1. leu chansoneta = une chanson légère, gracieuse, Il serait exagéré de voir là une sorte de profession de foi poétique & un dessein de Montanhagol d'opposer une poésie facile & claire au trobar clus ou de maestria pratiqué par quelques-uns de ses contemporains.
er a far. — L'idée du futur étant déjà marquée par a far, & ce futur étant déjà dans le présent puisque le poète est en train d'écrire la chanson qu'il doit faire, ne pourrait-on pas considérer er comme une faute de l'original commun au lieu de es? Les manuscrits confondent très fréquemment er & es. Cf. en particulier les variantes de XIII, 3.
Sur la construction esser a & l'infinitif, cf. Diez, Grammaire, trad. franç., III, 218. Elle sert a exprimer qu'une chose doit arriver ou doit être faite. C'est, en quelque sorte, le passif de l'expression, très fréquente aussi, aver a & l'infinitif.
2. Ceci encore est un trait traditionnel: le poète n'avait pas le cœur à chanter, mais sa dame le lui demande & il obéit. Cf. P. Raimon, No posc sofrir d'una leu chanso faire; Gaucelm Faidit, Sitot m'ai tarzat mon chan, &c.
3. estiers signifie en général autrement, mais a ici un sens légèrement différent: du reste, pour d'autres raisons. Cf. Crescini, Manualetto, au Glossaire.
4. C'est la même idée déjà exprimée par le poète au début de la pièce V.
5. avar est ici encore tout à fait synonyme de « malvat », l'épithète en quelque sorte traditionnelle pour caractériser la perversité des ricx. Cf. la note à V, 14.
7. Qu'ieu n'ai pro. — On attendrait plutôt, au lieu de ce présent, un conditionnel en corrélation avec le plazia de la proposition exprimant la condition. Mais de pareilles irrégularités sont fréquentes dans la construction des phrases conditionnelles. Cf. Stimming, Bertran de Born, p. 235, & Appel, Provenzalische Inedita, XXIV. — Nous avons un exemple du même fait en un autre endroit de notre poète ( IX, 37).
12. E. Levy (Provenz. Supplem. Woerterbuch, I, 226) cite ce passage de Montanhagol pour attester le sens du verbe se castiar de alcuna re: « se corriger de, renoncer a », qui est inconnu à Raynouard. (Lex. Rom., II, 354.)
13. Sur la construction pensar de, cf. la note à V, 3.
14. Diez (Grammaire, trad. franç., III, 118) ne cite pas d'exemple pour le provençal de cet emploi de prendre intransitif avec le datif de la personne pour exprimer une émotion ou un état physique, mais c'est un emploi très fréquent, surtout avec un pronom personnel comme régime. Cf. de Lollis, Sordello di Goïto, p. 261.
Sur la construction faire a & l'infinitif analogue à celle de l'expression synonyme esser a, cf. Diez, Grammaire, trad. franç., III, 219; Stimming, Bertran de Born, 289, & la note au vers 1 de cette même pièce. Elle marque, elle aussi, l'obligation pour une chose ou pour une personne d'être faite ou d'être traitée de telle ou telle manière.
16. D'aysso... quar = d'aysso... que. Sur les fréquents échanges de quar & de que, cf. V, 9, & la note.
17. Ailleurs encore, le poète revient sur cette idée & reproche aux dames les difficultés & l'indifférence qu'elles opposent aux amants courtois. Cf. II, 19 sq.; VII, 25 sq., 33 sq.; IX; 1 sq.
19. On pourrait songer à voir dans car un cas pluriel & admettre qu'au lieu d'être à l'accusatif comme se, l'attribut est, par analogie, construit avec se tener comme il le serait avec esser. Les exemples d'une pareille construction sont fréquents en provençal. (Cf. Diez, Grammaire, trad. franç., III, 89, & Stimming, Bertran de Born, 256.) Mais, en réalité, si on rapproche l'expression se tener car d'autres locutions comme tener en car ( VII, 40) ou tener vil, tener car, dans lesquelles l'adjectif reste invariable, même quand le substantif est au féminin, on voit que l'adjectif y est employé en quelque sorte au neutre & a la valeur d'un véritable adverbe. Cf. Stimming, Bertran de Born, 242.
22. D'els = d'eux tous, des seigneurs & des dames que le poète vient de blâmer.
23. en comme y désignent le plus souvent des choses ou une proposition, mais souvent aussi, en ancien provençal comme en ancien français, ils ont pour antécédents des noms de personnes. Cf. Diez, Grammaire, trad. franç., III, 49-50.
27. Sur la valeur de car dans l'expression aver car, cf. la note au vers 19.
30. Al valen rey... d'Arago. — Sur ces séparations de régimes, fréquentes en provençal, cf. IV, 46, & la note. — Ce roi, c'est Jacques I, auprès de qui le poète semble avoir vécu quelque temps & dont il a souvent imploré le secours contre les Français. Cf. III, 33 sq.; V, 15, sq., 22 sq. — Le pronom y, comme souvent en provençal, est construit par pléonasme avec al valen rey (cf. Diez, Grammaire, trad. franç., III, 43, & Stimming, Bertran de Born, 238) & il sert à désigner une personne. Cf. la note au vers 23 & les exemples recueillis par Stimming, Bertran de Born, 245.
31. regnar signifie primitivement régner, puis se conduire, agir. (Cf. II, 20.) Ce qui suit nous indique bien que c'est ce second sens que le mot a ici; mais le poète a bien l'intention de jouer sur les mots reys & regnar, qu'il rapproche à dessein. Nous avons vu ailleurs de pareilles recherches. Cf. V, 22.
32. cambia est ici trisyllabique, comme le montre la rime. Le provençal a eu, en effet, la forme dissyllabique camiar, camjar, qui est la plus fréquente & aussi la forme trisyllabique cambïar. Raynouard (Lex. Rom., II, 298) ne donne qu'un exemple de cette dernière; mais E. Levy (Provenz. Supplem. Woerterbuch, I, 191) en relève un certain nombre dont plusieurs sont, comme celui-ci, attestés par la rime.
Les deux compléments vas Dieu, vas pretz, ne sont pas reliés par la conjonction e. Appel (Provenz. Inedita, XXX) donne plusieurs exemples d'une pareille omission.
34. d'aitan, non pas au sens extensif: tellement, mais ici encore au sens restrictif: en ceci seulement, précisément... que. Cf. sur ce sens du mot, I, 10.
36. C'est la même Esclarmonde a laquelle le poète a adressé les pièces V, VII, IX; mais ici pas plus qu'ailleurs nous ne voyons qui elle était. Cf. la note a V, 40.
37. On pourrait considérer ses par comme une seconde épithète servant à modifier beutat: le vers suivant nous montre les différentes épithètes d'un substantif pouvant se succéder sans être reliées par la conjonction et. Mais il nous paraît préférable d'entendre qu'es ses par de fina beutat: « elle est sans égale sous le rapport de la parfaite beauté », le français & le provençal connaissant ce sens & cet emploi de de. Cf, Diez, Grammaire, trad. franç., III, 153.
38. Sur l'omission de la conjonction e entre les deux épithètes, cf. la note au vers 32.
39. Sur cette construction de qui = si quis, cf. I, 16, & la note.
40. Ailleurs encore ( VII, 49; IX, 41), le poète jouera sur le nom de sa dame & reproduira, sans craindre de se répéter, cette fantaisie étymologique. |