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Mouzat, Jean. Les poèmes de Gaucelm Faidit. Troubadour du XIIe Siècle. Paris: A. G. Nizet, 1965

167,033- Gaucelm Faidit

IX
POÈMES D’OUTREMER
TROISIÈME ET QUATRIÈME CROISADES

Les Croisades d’Outremer ont inspiré à Gaucelm Faidit deux grands chants de croisade. De plus, nous trouvons des passages de longueurs diverses, ayant trait à la préparation de la croisade, au départ, ou au voyage, dans cinq autres pièces. Enfin, Del gran golfe de mar chante la joie du retour, tandis que dans la Tenson de Gaucelm et d’Elias d’Ussel nous trouvons d’importantes allusions au « pélerinage » de notre troubadour.

Nous avons établi que le texte authentique de Manenz fora-l francs pelegris donne bien le nom de Saladin : nous sommes donc ainsi assuré que Gaucelm est allé en Terre Sainte du vivant de ce grand prince musulman. Plusieurs poèmes de ce groupe confirment que notre troubadour se prépara à partir pour la croisade dès avant 1189, et qu’il y alla en 1190. Nous ne pouvons donc retenir l’opinion jusqu’ici communément admise que Gaucelm était parti pour la première fois outremer au moment de la 4ème croisade, et qu’il n’était allé « en Syrie » que comme dissident de l’expédition de Constantinople.

Nous avons, d’autre part, des raisons de penser que Ara nos sia guitz a été composé en deux fois. Sa première forme remonte, selon nous, au départ de la 3ème croisade. Chant e deport… et L’onratz jauzens sers ne peuvent se rattacher qu’a celle-ci. Can vei reverdir les jardis, composé outremer, est probablement dans le même cas. Enfin, le célèbre chant du retour, Del gran golfe de mar, visiblement inspiré par Maria de Ventadorn, date forcement, selon nous, d’avant 1195.

Seuls une partie de Ara nos sia guitz et Chascus deu hom conoisser et entendre se rapportent nettement à la croisade de 1202. Selon Elias d’Ussel, Gaucelm avait l’intention de retourner outremer al sanctor : il participa à la propagande pour la 4ème croisade, et la suivit peut-être.

Nous proposons cette chronologie parce qu’elle élimine la majeure partie des contradictions et des obscurités ; on trouvera le détail des preuves et des possibilités dans les commentaires des divers poèmes.

Nous nous sommes efforcé de ranger les pièces de ce groupe dans l’ordre chronologique que nous proposons. Pour cela nous avons repris ici les strophes V et VI de L’onratz jauzens sers et rappelé Can vei reverdir… , ainsi que la 2ème partie de Ara nos sia guitz, à leur rang dans le temps.

TANT SUI FERMS E FIS VAS AMOR 1188 environ.
CHANT E DEPORT, JOI, DOMPNEI E SOLATZ 1189 environ.
MAS LA BELLA DE CUI MI MEZEIS TENH 1189 (fin).
ARA NOS SIA GUITZ (1ère version) 1190.
L’ONRATZ JAUZENS SERS (Notes; str. V et VI) 1190–1191.
CAN VEI REVERDIR LES JARDIS (Notes; str. I et II) 1191?.
DEL GRAN GOLFE DE MAR 1192–1193.
TENSON DE GAULCEM FAIDIT ET D’ELIAS D’USSEL 1193–1194.
ARA NOS SIA GUITZ (Notes; 2e version, str. IV, etc.) 1200–1201.
CHASCUS DEU HOM CONOISSER ET ENTENDRE 1202.
 

 L’ONRATZ, JAUZENS SERS
(Strophes V et VI. Cf N. 36)

Pour mieux marquer l’échelonnement des textes appartenant au groupe des Croisades, il faut rappeler ici, à sa place dans la succèssion chronologique, la fin de L’ONRATZ, JAUZENS SERS, déjà placé plus haut dans les Poèmes de Bon Esper (groupe VI), N. 36. Ces deux strophes, qui ajoutent à la suite d’une pièce courtoise un bref chant de croisade, se rapportent à notre avis au « passage » de la 3e Croisade. Elles ont été apparemment composées en route, comme il ressort de leur texte, et vraisemblablement au cours de l’hivernage de la Croisade en Sicile, au cours de l’hiver 1190–1191.

V   Pero, si-l movers
    qu’eu fau per penedenssa,
  55 lai on Dieus lo vers
    pres veraia naissenssa,
    l’es al cor dolers,
    no-il deu aver tenenssa —
    c’a tot bon vejaire
  60 es de tot pretz lo maire
    qui sans, deleitos,
    vai al Rei glorios
    servir, qui l’es Salvaire ;
    qu’el cel, e sai jos,
  65 n’er rics lo guizerdos
     
VI   Oimais es sazos
    d’anar on Dieus lo Paire,
    qi pres mort per nos,
    l’a nos chapdelaire,
  70 ez als compaignos
    qi son nostre cofraire
    per obediensa ;
    aid er me lor crezensa
    els cors els avers,
  75 car es sos servirs ders
    teinha en sa prezensa,
    e-il sia douz vezers
    l’affanz dels mals poders !

 

V. Pourtant, si le voyage que je fais par penitence là-bas où le vrai Dieu a réellement pris naissance, la douleur ne doit pas régner longuement dans son cœur — car, de l’avis de tous les vaillants, il a le plus grand de tous les mérites, celui qui, bien portant et joyeux, à servir le Roi Glorieux qui est son Sauveur, car au ciel comme ici-bas la récompense en est magnifique !
VI. Il est temps désormais de partir là-bas où Dieu notre Père a accepté la mort pour nous, et qu’il soit notre guide, à nous et à nos compagnons qui sont nos confrères dans le service du Seigneur ; leur foi soit maintenant notre aide en leurs personnes et leurs biens, car le service de Dieu est entrepris ; qu’Il nous tienne en sa présence, et qu’il lui soit agréable de voir la ruine des puissances du mal !

 

 

 

 

 

 

 

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