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Arveiller, Raymond; Gouiran, Gérard. L’œuvre poétique de Falquet de Romans, troubadour. Aix-en-Provence: C.U.E.R. M.A. - Université de Provence, 1987.

Édition revue et corrigée pour Corpus des Troubadours, 2013.

156,015- Falquet de Romans

v. 3. C : que·ns essenha quec dia ; Rf : que m’ense(i)nha qu’ieu dia. Tous les éditeurs, à l’exception de Raynouard, ont suivi les copistes de Rf. Comme le dit F. J. Oroz Arizcuren, dia ne saurait signifier ‘jour’, ce qui provoquerait une répétition, difficilement admissible dans un tel poème, du mot rime dans des vers consécutifs. Le déroulement de l’expression nous indique qu’il s’agit ici du verbe dire. Pour autant, nous ne croyons pas nécessaire de renoncer à la lectio difficilior de C qui suppose ainsi une parataxe : ‘nous enseigne à chacun à dire ...’.
 
v. 4. C : velhatz ; Rf : levatz. On peut songer que la version de C représente une réminiscence de m’esvelharai (v. 2) ; mais, outre que cela n’est pas une raison suffisante pour abandonner le ms. de base, F. J. Oroz A. émet l’idée que ce mot viendrait rappeler ici l’exhortation de Mathieu 26, 41, 46 : Vigilate.
 
v. 5. CR : Senhors ; f : Seinhors. CRf : Dieus. La présence de l’-s à la fin du premier mot s’explique par l’emploi fréquent du cas régime pour l’apostrophe. En ce qui concerne le mot Dieus, F. J. Oroz A. suppose que l’-s est un son de transition destiné à éviter l’hiatus. En fait, celui-ci ne semble pas avoir gêné les troubadours. V. une autre explication supra, chanson V, note au v. 49.
 
vv. 6-7. F. J. Oroz A. note qu’on entend en ces vers l’écho de Nox praecessit, dies autem appropinquavit, Rom. 13, 12, que précède justement le verset : quia hora est iam nos de somno surgere, La Lír. relig., 163.
 
v. 12. CRf : jorn. Dans le refrain, le mot jorn, sujet masc. sing., reçoit l’-s de flexion au v. 27 dans C et aux vv. 27 et 42 dans f, mais l’-s manque ici dans les trois mss, au v. 42 dans C, au v. 57 dans Cf. Cette absence paraît résulter d’une erreur de copiste plutôt que d’une faute du poète due au délabrement de la déclinaison à son époque.
 
v. 13. C indique ici clar temps, mais il porte bien clar cel au retour du refrain.
 
v. 16. C : nasquetz, Rf : nasques. Comme le montre l’emploi du pronom personnel vos, au v. 22, et du possessif vostra, au v. 24, ce verbe est bien à la 2º personne du pluriel. L’évolution de -tz en -s à la finale n’a rien de surprenant ; ainsi tous les mss s’accordent pour lire fos au v. 19. Si Appel donne bien fotz comme 2º personne du pluriel au prétérit, il signale fos dans la liste des variantes (3, 544 ; 64, 44 ; 82, 49), Chrest., xl.
 
v. 19. Les trois copistes font précéder ici le mot “diable” d’un article, alors que le même terme en est dépourvu au v. 41, sans correction possible.
 
v. 20. Il ne manque pas de textes analogues. Outre la Plainte de Marie citée supra à la chanson VIII, note aux vers 19-20, on peut rapprocher, chez Bernart de Venzac : Et en la crotz fon levatz atretal/ E clavellatz e coronatz d’espia, VI, vv. 31-32, dans F. J. Oroz A., op. cit., 92.
 
v. 23 : onratz. On voit mal pourquoi le peuple des chrétiens serait qualifié d’‘honorable’, pour nous en tenir au sens ordinaire de ce participe passé. Les traductions ‘loyal’ (P. Bec), ‘bon’ (A. Berry), ‘digne’ (R. Nelli-R. Lavaud), sans parler d’‘abandonné’ (G. Ribemont-Dessaignes), ne paraissent pas satisfaisantes. Les vers 16-20 détaillent les bienfaits dont Dieu a comblé les hommes par le sacrifice de Jésus, et onor, en oc et en oïl, est souvent le bien qu’on vous accorde (le sens spécialisé de ‘fief’ est courant). Onorer signifie en afr. ‘gratifier’, onors, en occitan, peut désigner les ‘biens’, Levy, S. W. V, 490a et P. D. 268a. Sans préciser autant que R. Lafont, qui explique : “ce peuple (humain) qui a reçu le don (de la Rédemption)”, op. cit., 241, nous proposons de comprendre onratz comme ‘objet de vos dons’ et onor, au v. 35, comme ‘don’. Cf. IX, v. 56.
 
vv. 34-36. Cf : laus vos ren e(t) merce(s) del be(s) que·m (·n) faitz ancse, R : laus vos rent e merce e del be q(ue) m’avetz fag ancse. P. Meyer, loc. cit., a suivi les copiste de Cf et pensé que le v. 36 manquait aux trois mss. Par la suite, V. Crescini comprit que, si l’on suivait R, il ne manquait que les trois premières syllabes du v. 35. Dans son article, 335, Zenker a proposé d’écrire : del amor e del be, conjecture repoussée par Ortiz, qui préférait : e del mal e del be, “Noterelle provenzali”, ZrP 49, 1929, 556-563. F. J. Oroz A. discute avec beaucoup de soin ces hypothèses avant d’indiquer qu’un couple formé d’onor et de be se lit assez souvent chez les troubadours ; on le trouve même chez Falquet, VIII, v. 28. Il présente enfin un argument décisif en citant l’aube religieuse de Guilhem d’Autpol, Esperanza de totz ferms esperans : Poderos Dieus, verays e merceyans,/ Merce m’aiatz, qu’ieu vos azor e·us cre/ E·us ren lauzor de l’honor e del be/ Que m’avetz fag temps, iors e mes et ans, La Lír. relig., 167-168. L’indéniable parallélisme de ce texte avec les vers de Falquet nous convainc d’accepter la restitution : de l’onor e del be.
 
v. 38. CRf : gran pietat (-tz C). En langue d’oïl, le “sujet réel”, voire le simple sujet postposé, se rencontrent au cas régime ; v. l’étude de G. Moignet, Mélanges P. Gardette, Strasbourg 1966, 349. La future perte de la déclinaison à deux cas s’annonce de même en langue d’oc, come le montre C. Appel dans ses Prov. Ined., xvi-xvii. On peut donc penser que Rf ont conservé la bonne leçon, et partiellement C. Ce dernier a tendance à régulariser les tours et les formes. Il aura corrigé le nom, oubliant d’en faire autant pour l’adjectif.
 
v. 48. C’est, à notre sens, avec raison que F. J. Oroz A., op. cit., 169, reproche à Stroński d’avoir édité e·l vostra pietatz que·m gueris que·m defenda, version moins fluide et moins logique que celle de C, que nous suivons. En fait, remarque le savant espagnol, il n’y a entre les leçons de Rf, g(u)eris que·m, et celle de C, guerisc em, qu’une différence de coupure, comme le montre bien le v. 47, où le copiste de R a écrit: els complis q(ue)ls entenda, ce qui ne saurait se comprendre que sous la forme : e·ls complisqu’e·ls entenda. Dans notre vers figurent donc bien deux subjonctifs coordonnés.
 
v. 56 : esmenda. La plupart des traducteurs comprennent ‘pardon’, mais cela convient-il ? Raynouard indique ‘réparation, satisfaction, correction’ avec un exemple de Peirol : Dels sieus tortz farai esmenda, “Des siens torts je ferai réparation”, L. r. IV, 192b, 2. Levy relève, entre autres, le sens de ‘dédommagement, compensation, salaire’ (“Entschädigung, Vergütung, Lohn”), avec sept exemples sûrs, S. W. II, 366b-367a. V. encore Appel, Chrest., 250a ; E. B. Lommatzsch, Leben und Lieder der Provenzalischen Troubadours, Berlin 1957-1959, I, 103b, II, 108a ; FEW III, 317b. La réparation ne peut venir que du coupable : ce que Falquet demande à Dieu, c’est donc de lui accorder la grâce et de lui donner la force et l’occasion de réparer ses torts.
 
v. 61. Dans son glossaire, Stroński note “dar (son cors) a venda XXVIII, 61, exposer à la vente (all. à Judas)”, éd. cit., 269a. On rencontre la même allusion chez Raimbaut de Vaqueiras : Dieus si laisset vendre per nos salvar, [...] E·n fon batutz e liatz al pilar,/ E·n fon levatz el trau q’er’en la faigna/ E correjatz de correjas ab noz/ E coronatz d’espinas en la crotz, XIX, vv. 34-40, éd. J. Linskill, 218.
 
vv. 61-67. Comme l’indique Stroński, il ne s’agit pas ici d’une strophe inachevée, mais d’une tornada, conforme à la structure en coblas doblas de l’aube. Pour d’autres exemples de tornadas qui reprennent les premiers vers de la strophe, et non, comme d’ordinaire, les derniers ce qui n’aurait guère de sens dans une poésie à refrain, v. Bertran de Born, XX, note aux vv. 43-49, éd. G. Gouiran, 404.
 
v. 62 : per ... a indiquant le but est attesté dans la Vie de sainte Douceline : per plus fort a prohar li plantavan alenas e la poinnhian, dans Appel, Chrest., 119, 118.
 
v. 67. Selon Lowinsky, cité par F. J. Oroz A., op cit., 171. ce serait le Psaume 104, 2 qui aurait inspiré à Falquet l’idée de tenda : Extendens caelum sicut pellem.

 

 

 

 

 

 

 

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