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Coulet, Jules. Le troubadour Guilhem Montanhagol. Toulouse: Imprimerie et Librairie Édouard Privat, 1898.

225,008- Guilhem de Montanhagol

1. Sur cet emploi de per... que servant à former une proposition concessive & en particulier sur son emploi avec un substantif, cf. V, 1 & la note.
 
3. Le texte du manuscrit n'offre aucun sens. Nous avons essayé de le corriger sans réussir toutefois à pouvoir nous expliquer paléographiquement le changement de ez en em; au contraire, le scribe de U a pu lire as pour ab si l'on admet que l’s a souvent été figurée par un signe assez voisin de l’f & du b. Nous avons ailleurs un autre exemple d'une pareille confusion. (Cf. IX, 3, le manuscrit R donnant son servidor au lieu de bon servidor.) Dans iai & iaia, il est tout naturel de reconnaître jai & jaia, formes qui existent concurremment avec gai, gaia, guay. guaya. Enfin, le sens obtenu est très satisfaisant, & le changement de construction s'explique aisément, estar pouvant se construire soit avec que & le subjonctif, soit avec de & l'infinitif.
 
5. On pourrait entendre le nos du manuscrit comme représentant no vos = nous = nos, & corriger le nos du vers suivant en vos, ce qui serait possible étant donné la difficulté qu'il y a souvent dans les manuscrits à distinguer l’n de l'a. On entendrait alors vos au sens indéfini qu'il a parfois: vous & moi, les hommes en général, on. Mais l'on peut admettre que ce nos s'est glissé dans le vers sous l'influence du nos qui est au vers suivant & qu'il tient la place de no·ns = no nos, à moins que nos ne représente la réduction de nons = no nos. Le même vers nous présente une réduction au moins aussi forte puisque cals représente can·ls.
 
8. Raynouard (Lex. Rom., II, 362), au mot cauzir, ne cite pas la forme se cauzir, dont le sens ici, comme XI, 2, est très évidemment se garder de, éviter. Il ne donne ce sens que pour le verbe escauzir, à propos duquel il cite cet unique exemple de Guiraud de Bornelh:
 
E que s penes e mains essais
Cum li cregues pretz e valors
E qu'escauzis de mescabar.
 
Mais il est évident que ce derniers vers doit être corrigé & qu'il faut lire: e que.s cauzis de mescabar.
 
9. mercean: en disant merci, par suite: avec reconnaissance, avec bonheur. — L'imparfait jauzia est surprenant après le présent de la proposition précédente. C'est une incohérence comme en présente souvent chez les troubadours la syntaxe des temps & des modes. Remarquons encore que le verbe est a la rime, ce qui peut-être a pu influer sur le choix du temps. Toutefois, le sens de l'imparfait nous paraît pouvoir s'accommoder avec celui du présent. Il marque, en effet, l'habitude: s'il ne prenait pas plaisir auparavant, &, par suite, s'il n'a pas l'habitude de, s'il ne prend pas plaisir.
 
10. La leçon du manuscrit temai que vegna fi n'offre aucun sens & une correction s'impose. Celle que nous proposons, tem ar, peut se justifier paléographiquement, i & r pouvant facilement être pris l'un pour l'autre. Peut-être pourrait-on lire aussi temi? Enfin, ne pourrait-on pas lire tema ai & supposer l'existence d'un substantif tema, crainte. Le mot, il est vrai, n'est ni dans Raynouard ni dans les lexiques de Bartsch, Crescini & Appel. Mais Rochegude paraît l'avoir connu: le Glossaire occitanien, au mot tema, traduit qu'il craigne & crainte. Faut-il admettre que le mot a existé en provençal comme en italien?
Cette tournure interrogative sabetz per que est très usitée par les troubadours comme procédé de développement. La réponse est d'ordinaire introduite par quar:
 
Sabetz per que·m dey alegrar
Plazens dona? Quar m'aus pessar
Qu'enquer per vos poiri'esser amatz.
(P. Bremon Ricas Novas, in Crescini, Manualetto, 38, 25.)
 
Qu'ieu non ay l'ardit quelh retraya
Cum l'am de fin'amor veraya:
Sabetz per que? Quar paor ai.
(Sordel, Per re nom puesc.)
 
Ma bella dompna, de vos soi enveios
Sabetz per que? car es valens e pros.
(Folquet de Romans, Ma bella domna.)
 
11. tot ben estar. — La forme du cas régime au lieu de celle du cas sujet, sans doute sous l'influence de la rime. Cf. un exemple du cas inverse IV, 19, & la note.
 
12. mercear, intransitif, au sens de crier merci à quelqu'un, l'implorer, n'est pas cité par Raynouard (Lex. rom., IV, 209), mais est en registré par Appel (Provenz. Chrestom., au Glossaire). Sa construction avec le datif s'explique par l'analogie des verbes qui signifient prier, demander, &c., & en particulier, comme l'on disait clamar merce ad alcu, on a dû dire de même mercear ad alcu. Cf. Diez, Grammaire, trad. franç., III, 121. — ·lh = li = à Amor, la première des vertus énumérées plus haut & celle qui les résume toutes.
 
13. Sur l'expression li plus, los plus = la plupart, cf. Diez, Grammaire, trad. franç., III, 138. — los plus est construit par prolepse, & de sujet de la proposition secondaire devient complément de la principale.
 
14. ·n = en = de lui, de l'amour personnifié. Sur cet emploi de en désignant non une chose, mais une personne. Cf. la note a VI, 23.
 
17. prec auzir nous semble corriger assez bien la leçon évidemment fautive pretz aver. Si le manuscrit avait donné, au lieu de auzir, la forme secondaire auvir, on s'expliquerait d'autant mieux que l'on ait pu par erreur lire auer. Nous n'avons pas cru cependant devoir la rétablir dans le texte, car si cette forme est attestée, tous les exemples que l'on en a sont d'origine limousine. Cf. Levy, Prov. Suppl. Woerterb., I, 107.
 
19. Sur la construction proleptique mas d'amor, cf. I, 20, & la note.
Sur l'expression esser a suivie de l'infinitif, cf. VI, 1, & la note.
 
21. Nous corrigeons sap du manuscrit en saup, quoique Appel semble admettre l'existence d'une forme sap, 3ª pers. sing. de l'indic. parfait. Cf. Appel, Provenz. Chrestomathie, XXXIV.
Com al savi fo, le complément a far est sous-entendu.
 
22. Peire Cardenal avait fait une nouvelle de l'histoire de cette pluie merveilleuse:
 
Une ciutatz fo no sai cals,
On cazet una ploja tals
Que tuit home de la ciutat
Que toquet toron forsenat;
Tug dessenero mas sol us;
Aquel en escapet ses plus
Que era dins una maizo
E dormia quant aisso fo.
 
Mais il paraît bien que Peire Cardenal ne l'avait pas inventée. Nous sommes sans doute en présence d'une légende très ancienne qui a dû se modifier avec les temps & les pays. M. Roque-Ferrier (Compte rendu des Sociétés savantes, in Journal officiel du 30 mars 1894) la retrouve dans une homélie de saint Jean Chrysostome & la croit d'origine syriaque. En tout cas, la version de Montanhagol diffère de celle de Peire Cardenal. Celui-ci nous montrait le sage sortant de sa maison, tombant au milieu des fous & s'étonnant de voir leurs actions que le poète énumère longuement. Puis les fous, le jugeant insensé, le battaient tellement qu'il était, à la fin, obligé de se réfugier dans sa maison. « Cette fable, disait P. Cardenal, est celle du monde; elle est l'image de ce siècle, où la déraison est si générale que la sagesse passe pour folie. » Chez Montanhagol, au contraire, le sage, obligé de vivre avec les fous, devient fou à son tour. Doit-on lui faire honneur de l'invention de ce dénouement, qui, en renouvelant l'ancienne légende, lui donne une portée & un sens tout différents?
 
23. Peire Cardenal dit de même:
 
A cascun de lor es vejuire
Que ilh son savi e senat;
Mas lui tenon per dessenat.
 
25. l'aiga ad enfollir = l'eau qui rendait fou. Diez (Grammaire, trad. franç., III, 221) ne cite pas d'exemple de cette construction pour le provençal, mais elle s'explique facilement & a dû exister en provençal comme en français, où elle subsiste de nos jours encore. Diez cite, en effet, des locutions comme: une affaire à perdre quelqu'un, un sourire à rendre amoureux; mais on pourrait en citer beaucoup d'autres encore.
 
26. Sur ce sens affaibli du verbe corre, ici presque synonyme de esser, cf. VII, 41.
que mals es a falhir = qu'il faut que le mal disparaisse. Sur la construction esser a & l'infinitif, cf. VI, 1, & la note.
 
27. La même idée se retrouve presque dans les mêmes termes au début d'un sirventes de Peire Vidal:
 
Per pauc de chantar no.m lais
Quar vei mort joven e valor
E pretz, que non trob'on s'apais
Qu'usquecs l'empenh e·l geta por.
 
Pour le mot gandia, Raynouard (Lex. Rom., III, 422) donne les sens de tromperie, détour, délai, retard, mais l'exemple qu'il donne & qu'il traduit par tromperie
 
A son coral amia
Non deu hom far guandia.
(G. Adhémur, El temps d'estiu.)
 
n'est pas attesté puisque Rochegude (Parnasse occitanien, p. 258), en reproduisant la pièce, donne non pas guandia, mais guanchia, qui se rattache au verbe guenchir. (Lex. Rom., III, 516.) En réalité, notre mot gandia est une forme secondaire de gandia, substantif verbal de gandir = sauver, préserver, & Raynouard traduit avec raison gandida par garantie, refuge, sécurité. On a dû dire gandia & gandida, comme l'on disait guida & guia, au surplus, l'influence de la rime expliquerait que l'on ait employé gandia au lieu de la forme plus commune gandida.
 
29. lo sen = l'esprit, &, par suite: les esprits. Le poète reprend sous une autre forme l'idée exprimée dans la première strophe. Il chante pour réjouir les autres, pour égayer les esprits, la tristesse du temps.
 
30. ad ops d'amar, mot à mot: pour les besoins d'aimer, &, par suite: en ce qui concerne, pour, &c, locution du vocabulaire de la poésie courtoise:
 
Quanc no vi cors mielhs talhatz ni depens
Ad ops d'amar sia tan greus ni lens.
(B. de Ventadour, Quant l'erba fresca.)
 
Volc aver un pros cavayers
Adregs e francx, pros et entiers
Ad obs d'amar e cabalos.
(Crescini, Manualetto, 29, 102.)
 
31. Le vers tel que nous le donne le manuscrit étant trop court d'une syllabe, nous rétablissons y avant falhi; les deux mots vont souvent ensemble:
 
Bos es lo vers sieu no y falhi
Ni tot so que y es ben esta.
(Jaufre Rudel, No sap chantar.)
 
Tot eissamen hai ieu estat achs
E fins e francs vas amor, so·us afi
En tot quant puec, qez anc non y failhi
Anz totas ves outra poder m'enmis.
(Bernart de Bondeills, Tot aissim pren.)
 
Si y semble faire pléonasme avec vas lei, on pourrait, à la rigueur, dire qu'il représente ad ops d'amar; mais nous avons déjà eu l'occasion de constater que y comme en sont souvent, en provençal, employés par pléonasme. De même en ancien français, en particulier dans certaines locutions fréquentes comme: Ne lui y serai en aïude, qui se trouve déja dans les Serments. Nous avons déjà remarqué l'emploi de y pour désigner non des choses, mais des personnes: ici, l'amour personnifié. Cf. VI, 23, & la note.
anc jorn... no = jamais, locution adverbiale dans laquelle jorn a perdu toute sa valeur de substantif & ne fait que renforcer anc.
 
33. loc, dans la langue courtoise, sert à désigner la personne aimée. (Cf. de même v. 48.) Sur l'emploi de cette métaphore, cf. Stoessel, Bilder und Vergleiche der altprovenz. Lyrik, p. 26.
 
34. albirar, comme souvent son synonyme pensar, est construit ici avec le pronom se, auquel Diez attribue la valeur d'un datif « commodi ». Cf. Grammaire, trad. franç., III, 176.
 
37. Nous avons ici, sous la forme d'une comparaison, les traits essentiels de la fable « Le Cerf se mirant dans l'eau », que le Moyen-Age avait reçue de l'antiquité. On pourra, pour se faire une idée du mérite, au moins relatif, de Montanhagol, comparer la même fable traitée par Marie de France (édit. Roquefort, II, 169).
 
38. Dans le rapprochement des mots bans & bandejar, il y a une intention de pittoresque dont il faut tenir compte à notre auteur. (Cf. Introduction, L'œuvre de Montanhagol.) Que l'on compare, en effet, la manière sèche & froide de Marie de France:
 
Ensi avint c'uns cers beveit
A une aive, car seif aveit.
Garda dedenz, ses cornes vit.
Dunc a sei meisme aveit dit
Que nule beste nel valeit
Ne si beles cornes n'aveit.
 
39. Sur cette expression se dar = éprouver, ressentir, concevoir, cf. VII, 33, &. la note.
 
40. Dans la fable de Marie de France, le cerf se borne à admirer ses bois qui, plus tard, seront cause de sa mort. Il n'est pas question de ses jambes ni des services qu'elles ont pu lui rendre. Marie de France avait-elle, comme souvent ailleurs, dénaturé les données de la tradition? Ou ne connaissait-elle que cette forme rudimentaire de la fable, différente de celle que nous trouvons chez Montanhagol &, après lui, chez La Fontaine?
 
41. delgat ayant les deux sens de délicat, gracieux, & aussi de trop délicat, faible, frêle, on peut se demander si le mot se rapporte à l'élégance des bois ou à l'extrême maigreur des jambes. Mais le premier sens nous paraît mieux convenir à la suite des idées.
 
42. los corns, los pes. — Ce qui nous prouve que, au moins à l'époque où a été écrit le manuscrit, la forme du cas régime pluriel est devenue commune au cas sujet. Elle est la forme du pluriel sans distinction de cas.
 
43. Tro = tro que. Sur cette forme abrégée de la conjonction, cf. VII, 7, & la note.
 
44. Qu' = que, vu que nous ramène à la comparaison annoncée par le vers 37 & que le développement de l'apologue avait pu faire oublier. Les mêmes scrupules, les mêmes craintes, sont encore exprimés ailleurs. Cf. IX, 36.
 
45. Man, mant, synonyme de molt, a dû être, en provençal, employé de la même façon que lui. Il se construisait non seulement comme adjectif & en accord avec le substantif, mais encore il était employé comme invariable & accompagné de de. Diez (Grammaire, trad. franç., III, 83, 136) ne cite pas pour le provençal d'exemple de cette dernière construction; mais comme l'on disait molt de, on devait tout naturellement dire man de. Ce qu'il y a de curieux dans l'exemple de Montanhagol, c'est qu'il nous présente une sorte de combinaison des deux constructions: mans est la forme accusative pluriel de l'adjectif & cependant il est construit, comme le neutre man, avec de plazers. Appel relève un autre exemple de cette étrange construction: en mantas de manieras. Cf. Provenz. Chrestomathie, au Glossaire.
Cette indifférence du poète à l'égard de toutes celles qui ne sont pas sa dame est encore un lieu commun de la poésie courtoise. Cf. les exemples qu'en cite de Lollis, Sordello di Goïto, p. 280.
 
47. s'abandonar = perdre courage, désespérer. Sens assez particulier dont E. Levy (Provenz. Supplem. Woerterbuch, I, 2) donne un autre exemple.
 
48. loc conoyssent. — Le régime, ici encore, est séparé de son verbe tri par une proposition tout entière. (Cf. IV, 46, & la note). — Sur le sens particulier du mot loc, cf. la note au vers 33.
 
49. Sur cette idée qu'il importe d'aimer seulement qui mérite de l'être, cf. encore VII, 45, & la note.
 
51. Sur l'expression flors de beutat, cf. VII, 20, & la note.
 
52. Ici encore, deux compléments sont juxtaposés sans être réunis par la conjonction et. La construction régulière serait évidemment: flors de beutat ede totz los bes, &c. Sur une pareille omission de la conjonction, cf. VI, 32, & la note.
 
53. Sur cette construction de l'infinitif précédé de a marquant le but = « pour », cf. Diez, Grammaire, traduction franç., III, 221.
 
54. d'amia, sans article ni déterminatif d'aucune sorte, paraît surprenant & pourrait laisser supposer l'existence d'une faute dans le manuscrit. Mais on trouve ailleurs le mot employé de même manière:
 
Car cel non es ges bons ad ops d'amia
Que can la ve es d'amoros estatge.
(Crescini, Manualetto, 27, 18.)
 
55. Le manuscrit donne nalcaia, c'est-à-dire N'Alcaia, qui correspond à une forme masculine Alcays, qui se trouve dans une poésie de Peire Cardenal. (Cf. Appel, Provenz. Chrestomathie, 76, 49.) Nous rétablissons la forme plus commune Algaya. Deux dames au moins ont porté ce nom au temps où vivait le poète, toutes deux appartenant à la maison de Rodez. L'une, Algayette de Scorailles, était la femme du comte Henri II. Elle fut chantée par Uc Brunenc & mourut en 1254. L'autre, Algaye de Rodez, était fille du comte Hugues IV & d'Isabeau de Roquefeuil. Elle épousa Amalric de Narbonne, baron de Taleyran, & son existence est attestée encore en 1271 & 1295. On s'explique très bien que Montanhagol ait pu les connaître, mais l'absence de toute indication précise ne nous permet pas de dire si vraiment c'était bien à l'une d'elles que s'adressaient ses hommages, ni surtout à laquelle des deux.
 
56. li platz quar. — Ici encore quar est tout à fait synonyme de que. (Cf. la note à V, 9.) La proposition tout entière forme comme une parenthèse, & la suivante se rattache directement à tan.
 
58. cui que plassa o greu sia n'a pas une véritable valeur: c'est avant tout une façon de finir levers. Nous avons déjà relevé plusieurs fins de vers du même genre. (Cf. III, 37, & la note.) — Sur cette façon de joindre au nom de l'amie le nom d'une autre dame dont le poète fait l'éloge, cf. v. 39 & la note.
représente ici, non pas ad, mais ab. Ailleurs encore (XI, 41) le poète dit à sa dame qu'il veut faire d'elle l'ornement de ses vers: c'est à elle qu'il devra leur succès.

 

 

 

 

 

 

 

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