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Mouzat, Jean. Les poèmes de Gaucelm Faidit. Troubadour du XIIe Siècle. Paris: A. G. Nizet, 1965

167,060- Gaucelm Faidit

 

III
POEMES DE PROVENCE

A) GROUPE DE LINHAURE

Le personnage principal autour duquel se groupent les poèmes ayant trait à la Provence est N’Agout, c’est-à-dire Raimon d’Agout, seigneur de Saut et d’Apt, au nord de la Durance, dans le Marquisat de Provence. Cet important baron, attesté entre 1172 et 1204 environ, fut non seulement le protecteur de Gaucelm le plus souvent nommé dans ses poèmes, mais encore la figure centrale du groupe de seigneurs amateurs de poésie courtoise, probablement voisins et amis, que notre troubadour appelle dans Si tot noncas… : En Agout e sa connoissenssa.
Nous y trouvons aussi, d’abord, deux autres personnages que nous ne connaissons que par leurs senhals : Plus Avinens, nommé six fois en tout, et Santongier, nomme quatre fois. Ces deux senhals gardent bien leur secret. Même Santongier, malgré sa ressemblance avec Santonges et Santonge, semble n’avoir aucun rapport avec la Saintonge. La Razo E prétend bien que ce surnom désignait un Peire de Malamort, mais aucun indice interne ne permet de vérifier s’il appartiendrait aux Malamort du Limousin ou s’il se rattachait à l’un des Malamort de Provence.
Agout, lui, est nommé dans douze poèmes en tout.
Le groupe réuni ici est formé des huit poèmes où est nommé Linhaure, dont cinq fois auprès d’Agout. Nous avons déjà exposé les raisons qui nous amènent à croire que Linhaure, chez Gaucelm Faidit, désigne le même personnage que chez Giraut de Borneilh, c’est-à-dire Raimbaut III, seigneur d’Orange et de Courthezon, et troubadour célèbre. C’est pourquoi on trouvera, après les pièces mentionnant Linhaure, le partimen de Gaucelm avec En Raimbaut où nous croyons reconnaître le seigneur d’Orange.

N. Bartsch
167, mentionne

  mentionne
PER L’ESGAR Agout, Linhaure
TOT MI CUIDEI DE CHANSSOS Agout, Linhaure
PEL JOI DEL TEMPS QU’ES FLORITZ Agout, Linhaure
MAINTAS SAZOS ES HOM PLUS VOLUNTOS Linhaure
AB COSSIRIER PLAING Agout, Linhaure
UNA DOLORS ESFORCIVA Linhaure
SI TOT M’AI TARZAT MON CHAN Linhaure
MON COR E MI E MAS BONAS CHANSOS Agout, Linhaure
ARA-M DIGATZ, GAUCELM FAIDIT En Raïmbaut

 

11. TOT MI CUIDEI DE CHANSSOS FAR SOFRIR

 

GENRE

Chanso.

 

SCHÉMA MÉTRIQUE

a b a b c d d e e (str. impaires)
10 10' 10 10' 10 10' 10' 10 10  
e d e d c b b a   (str. impaires)
tornada I b a a tornada II a a
VII(1) et VII(2) 10' 10 10 VIII 10 10

6 strophes, coblas capcaudadas alternées de 9 vers.

tornadas VII, deux versions, et VIII, de 3 et 2 vers.

Rimes a = ir et os ; b = aja et ansa ; c = en ; d = ansa et aja ; e = os et ir.

Istvàn Frank R.M.P.T, I, p. 86, n. 428–2. Ne mentionne que 5 strophes ; et pas de tornada, d’après l’édition de Raynouard. N’indique pas que la pièce présente des strophes alternées, mais indique qu’elles sont capcaudadas.

 

Notes sur la structure métrique et l’ordre des strophes.

Pour son édition du Lexique Roman, Raynouard utilisait le chansonnier C et les manuscrits de son groupe ; aussi a-t-il donne l’ordre des strophes de CDEGLNOPQSf. Il ne connaissait, d’après ses Mss, que cinq strophes, rangées dans l’ordre où doivent se trouver des coblas capcaudadas : I Tot me cugiei, II Ves ma domna soplei, III En amor son fermat, IV Nuls hom no pot, V Ja ma domna non cuig — c’est-à-dire l’ordre donne par C.

Pourtant, le chansonnier V donne en 2e position, une autre strophe, Tant es bella ; et les quatre premiers vers de cette cobla se retrouvent dans R en quatrième position. Cette strophe nous paraît être authentique. Outre que le fonds s’accorde parfaitement au reste de la pièce, elle fait de celle-ci une chanso (ou vers) (1) composée de coblas alternées, qui restent capcaudadas. L’ordre des strophes nous paraît devoir être : I Tot mi cuidei, II Vas ma dompna soplei, III Ja ma domna no-s cuich, IV Tant es bela, V En amor son fermat, VI Nuills hom no pot… (2). C’est l’ordre que nous trouvons dans R, qui malheureusement a fondu ensemble IV et V, car il donne les quatre premiers vers de Tant es bela et les cinq derniers de En amor son fermat dans sa strophe IV. Il faut noter que R donne exceptionnellement une bonne tradition, qui se rapproche de celles de E et de V, ainsi que de et que, par exception aussi, A est loin d’être le meilleur Ms. Celui-ci, en fait, n’a que cinq strophes et aucune tornada, et de plus sa strophe IV Ges ses amor n’est qu’une version à peine différente de sa strophe VI, Nuills hom non pot. Cependant, par souci d’uniformité, nous avons pris de nombreuses leçons de A, comme pour les autres pièces ; et nous avons choisi pour base la graphie de A.

L’ordre de R, que nous adoptons, offre un déroulement logique et cohérent du fond. Après la strophe d’introduction, les trois strophes Vas ma domnaJa ma domnaTant es bela sont consacrées à la louange de l’inspiratrice. La cinquième renouvelle l’hommage du poète comblé, et la dernière insiste sur la valeur améliorante de l’amour en général. Cette succession, qui va du particulier au général, est satisfaisante pour le fond et plus encore pour la forme : avec elle, nous avons bien un nombre pair de 6 strophes alternées capcaudadas.

 

COMMENTAlRE

Cette pièce paraît bien avoir eu plusieurs « éditions », selon le terme employé par A. Jeanroy (3). Elle a quatre destinataires. D’abord, Plus Avinen, à la louange de qui toute la première strophe est consacrée. Dans les tornadas, nous trouvons SantongierLinhaure et Agout. Il nous paraît qu’une première version de VII, tout en se reférant à Linhaure, envoie la chanso gaia à Santongier.

La seconde version de VII est adressée directement à Linhaure. Enfin VIII est un distique à la louange d’Agout. Cette chanso gaia, qui est aussi appelée vers, est donc au premier chef une pièce de Provence, où apparaissent Agout et trois de ses connaissances.

Tot mi cuidei…, conservé par 18 chansonniers, cité deux fois, est un poème des plus importants. Le décasyllabe lui donne de l’ampleur, il a l’envergure et le poids des grands poèmes de Gaucelm.

La strophe VI en particulier expose avec netteté le pouvoir d’amélioration morale et sociale qu’on reconnaissait à l’Amour dans la société courtoise. Matfre Ermengaut, pour répondre aux ennemis de cet amour courtois, qu’il appelle les « mals diszens », n’a pas trouvé meilleure répartie que cette strophe : Nuls hom non pot ses amor far que pros, etc … (4).

Selon Gaucelm, toutes les vertus chevaleresques dérivent de l’amour et de sa joie : le goût des armes et des chevaux, celui des belles réceptions et de la générosité, le désir de servir. Gaucelm apparaît ici comme l’un des meilleurs théoriciens de la courtoisie dérivant de l’amour. Il s’agit bien, il faut le noter, d’un amour réel et charnel (5).

Cette pièce doit être rapprochée de Tuit cil qe amon valor où ces conceptions sont vigoureusement exposées, et que pour cela A. Jeanroy, malgré son mépris pour Gaucelm, a jugé bon de citer (6).

Elle doit être rapprochée également de Be-m cuidei de chantar sofrir de Bernart de Ventadorn. Les ressemblances sont très nettes dans les rimes et les deux premières strophes (7).

 

1) Cf. V. 57. ()

2) L’ordre I II V IV III VI est également possible, mais n’est attesté par aucun manuscrit. ()

3) Jeanroy, P.L.T. II, p. 94, note 1 ; et cf. Appel, B. von Ventadorn, p. CXVIII. ()

4Breviari, v. 27864, etc … ()

5) Str. IV, vers 36. ()

6) A. Jeanroy, P.L.T. II, p, 99.()

7) Appel, B. von Ventadorn, p. 76 (70, 13). ()

 

 

 

 

 

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