer » : lieu commun de la lyrique courtoise ; cf. III, 186-188.
 
125-126 : « Je laisserai chants et déports » : cf. IV, 153-156, notes II, 153-156.
 
 
III. — VERSIFICATION.
 
Vers octosyllabiques à rimes plates (salut classique).
 
RIMES : 39-40 : aisi/fi ; 63-64 : contrarios/sazos ; 169-170 : be/jasse: pas de nasalité dans fi, sazos, be. — 107-108 : am/voliam : articulation encore solide du -m final de voliam.
 
HIATUS : 6 : agrada|e platz ; 22 : qe|es ; 26 : volgra|esser ; 27 : qe|eras ; 31 : qe|Amors ; 32 : qe|el.
 
ELISIONS : 8 : per vostr’ amor ; 10 : nulh' autra ; 53 : nulh' autra ; 83 : disser’ a nulh (?) ; 104 : car’ e pura ; 136 : cortez' e ; 149 : cuend' e ; 168 : tot' autr’ amistat ; 171 : fin' amor.
 
SYNALÈPHES : pas d'exemples.
 
Vers corrigés à cause de la mesure: 7, 38, 99.

 

 

 

 

 

 

 

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