1. Ar ab lo coinde pascor. — C'est le début traditionnel d'un grand nombre de chansons d'amour. Dans une cobla ornativa le poète décrit le printemps, qui l'inspire. Un autre début, qui consiste à protester contre cet usage, est au moins aussi conventionnel.
Le mot pascor, qui désigne le printemps chez les troubadours, ne leur a pas survécu. Le sens propre n'est pas, comme le dit Raynouard, qui rattache pascor au latin pascere, « retour du pâturage ». (Lex. rom., IV, 449.) Pascor est pour tems pascor « temps de Pâques », & représente le génitif latin *paschorum, au lieu de pascharum. La même formation se retrouve dans l'ancien français pascor, pasqueur, & dans le français moderne chandeleur. L'ancien provençal dit de même candelor, martror (la Toussaint, de *martyrorum, pour martyrum); qui s'est conservé sous la forme de martrou dans les patois actuels, calendor (Noël, de calendorum, pour calendarum) & même par une audacieuse analogie nadalor (Noël). — L'épithète coinde, appliquée à pascor, est de style chez les troubadours:
El coindes pascors floritz.
(B. de Born, S'abrils.)
2. Flors de bela color. — Construction très fréquente en provençal & qui consiste à déterminer un substantif à l'aide d'un second précédé de la particule de. Cf. de natural resplandor ( infra 45); fag d’agradansa ( X, 47); rei de pretz e d'onransa ( X, 56). Ces locutions jouent le rôle d'épithètes. C'est le point de départ de la construction esser de, dans lesquelles ces locutions sont de véritables attributs. Cf. infra 35, & la note à I, 14.
5. Ici, bien évidemment, doussor ne désigne pas, comme il le fait souvent, la douceur, le charme du temps nouveau, mais la douce impression, la joie que cause à tous les êtres le renouveau. C'est ce même sens que le mot a dans ce passage de B. de Born:
Quan la novela flors par el verjan
On son vermelh, vert et blanc li brondel
Per la doussor qu'eu sent al torn de l'an
Chant autresi com fan li autre ausel.
(Quan la novela flors...)
L'article est omis devant doussor, comme en général devant les noms abstraits accompagnés d'une proposition. Cf. un très grand nombre de locutions analogues: per paor, per bontat, d'enveia…, &c.
8. Plazens als enamoratz. — Ailleurs encore le poète destine sa chanson aux amoureux. (Cf. VIII, 4.) C'était une des conventions de la lyrique courtoise:
Ab tot mo sen d'amor faray
Vers amoros als fis enamoratz.
(Noulet et Chabaneau, Deux manuscrits, p. 44.)
9. midons, — Dans la même pièce il parle de la gensor (v. 32), de la bela (v. 42), de l'amia (v. 47). Nous retrouvons aussi dans d'autres pièces la doussa amia ( VI, 2), la dona ( VII, 41; IX, 17, 23, &c.), qu'il appelle aussi parfois midons ( VI, 7, 8, 23; VIII, 58); mais il observe la discrétion qui était de règle chez les troubadours & ne nous laisse pas deviner qui elle était.
13. amors non es peccatz. — Le poète s'efforce de rassurer ceux qui, effrayés par les défenses du clergé, se détournent du culte d'amour. Nous retrouvons les mêmes idées chez des troubadours contemporains ou postérieurs, & surtout dans les Leys (I, 282 & passim) & le Breviari d’Amor (édit. Azaïs, 27 809 sq., 27 858 sq., &c), qui ne tarissent pas sur le pouvoir moralisateur de l'amour.
14. C'était une formule toute faite & qu'on retrouve ailleurs:
Qu'amors fa·ls melhors melhurar
e ls plus malvatz pot far valer.
(Rambaut de Vaqueiras, in Breviari, 28 121 sq.)
Qu'amor melhural melhor
e l'aut auss' el gensor gensa.
(Gaucelm et B. Gaucelm, in Parnasse Occitanien, 363.)
15. e·lh bo·n son melhor. — ·n = en, comme très fréquemment en ancien provençal, ne se rapporte à aucun antécédent précis. On pourrait peut-être le rapporter à vertatz, mais c'est plutôt l'idée générale de la phrase qu'il représente: par le fait qu'ils aiment ils deviennent meilleurs.
20. que pueis mal renh. — Nous considérons que comme la conjonction, & donnons à renh comme sujet qui s'enten en amor: « Celui qui a mis son cœur en amour ne peut faire que dans la suite il agisse mal, c'est-à-dire qu'il déshonore son amour. »
21. Sur cette idée, que les dames ont tort de ne plus vouloir aimer, le poète reviendra plusieurs fois. (Cf. VI, 15; VII, 25 sq., 33 sq.; IX, 1, sq.) Aussi bien s'agit-il pour lui de combattre l'effet des défenses du clergé. Cf. Introduction, L'œuvre de Montanhagol.
25. Pos o conoisson en lor. — Bien évidemment, o ne se rapporte à aucun antécédent précis. Il représente seulement l'idée contenue dans prezatz. « Les dames n'aiment pas les hommes de cœur, alors pourtant qu'elles le connaissent, c'est-à-dire qu'elles les connaissent pour tels. »
29. Tan de sen = tant de raison, & par suite: chose si raisonnable.
33. Don = par suite de quoi.
34. C'est à tort qu'au lieu de morirs Mahn avait lu, dans M, moritz. Folquet de Romans dit de même:
Qu·en tal ai mes mon cor
C'onors m' er si lai moi.
(Édition Zenker, V, 16-17.)
39. Si no l'ai. — A remarquer l'emploi du pronom se rapportant à un antécédent indéterminé: joi.
40. Estenh a pour sujet la proposition précédente. Dans l'usage actuel, on l'exprimerait à nouveau par un démonstratif: aco, aisso, &c.
41. Ce sont les traits dont se sont toujours servis les troubadours pour louer la beauté de leurs dames:
E·ls sieus belhs uelhs e sa fresca color.
(B. de Ventadorn, Quan la fuelha... et Quan erba vertz.)
E siei bel oill e sa fresca colors.
(Pistoleta, Sens et sabers...)
43. E. Levy (Provenz. Supplem. Woerterbuch, I, 252) cite, entre autres exemples, ce passage de Montanhagol pour établir que le sens de cilhs n'est pas, comme l'indique Raynouard (Lex. Rom., II, 396), cil, poil des paupières, mais bien sourcil.
46. Totz om. — Légère anacoluthe qui s'explique par le mouvement même de la pensée. Totz om est destiné à reprendre le sujet que les propositions incidentes pouvaient faire oublier.
48. Mais a ici le sens d'un superlatif. Il signifie: plus qu'à aucun autre.
50. A la rigueur, le sujet de destrenh pourrait être cors, mais la comparaison avec la construction de estenh au vers 40 doit nous faire préférer une autre explication. Ici encore c'est l'idée exprimée par la proposition précédente qui est sujet de destrenh: « Je meurs quand je vois votre corps gracieux; tout cela m'oppresse de désirs. »
53. La comparaison avec les pièces X, XII, XIII nous permet de supposer que ce reis Castellans est Alphonse X. De plus, l'éloge qui est fait ici de lui se retrouve ailleurs presque identique:
E vos fazen rics faitz, e cars, e bos
Sabetz lo luec, senher, onrar e vos.
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