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Coulet, Jules. Le troubadour Guilhem Montanhagol. Toulouse: Imprimerie et Librairie Édouard Privat, 1898.

225,005- Guilhem de Montanhagol

1. per malvastat... qu'er veya. — La construction de per... que servant à introduire une proposition concessive au subjonctif est employée en ancien provençal & en ancien français, non seulement avec les adjectifs, mais encore avec les substantifs. Cf. Diez, Grammaire, trad. franç., III, 334.
 
2. La leçon de C, a cui pretz, est évidemment un essai de correction de la faute commise par l'original commun à CR: a cui valors, qui faisait le vers faux. Le rapprochement avec les vers 18 & 24, où il faut corriger a cui en cui, nous montre quelle est ici la correction à faire & qu'il suffit, ici encore, de remplacer a cui par cui.
 
3-4. Il semblerait donc que le poète dût dans la suite chanter sur un mode gai & nous dire ses raisons de rester fidèle au culte de joy & d'amour. Au lieu de cela, c'est un sirventes tout politique qui suit. C'est qu'en réalité, chez les troubadours, la première strophe semble n'être qu'un prélude qui souvent ne se rattache à ce qui suit que par un lien très lâche & très factice. Rien ne fait moins corps avec l'ensemble, si ce n'est peut-être la fin de la pièce, l'envoi.
 
5. Sitot lur es valors amara reprend avec plus de force l'idée expriprimée déjà par ges per malvestat: « Et cependant la valeur leur est... » Sur cette, construction de sitot = quoique, avec l'indicatif, cf. Diez, Grammaire, trad. franç., III, 332.
 
7. desconoyssensa ne saurait signifier ici ingratitude, ainsi que le voudrait Raynouard (Lex. rom., IV, 334). Il faut, avec E. Leyy (Provenz. Supplem. Woerterb., II, 127), le traduire par folie, sottise. C'est un sens du mot au moins aussi fréquent que celui d'ingratitude, & nous le retrouvons dans deux autres passages de Montanhagol. Cf. XI, 3, & XIII, 14.
 
8. Sur l'emploi & le sens de la locution mos cors = je, moi, cf. III, 8, & la note.
 
9. mas quar est ici synonyme de mas que & signifie si ce n'est de ce que. Dans cette locution, comme dans toutes les propositions exprimant la cause, le motif, quar & que s'emploient indifféremment. Cf. Diez, Grammaire, trad. franç., III, 309 & 380.
 
10. que falhi tan que.s desleia. — La différence des temps employés s'explique par le rapport même des idées: la faute est dans le passé & le résultat en subsiste encore. Il est donc inutile de chercher à rétablir la concordance des temps & de lire par exemple: que falh i tan, &c. Outre que la place de cet i serait étonnante, on ne voit pas trop ce qu'il représenterait. La faute de la Provence n'est pas d'avoir changé de nom: ce n'est là que la conséquence de sa faute.
Sur le sens du verbe se desleiar, cf. E. Levy (Prov. Suppl. Woerterbuch, II, 145) renvoyant à Tobler (Zeitschrift. f. rom. Philol., III, 575). Ils montrent tous deux que Raynouard (Lex. rom., IV, 38) a eu tort de le traduire par décrier. Les deux seuls exemples que l'on connaisse du mot le présentent sous la forme réfléchie & attestent le sens de violer la justice, manquer à son devoir.
 
11. Montanhagol joue ici sur le nom de la Proensa, comme d'autres troubadours ont fait pour Valensa, Plasenza, &c. (Cf. De Lollis, Sordello di Goïto, 288.) Mais si falhensa se rattache bien à la racine falh, il est bien évident que proensa n'a rien à faire avec la racine pro ou prod. C'est une fantaisie étymologique comme il y en a tant chez les troubadours & comme nous en avons déjà vu même chez notre poète. Cf. I, 11.
 
12. L'allusion ici est très nette: il s'agit évidemment du mariage de Béatrix de Provence, qui, d'abord promise par son père au comte de Toulouse, épousa, peu de temps après la mort de Raymond-Bérenger, le frère du roi de France, Charles d'Anjou (janvier 1246). Si ce mariage excite tant de colère dans l'âme de Montanhagol, c'est qu'il est l'ennemi des Français, & surtout qu'il est Toulousain Se tout dévoué à son comte. Il fut presque le seul troubadour, avec un autre Toulousain, Aimeric de Péguilhan, à attaquer Charles d'Anjou dès son arrivée en Provence. Tous les autres, y compris Sordel, le poète favori de Raymond-Bérenger, semblent avoir trouvé pour le prince français des paroles de bienvenue. Ils ne l'attaquèrent que plus tard, quand on eut à souffrir de son ambition & de son avidité. Cf. de Lollis, Sordello di Goïto, p. 53. — Les mots leial senhoria e cara peuvent désigner soit Raymond-Bérenger qui venait de mourir & que Montanhagol appelle ailleurs
 
lo rics coms presatz
On es fis sabers triatz.
(XIV, 73.)
 
soit, ce qui nous paraît préférable, le comte de Toulouse, qui, lui aussi, avait prétendu à la main de Béatrix & qui s'était vu préférer Charles d'Anjou. Aimeric de Péguilhan reproche de même aux Provençaux leur manque de loyauté & leur oubli des engagements de Raymond-Bérenger vis-à-vis de Raymond VII:
 
e cel per cui pogratz esser estort
non trob en vos lialtat ne fianza.
(Ab marrimens angoissos.)
 
13. avara ne signifie pas ici seulement cupide, mais mauvaise, jalouse, arbitraire, tous termes qui concordent avec ce que nous savons par ailleurs du caractère de Charles d'Anjou. Sur ce sens du mot, cf. E. Levy, Prov. Suppl. Woerterbuch, I, 109. — Aimeric de Péguilhan dit avec un mépris pareil:
 
Oimais viuran proensals a dolor
Car de valen senhor tornon en sire.
(Ibid.)
 
14. La Provence se déshonore, &, ajoute Aimeric de Péguilhan, se voue au malheur:
 
Ai, proensals, era·n grieu desconort
Etz remangut et en cal desonranza.
Perdutz avetz solatz, joi e deport
E gaug, e ris, honor et alegranza,
Et etz vengut en ma de cel de Franza:
Meils vos vengra que fossetz del tot mort.
(Ibid.)
 
15. volria agues. Sur l'omission de la conjonction que entre deux propositions unies par le fait que le verbe de la seconde est au subjonctif, cf. Diez, Grammaire, trad. franç., III, 313.
 
16. le reis. — Jacques Ier, roi d'Aragon, dont le poète avait blâmé l'abstention dans l'affaire de 1242 (cf. III, 33) & dont le secours lui paraissait nécessaire pour triompher des Français.
 
17. qu'el vens e pren e pesseia. — Les guerres contre les Sarrasins étant finies depuis la pacification complète de Valence (1244), il faut considérer ces présents comme des présents d'habitude: « lui qui d'ordinaire bat, taille en pièces les Sarrasins. »
 
18. cui = à l'égard de qui, contre qui. Cette construction de aver guirensa avec le datif sans préposition est assez curieuse. Nous trouvons garimen, qui est synonyme de guirensa, construit avec contra, mais non avec le datif seul. (Cf. Raynouard, Lex. rom., III, 430.) Mais il y a d'autres exemples d'idées verbales rendues par une périphrase d'un verbe & d'un substantif qui prennent le dauf de la personne. Et de même que l'on dit aver enveia, tort ad alcun, c'est-à-dire à l'égard de quelqu'un, on a pu dire aver guirensa ad alcu, avoir une protection, un secours vis-à-vis de quelqu'un, contre quelqu'un. Cf. Diez, Grammaire, trad. franç., III, 124. — Le présent est encore ici comme au vers précédent un précédent d'habitude. Le poète fait allusion aux insuccès répétés des Français dans leurs croisades, auxquels s'était ajouté en dernier lieu l'échec de l'expédition de Thibaut de Navarre & d'un grand nombre de seigneurs français (1239-1240).
 
19. vens ara. — Il faut entendre venser non au sens de vaincre, mais dans celui de être victorieux. « Jacques est maintenant victorieux des Sarrasins », puisque depuis 1244 il règne sur le royaume de Valence complètement pacifié.
 
20. qui ben o guara. — Sur cet emploi de qui = latin si quis, cf. I, 16, & la note.
 
21. Que·ls vencutz. — Ceci est, comme le vers 19, une allusion non à un échec actuel des Français, mais à leurs insuccès passés. C'est donc à tort que Tourtoulon (Jacme I le Conquérant, II, 114) a cru qu'il s'agissait là du désastre subi par les Français à la Mansourah en avril 1250. Mais ce qui rend sa supposition impossible, ainsi que l'a déjà remarqué de Lollis (Sordello di Goïto, p. 54, note t), c'est que la pièce ne peut être postérieure à 1249 puisque le poète s'y adresse à Raymond VII qui meurt le 27 septembre 1249.
 
22. Le poète veut jouer sur les mots reys & desreya, mais le rapport est purement formel. Ils n'ont, pour le sens, rien de commun. Raynouard (Lex. Rom., V, 34) donne pour desreyar différentes significations: tourner, dévier, dérégler, déborder, sortir du rang. C'est évidemment ce dernier sens qui se rapproche le plus de l'emploi qui est fait ici du mot: sortir de la position qu'il occupe, sortir de son royaume, & par suite: attaquer. C'est un développement du sens qui est tout naturel & qui est attesté pour le substantif verbal desrei. (Cf. Levy, Provenz. Supplem. Woerterbuch, II, p. 166). Au surplus, le poète ne fait ici que reprendre l'idée exprimée au vers 15.
 
23. D'Arago. — Sur cette façon de séparer les compléments du nom qu'ils déterminent, cf. IV, 46, & la note.
 
24. Le comte de Toulouse, lui aussi, a tort s'il n'attaque pas. — Malgré le piteux échec de la coalition de 1242, le poète excite encore Raymond a s'allier au roi d'Aragon & à reprendre les armes. Son appel resta, du reste, vain: Raymond mourut sans avoir rouvert les hostilités, &, en juillet 1258, Jacques renonça à tous ses droits sur la Provence, c'est-à-dire à toute intervention dans les affaires de la France méridionale.
 
25. revinensa. — Raynouard (Lex. Rom., V, 496) ne cite que cet exemple de l'emploi du mot & le traduit assez mal par retour. Le sens s'éclaire pourtant par les exemples qu'il donne du synonyme « revenimen » & par le rapprochement avec le verbe revenir. Ce verbe signifie, en effet, parfois être florissant, prospérer, guérir. Revinensa peut donc, tout naturellement, signifier moyen de réussir, de prospérer, &, d'une façon générale, salut.
 
29. que = car, explique ce qu'il y a de regrets & de découragement dans l'exclamation a.
 
30. Sur le pléonasme du possessif, fréquent en ancien provençal, cf. Diez, Grammaire, trad. franç., III, 66, & Tobler, Vermischte Beitracge, pp. 78-80.
 
33. prendre signifie ici non pas « prendre », mais « accepter, recevoir ». Montanhagol emploie une autre fois (X, 59) le mot avec ce même sens. Cf. d'autres exemples de ce sens cités par de Lollis, Sordello di Goïto, 263.
 
34. Raynouard, au mot esclairar (Lex. Rom., II, 404), ne cite pas d'exemple de la forme réfléchie & ne donne que les sens propres de « éclairer, éclaircir ». Mais on comprend qu'au sens figuré le mot ait pu signifier: « se laver d'une honte, se justifier, se réhabiliter ».
 
36. Les Moncada étaient une grande famille de Catalogne, alliée à la maison royale d'Aragon. Ils portaient de gueules à sept pains d'or. Un Guilhem de Moncada avait joué un grand rôle dans les premières années du règne de Jacques I; il avait pris part à la conquête de Mayorque & était mort dès les débuts de l'expédition. Un autre Guilhem de Moncada, probablement son fils, est cité dans des actes de 1232, 1235, 1238. Il assista au siège de Burriana en 1233, prit part à l'expédition de Valence, & est cité dans le préambule des ce « fueros » comme ayant assisté Jacques en son conseil. Son existence est encore attestée par des actes de 1244 & 1250. (Cf. Tourtoulon, op. cit., I, 324, 343, 462, 464; II, 95, 291, 569 & passim.) C'est sans doute à lui qu'est adressée la poésie, & Montanhagol l'avait probablement connu lorsqu'il était lui-même auprès du roi d'Aragon, au temps de la conquête de Valence. Cf. Introduction, La vie de Montanhagol.
Nous ne rétablissons pas dans Guilhem l's du cas sujet, les Leys (II, 188) disant qu'au nominatif singulier le mot est indifférent.
 
37. La leçon des deux manuscrits don man rics doit être, croyons-nous, considérée comme une faute de l'original commun. Quoiqu'on pût trouver des exemples d'un pareil pléonasme de en, le voisinage des deux mots don & en le rendrait ici trop sensible. Mais, en réalité, don s'est introduit dans le manuscrit sous l'influence du don qui commence le vers suivant & à l'aide de l'analogie partielle qu'il avait avec on. Il nous paraît donc préférable de rétablir on avec le sens de alors que, qui est attesté par ailleurs.
 
Quan la novela flors par el vergan
On son vermelh vert e blanc li brondel.
(B. de Born, Quan la novela.)
 
se desparar signifie ici se dépouiller, abandonner. Cf. E. Levy, Provenz. Supplem. Woerterbuch, II, 156.
 
39. Esquilheta. — C'est un nom secret, & celui sans doute sous lequel il désignait l'amia, la domna, dont il parle un peu partout. (Cf. VI, 2, 7, 8, 23; VII, 19, 41; VIII, 50, 58; IX, 9, 17, 23, 33, 39.) Ce diminutif d'esquilla = cloche, paraît avoir servi de nom secret à d'autres troubadours. Guigo de Cabanas commence une de ses poésies ainsi: N'Esquileta quar m'a mestier, & les Leys (I, 318) reproduisent une cobla dont les premières syllabes de chaque vers forment le mot est-qui-la, qui désignait sans doute une dame.
Dans l'envoi d'une autre pièce, le poète réunit de même, avec le nom de son amie, l'éloge d'une autre dame (cf. VIII, 55-58); & en terminant un sirventes politique par une pensée de courtoisie, il ne fait que suivre un usage assez fréquent chez les troubadours. Cf. de Lollis, Sordello di Goïto, p. 73.
 
40. Esclarmonda. — Pas plus que dans les autres pièces où il s'adresse à elle, le poète ne nous dit qui était cette Esclarmonde. L'histoire du temps mentionne deux dames ayant porté ce nom & appartenant toutes deux à la maison de Foix. L'une était la fille du comte Raymond-Roger & épousa en 1235 Bernard d'Alion. L'autre, fille du comte Roger-Bernard II, fut mariée en 1231 à Raimond, fils du vicomte de Cardone. (Cf. Hist. gén. de Languedoc, VI, 562 sq. & 731 sq.) Il se peut que ce soit à l'une d'elles que s'adressent les hommages de Montanhagol. Le poete a pu connaître la famille des comtes de Foix, grâce aux nombreux rapports qui, au moins jusqu'à 1242, ont existé entre eux & le comte de Toulouse, leur suzerain. Mais à laquelle des deux Esclarmonde allaient ses éloges? C'est ce qu'il faut renoncer à savoir.

 

 

 

 

 

 

 

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