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Stroński, Stanislas. Le troubadour Elias de Barjols. Toulouse: Imprimerie et librairie Édouard Privat, 1906.

132,007- Elias de Barjols

 

VIII. (132, 7.)

 

Orth. : C.

 

Les manuscrits :

 

 

(DIKH) : vv. 13 (remire pour sospire), 17 (uinc pour dis, cf. C), 23 (fatz pour fai), 27 (suy manque), 28 (puosc pour aus), 38 (dompna pour per uos), 40 (en cre totz lo mons pour t. l. m. cr. que) ; cf. aussi : v. 1 (comprecompri), 7 (d’al d’als), 31-2, 35 (desod’aisso), 38 (dompna avec z contre per nos), 42 (quom hom). — a n’est attesté que par quelques traits de minime importance : vv. 12 (nos pour nous et humelitatz contre humilitatz), 17 (uic contre uinc HC et pour dis), 22 (totztot), 30 (gensorgenser).

(CEfR) : vv. 7 (consir pour dezir, cf. FQ), 14 (don ai contre qu’ieu n’ai), 27 (eu manque), 36 (donatz, etc., pour iutjatz) ; cf. aussi vv. 25 (mos talans contre mon talan), 23 (ueus soues so) ; cf. les endroits où la leçon y, attestée par R et par deux autres mss. du groupe (CEfE), avait été corrigée par le quatrième : vv. 11 (CER suy ios pour s. tant i.), 13 (EfR dezire pour sospire) ; au v. 40, c’est la leçon EfR que je crois la bonne. — Au milieu de ce groupe, R se sépare des trois autres mss. ; il a un certain nombre de leçons spéciales (cf. les vv. 1, 26, 38, 42 ; 10, 20, 43) et il ne partage pas les leçons particulières de CEf dont le nombre est considérable. — b (CEf) : vv. 5 (carpos), 19 (tout changé), 20 (tout changé), 21 (albirecossire), 22 (uostotz), 24 (dalrede plus), 26 (tout changé), 31-2 (constr. différ,) ; au v. 38 c’est la leçon CEf qui sera la bonne et qui aura été changée pour éviter un enjambement syntactique. — β(CE) : vv. 3 (esguard pour semblant), 15-6 (deux vers faux), 17 (apensatz pour accordatz), 19 (ni cossius am contre f : cosius am ni), 32 (me fanf : laysson), 36 (doncan ; non lesf : nol nes). Ces derniers traits justifient le classement accepté pour cette branche malgré certaines apparences contradictoires. On voit, en effet, E et f s’accorder contre C et tous les autres mss., à introduire une tornada de 5 vers tout à fait différente de celles que contiennent les autres mss. et que nous croyons interpolée (voy. La forme). Mais il faut croire que le rapport des rédactions E et f est en général tel que l’indique le classement et que le confirment les faits cités, tandis que l’accord au point de vue de la tornada sera dû à une influence postérieure subie par E et par f. Pour le v. 17, C s’accorde avec le groupe x tout entier (DIKH) à donner vinc contre dis (dic). Il ne paraît point possible de supposer une contamination quelconque entre C et la rédaction x ; x et C ont conçu, indépendamment l’un de l’autre, acordatz comme un subst., cas suj., ce qui s’explique facilement par la construction embrouillée du passage en question, et alors la substitution de vinc à dis était la seule correction possible et peut s’être produite spontanément dans C et dans x. — f se sépare de CER et se rattache à x et à z par le tan qui est bon au v. 11 ; mais ici il peut avoir retrouvé la bonne leçon lui-même sans difficulté ; et, d’autre part, il est même très possible que la faute n’ait pas existé dans y, et qu’elle ait été introduite par CE et par R seulement, afin d’obtenir un vers de 7 syllabes, ce qui avait été leur tendance. Mais on trouve, au v. 15, une leçon commune aux mss. f et F, très différente de celle des autres mss., pour l’explication de laquelle il paraît indispensable de supposer une influence de la rédaction F sur f.

(Qa). — On remarque facilement que ces deux mss. remontent à une base commune. Mais on voit en même temps que cette rédaction commune s’appuyait déjà probablement sur les deux autres, et que chacun de ces mss. à part avait encore une fois subi leur influence. Pour la parenté de AQ (z), voyez : vv. 8 (ordre des mots différent), 14 (en ai qu’ieu n’ai), 17 (uos pour nous), 18 (com uos pour con eus), 23 (jausir pour esjauzir), 36 (e pour quant) ; cf. aussi vv. 6 (no poisnon puesc), 24 (quequ’eu), 39 (sem et airsim et azir). Les deux envois manquent dans Q et a ; au v. 27, ils sont seuls à garder, par z, la bonne leçon. Pour les rapports de z avec une rédaction x, voyez le v. 38 (dompna pour per vos). Quant à z et y, le v. 9 (ben tart pour a tart) ne peut rien prouver. Pour Q et x, voyez v. 1 (compre) et vv. 31-2 ; pour Q et y, v. 7 (consir pour dezir). — F. Les deux strophes que contient ce ms. ne permettent pas d’établir nettement sa position. Toutefois, les vv. 5, 9, 11, 13 le mettent toujours à côté d’x pour donner, contre y, la bonne leçon ; voy. v. 1 (compre). La correction  dezir à consir au v. 7 est peut-être indépendante dans F et due, comme dans C, précisément au désir d’éviter la répétition : dezirdezire.

 

La forme. — La structure de cette chanson pose deux questions :

I. Dans Raynouard, Choix, III, p. 354, et, par conséquent, dans Maus, p. 119, n. 579, elle est entièrement heptasyllabique. Une pareille structure ne saurait étonner dans Elias de Barjols ; la pièce XIII est entièrement heptasyllabique, et, quant à la première moitié de la strophe dont il s’agit ici, elle offre la même suite de rimes. Mais les mss. donnent le troisième vers de chaque strophe avec des hésitations nombreuses entre 7 et 8 syllabes, ce qui est d’autant plus frappant que, en dehors de ce vers, ils se montrent, au point de vue de la métrique, très soigneux. Ces hésitations sont : dans la branche z (Qa), ce troisième vers est toujours de 8 syllabes ; dans la branche x (DIKH) toujours de 8, et dans la str. IV de tous les mss. de 7 (8 syll. dans les deux strophes du mss. F) ; dans la branche y : C, str. I, 8 syll. ; str. II, III, IV, V, 7 syll. ; E, str. I et V, 8 syll. ; str. II, III, IV, 7 syll. ; f, str. I, II, V, 8 syll. ; str. III, IV, 7 syll. Il est évident que ce vers est octosyllabique. D’abord, parce que le seul vers heptasyllabique des mss. du groupe x est dû à une simple erreur dans leur source, une omission de suy qui se trouve dans tous les autres mss., et ainsi nous avons déjà deux branches des mss. x et z qui s’accordent entièrement en faveur d’un vers de 8 syllabes. Ensuite, la tendance des mss. du groupe y de corriger la métrique pour obtenir une pièce plus symétrique est très compréhensible, tandis que le contraire ne le serait point. Enfin, cette structure admettant un vers octosyllabique, à coté de tous les autres heptasyllabiques, se retrouve dans les chansons X et XI. Cette tendance contre la symétrie est même un trait caractéristique de la métrique d’Elias de Barjols. En dehors des trois chansons en question, nous en avons signalé un autre exemple dans les chansons VI et XII.

II. Les rimes de la seconde moitié de chaque strophe sont -ire, -ir, -ir, -ire. Bien que les mss. soient très hésitants, ici encore (ce qui explique une autre erreur encore du texte de Raynouard, Choix, s’appuyant surtout sur C), on en peut débrouiller une forme consistant en l’introduction des rimes grammaticales, rims retrogradatz per bordos ou derivatius. Mais elles n’apparaissent que pour une seule paire des rimes -ire, -ir par strophe, à savoir, tour à tour, dans les deux derniers (I, III, V, T² : vv. 7-8) et dans les deux avant-derniers (II, IV ; T¹ : vv. 5-6) vers de chaque strophe. On trouve dans les mss. : str. I, v. 7 dezir (DIKH ; a), v. 8 dezire (tous les mss.) ; str. II, v. 5 sospire (F, Aa, C), v. 6 sospir (tous les mss.) ; str. III, v. 7 (es)iauzir (tous sauf C), v. 8 iauzire (tous) ; str. IV, v. 5 (re)mire (tous), v. 6 mir (tous) ; str. V, v. 7 azir (tous), v. 8 azire (tous) ; T¹, v. 1 cossire (tous), v. 2 cossir (tous) ; T², v. 3 dir (tous), v. 4 dire (tous). S’opposent à ce schème : 1º les variantes aux vers : str. I, v. 7 (consir CEfR ; Q ; F) ; str. II, v. 13 (ERf dezire, qui se trouve cependant dans la rime du v. 8 ; DIKH remire, rime du v. 29) ; str. III, C, 23 (esbaudir C seul contre tous les mss.) ; on voit donc que ces variantes sont à écarter ; — 2º les variantes qui introduisent la rime  grammaticale encore dans l’autre paire des rimes dans une strophe : str. II, vv. 15-6 (CE azir azire, mais ils ne font que mettre à cette place les vers 39-40) ; str. III, vv. 21-2 (CEf albirealbir, mais albire du v. 21 y est contre cossire des groupes x, z, et du ms. R du groupe y) ; ces variantes sont donc non moins inacceptables ; — 3º la tornada de 5 vers qui se trouve dans les mss. Ef et que  l’on pourrait regarder comme une troisième tornada de cette chanson n’a pas de rimes grammaticales, et même si l’on voulait remplacer conssire par albire pour obtenir la suite albire — albir, on n’aboutirait à rien de satisfaisant, parce que l’ordre systématique des rims derivatius dans les deux derniers et les deux avant-derniers vers tour à tour en serait interrompu ; et si on pense que cette tornada serait déjà la troisième de la chanson, contre les habitudes d’Elias,  qu’elle est superflue à côté de la tornada Comtessa... , qu’elle a cinq vers au lieu de quatre que l’on attendrait, du moment que les envois ne vont pas diminuant, qu’elle ne s’accorde pas avec la structure de la pièce, qu’elle ne se trouve pas à côte des deux autres envois, mais toute seule dans les mss. E et f, on est obligé de la considérer comme apocryphe. — L’usage des rimes grammaticales est assez fréquent (cf. Bartsch, Die Reimkunst der Troubadours, dans Jahrbuch, I, pp. 190-3 ; Maus, P. Card. Str., n. 4, 8, 11, 121, 313, 331, etc.) ; mais le schème de leur suite dans la pièce d’Elias de Barjols paraît lui être propre et isolé (Daude de Pradas 114, 7, a la rime grammaticale dans toute la pièce : -ir, -ira, vv. 1-2 et 3-4 ; -ur, -ura, vv. 5-6 et 7-8 de chaque strophe ; la première demi-strophe est donc assez rapprochée de la rime grammaticale d’Elias). Il en résulterait donc la formule suivante pour Car compri :

7a  7b  8b  7a  7c'  7d  7d  7c'

 

Rimes grammaticales: -ire, -ir (I, III, V, VII), -ir, -ire (II, IV, VI). C’est une fois encore la simple et fréquente cobla encadenada de 8 vers. Mais la formule est propre à Elias, qui l’emploie dans trois chansons (VIII, X, XI). Par les rimes grammaticales Car compri constitue un « unicum ».

Guilhem Anelier de Toulouse a repris la forme de cette chanson dans son sirventés 204, 2, conservé dans C seul (L. R., p. 481). Il débute ainsi :

 

Ara farai, sitot no·m platz
Chantar verses ni chansos,
Sirventes en est son ioios.

 

Il imita de ce son ioios jusqu’aux rimes (a -atz, b -os, c -ire, d -ir) . Il en imita donc, sans doute, non moins exactement la formule en conservant le vers de 8 syllabes, que la rédaction C n’a pas plus respecté dans cette pièce que dans celle d’Elias ; elle a en effet ramené à 7 syllabes le troisième vers de chaque strophe, sauf dans la première, exactement comme dans Car compri ; mais le seul vers octosyllabique de la première strophe suffit à attester la forme originelle. L’imitateur n’alla pas toutefois jusqu’à introduire la rime grammaticale (ce qui fut toujours facultatif dans les pièces de même formule) ; on ne se rend pas bien compte des motifs qui ont réglé chez lui l’emploi du mot dire à la rime, qui semble placé d’une façon tout à fait arbitraire (au v. 8 de I, III, V, au v. 5 de V et dans la tornada ; manque à la str. II).

 

Date et localisation. — Le premier envoi nomme la comtessa ; le second, Blacatz. La chanson est donc de l’époque provençale. La comtessa est-elle Garsende ou Béatrice ? Comme pour la chanson V, on peut remarquer que Béatrice est toujours nommée par son nom, Garsende jamais. Un autre détail doit être mentionné : dans la chanson précédente (VII), les vers 28-32 étaient : Car comprey ma conoyssensa E vostra beutat qu’es aitals Com belha ros’e belhs cristals Pos ab vos non truep guirensa. On a l’impression que le troubadour reprend un motif déjà connu de ses auditeurs et qu’il veut ici le mettre en relief en le plaçant au début. Rien, en somme, ne nous permet d’affirmer nettement l’antériorité d’une chanson sur l’autre ; mais le plus probable est que celle-ci a suivi la chanson VII et qu’elle a été adressée à Garsende, ce qui la placerait entre 1217 et 1219-20.

 

 

 

 

 

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