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Stroński, Stanislas. Le troubadour Elias de Barjols. Toulouse: Imprimerie et librairie Édouard Privat, 1906.

132,001- Elias de Barjols

5-8. Les mss. présentent deux leçons différentes pour ces vers. La première repose sur : 1º faitz 2 pl. pr. au v. 5 (; G, H² ; EfH³) ; 2º mostratz 2 pl. pr. au v. 6 (tous les mss. sauf C) ; et 3º pos au v. 8 (DIK ; G, H²) ; c’est-à-dire (lisant avec D) : … perque·i faitz faillenza, Car a leis no mostras mos mals Cuy suy hom liges naturals, Pos eu no n’aus far parvenza ; « vous avez été, dit lepoète dans les vv. 1-4, dur pour moi, Amour, et voilà pourquoi vous agissez mal, ne montrant pas mes souffrances à celle dont je suis homme lige légitimement, vu que je n’ose pas moi-même les faire apparaître ». La seconde leçon repose sur : 1º fatz 1 sg. pr. (et non 2 pl. pour laquelle cette forme n’est pas impossible, mais est très rare ; cf. un ex. dans Appel, Chr²., p. XXVII, et mention sans exemple dans Crescini, Manualetto², p. 148) au v. 5 (IK ; C ; S ; fais a) ; 2º mostre 1 sg. pr. au v. 6 (C seul) ; et 3º mais (Ef, H³S) ou que (C) ; c’est-à-dire (avec C) : ... per que fatz fallensa, Quar a lieys no mostre mos mals Cuy suy hom liges naturals Quieu no·l en aus far parvensa (ou bien mieux EfH³S : mas ieu no n’aus far parvensa) ; « vous avez été dur pour moi, amour - disent les vv. 1-4 - et voilà pourquoi j’agis mal en ne montrant pas mes souffrances à celle dont je suis homme lige légitimement ; mais c’est parce que je n’ose pas les faire apparaître ». La première leçon est représentée dans ses trois traits par DGH² ; la seconde dans ses trois traits par C seul ; les autres mss. confondent les traits de l’une et de l’autre. C’est la seconde leçon qui est préférable, bien que son  trait principal (1 sg. mostre) ne soit representé que par un ms. D’abord parce que la tendance des mss. à corriger le texte pour faire de amors le sujet de la seconde partie de la strophe est plus compréhensible que ne le serait la tendance contraire ; ensuite parce que cette tendance apparaît aussi au v. 14 (pour mostres 1 sg. les mss. CH²DaH³S donnent la 2 pl.) où cependant la 1 sg. est tout à fait assurée par les raisons du sens aussi bien que par la mesure du vers ; enfin la 1 sg. est, au point de vue du sens, d’accord avec les strophes II et III.
 
9. ereubut, cf. Rayn., Choix, III, p. 138, et L. S.-W., III, 118 ; P. Meyer, Flamenca², p. 348 : ereubut p. p. « transporté de joie ». On a cru ce verbe défectif : cf. Meyer, ibid. « part. p. d’un verbe erebre inusité aux autres modes », et Crescini, ibid., p. 156, n. 3. Mais, en dehors de erepchas, de L. S.-W., le parf. ereup, signalé par le Donat, 21, 34 (cf. Crescini, ibid.) est attesté au moins par un exemple de Giraut de Bornelh (242, 74, str. IV) : ... Pois mi donet lezer, Ses forssa de preiar, Mos seigner de cantar, E mos trobars Fon per s’amor espers Adoncs m’ereub e·m ders... (ms. A, n. 17, Studj, III, p. 21 ; cf. ibid., p. 675 ; B : ereup) avec un sens  correspondant parfaitement à celui du participe « transporté de joie ».  Quant au participe, la forme ereubut, se basant sur le thème du parf., est absolument prédominante. (On peut ajouter aux exemples de L. S.-W. : Pons de Capduelh 375, 7 : Ai cum fora garitz e ereubutz, ms. A., n. 159, Studj, III, p. 169 ; Aimeric de Pégulhan 10, 22 : Ni per cui er hom tan gent ereubutzi, Rayn., ibid., p. 248 ; Peire Vidal 364, 17 : Mas la soa salutz Nos a totz ereubutz E tornat en joven Mon cor e mon talen, éd. Bartsch, n. 3, p. 10, vv. 8-11 ; à se tenir per e. Guilhem Ademar 202, 9 : E per aisso mi teing per ereubut, Rayn.,ibid., p. 196, et ms. A, n. 310, p. 337 : Raimon Vidal, Abrils : E can vos poiran esquern far Ilh se tenran per ereubut ; comme senhal, dans Peire Raimon de Tolosa 355, 7 : A Mon Ereubut prec e man, Rayn., ibid., p. 124). — Sur un exemple d’erebitz M. P. Meyer a remarqué : « erebitz en rime pour ereubutz » Crois. Alb., Gloss. I, 409 ; elle se rattache à un exemple de l’inf. erebir de Raynouard, aussi à la rime. — Les mss. IKH³S portent pour notre passage erebutz qui serait une forme refaite, comme souvent, sur le thème du présent ; elle ne se rencontre autre part qu’en variante, comme ici ; par exemple pour 202, 9, v. 25, le ms. N porte erebut, cf. Suchier, Denkmäler, p. 321).
 
13. C : per sobrar de benvolensa ; Da’f : per sobra de benvolensa ; IKGH²E : per sobras de benvolensa ; H³S : per sobrada benvolensa. Il est évident que sobrar de C et sobrada (probablement simple altération de sobra de) de H³S ne sauraient être corrects. Restent sobra et sobras. L’article de Raynouard (V, 244, nº 17 de l’article supra) doit être complété par les exemples suivants (le troisième est, non de B. de Paris, mais de Sordel ; cf. Annales du Midi, XVII, 476) : Mas non sai cum de prion M’aperten, c’ai marrimen E de nien Fatz me ielos Enveios, Cais q’ieu conoistria Per sobras d’albir... (Giraut de Bornelh 242, 28 ; ms. A. n. 47, Studj, III,  p. 57 ; cf. MG, 948, 949) ; No volh sobras d’argen ni d’aur Tant ai lo cor gai e isnel (Peire Vidal 364, 38, éd. Bartsch, n. 29, p. 57, v. 13). On peut ajouter encore R. de Cornet (sous le nom de Peyre Cardenal R. L., 464 et suiv.) : Menestayrals ribaus so del gazanh tant caus Per que falsso lors obras E·ls vendo tant asaut E monto pretz tant naut Que trobo largas sobras (p. 470), et Breviari d’Amor, t. II, p. 90, vv. 18226 et suiv. : D’autra part, Si an tals sobras Quez ilh puesco a lurs obras Gazanhar, quar an bon captal Quo an alcun menestral Ilh volo lur obra falsar. — Ce sobras s. f. [cf. R. un ex. de las sobras] sans singulier (cf. Mistral, II, 905, 3 : soubro, souro (d.), sobros (g.), s. f. pl. « restes, excédants » ; cf. Godefroy, VII, 529, 3 : un ex. de souvre s. m., « surplus ») se rattache à sobrar, v. « rester, excéder, être en trop », à sobrat, adj. « riche, aisé », à sobrier -eira, adj. « excessif », à sobreira, s. f. « surabondance », à sobr- (-amar, etc.) « à l’excès » dans des nombreuses compositions nominales, verbales, adverbiales, toutes ces formations étant dérivées du sens adverbial « trop, à l’excès », de supersupra, qu’il faut séparer des sens « sur, au-dessus de » et de ses dérivés. — Quant à sobrar, v., il faut éliminer de l’article « superare », de R. V. 244, n. 19, deux exemples pour lesquels il donne, avec raison, le sens « rester » ; il est clair que ce sobrar n’a, au point de vue roman, rien de commun avec sobrar superare « surpasser, dominer », par exemple : Bertr. de Born, 80, 7, v. 34 (éd. Stimming, p. 138) ; Flamenca², 470 ; Brev. d’Am., Gloss., II, 764, col. I ; Appel, Chr.², n. 110, p. 161, v. 22. — Quant à sobrat, adj., on en trouvera dans le même article de R (V. 245) un exemple donné comme part. p. : Troba bevolensa Lo rics e·l sobratz, de Peire Cardenal 335, 32 (cf. L. R., p. 451) ; cf. encore Brev. d’Am., v. 32034 : E cel qu’om ve ric e sobrat Ten hom per savi e per bo Car es rics, ses autra razo ; Anon. 461, 236, éd. Appel, Prov. Ined., p. 332, vv. 2-4 :Non trop qui·m valha ni m’ajut Per ren mas car non soi sobratz Que pogues dar a totz cuminalmen... ; Appel, croyant peut-être ce sobrat inattesté en anc. prov., l’a rapproché (ibid., Gloss., p. 344) de Mistral « soubra, soubrat,... qui a du bien de reste, aisé, riche » et de soubra, verbe. Le rapport de sobrat « riche » à sobrar « être en trop » est assez analogue au rapport de manen « riche » à « manere » lat. (parce que l’on ne voudra pas le tirer de maner  « habiter » par intermédiaire d’un sens « posséder un domicile, posséder etc. » ; cf. aussi manentia, s. f.). — Pour sobrier -eira, adj., cf. Brev. d’Am., vv. 20809-10 : paor sobrieira, et vv. 10408-12 : ... so qu’a dat de sa paubrieira E de so qu’obs li fazia Quar re sobrier non avia ; Mas so qu’an dat li ric, an dat Tot de lor sobrefluitat ; cf. Sordel 437, 28 : Ia  no·m tenga negus per sobrancier De so q’ai dich, si ben fauc gab sobrier... ; cf. aussi Guillaume de la Barre, où P. Meyer donne, au glossaire, les significations « supérieur, démesurément grand » (v. 2664 ?). Ici appartiennent deux exemples de a sobrier « à l’excès » (sur cette formation adverbiale, par a avec adj., cf. Stimming, B. d. B¹, p. 248) de R., V. 242, I ; ajoutez, p. ex. : Domna ieu tem  a sobrier Qu’aur perdi’ e vos... (Raimb. d’Aurenga, 389, 6, P.O., 478) ; ... m’esfors a sobrers (Rostanh, Bels senher Deus dans Suchier, Denkmäler, p. 237, v. 34) ; Be ilh va·i a sobrier (Gauc. Faidit, 167, 2, str. VI) ; E faretz peccat a sobrer S’aucietz vostre preisoner (Falquet de Romans, éd. Zenker, XVIII, v. 65) ; ... Aisi n’a a sobriers  (Crois. Alb., 216, v. 8357, et cf. Gloss., p. 441) ; E non m’engrais Ans m’emagrezisc a sobrier (Amanieu de Sescas, Rch. V. 20, Mila², p. 450) ; Er grazitz a sobriers (id. Bartsch, Chr.4, p. 331, v. 15) ; cf. trois exemples dans Appel, Chr.². — Enfin, sobreira, s. f. « surabondance » de R., V. 242 (cf. aussi sobreira, Mila², 411) a été corroboré d’un autre exemple par M. Tobler (Z. f. r. Ph., XXIV, p. 44) et n’a, d’ailleurs, comme formation, rien de surprenant en présence de paubreira, suffisamment attesté dans R. IV. 460, II, n. 6.
 
18-9. sonbel cors avinende la bella. Sur l’emploi pléonastique du pronom possessif, très fréquent dans les troubadours, cf. Diez³, III, 74 (fr. III, 66) ; Stimming, B. d. B.¹, p. 238, n. 4, v. 37, p. 255, n. 12, v. 52, p. 277, n. 27, v. 31, p. 277, n. 28, v. 8 ; Levy, Guillem Figueira, pp. 101-2, n. I, 6 ; Tobler, V. B. II, pp. 79-80, n. 11. D’autres passages d’Elias attestent l’emploi d’un adv. pronominal pléonastique, ce qui est aussi assez fréquent : IX, 15-6 Anc iorn no·y trobey merce En amor... ; IX, 18-9 Mas pus tan mal m’en estai D’amor... Plus rare est l’usage pléonastique d’un pronom personnel comme ici XIV, 36-7 : S’ieu no·us bays la boc’ e·l mento De vos cuy am... Je crois que l’usage fréquent de pareilles constructions tient en grande partie au désir d’atténuer l’enjambement syntactique entre deux vers, mais il faut ajouter qu’il y a des exemples compris dans un seul vers. La raison essentielle doit être l’intention de faire ressortir le substantif ou le pronom en question, soit en l’annonçant par le pronom pléonastique, comme dans nos passages, soit en le mettant avant, proleptiquement, comme : d’amor son usatge ; dels fols lurs foldatz.
 
25 no·m son dessovengut dona·l vostre plazer plazen (DIK ; GA ; Ef) ; no·m’ ai des... (H³S); no·m’ es dess... (CH²). L’article « dessovenir » de Raynouard, sur lequel L. S.-W. ne revient pas, mérite une revision et quelques éclaircissements. R. V. 497, nº 71 : « dessovenir, desovenir, v., dessouvenir, oublier, perdre le souvenir » et quatre exemples : 1º Bona dona, l’onramen Non degr’ ieu desovenir  Quan vos plas quem des un rir, Pons de Capdueil, Quoras quem (356, 6) ; 2º Tan vos cobeiton mei oil Que de tot al ren dessoveing, H. Brunet, Ab plazers (450, 1) ; 3º De me nous desove, B. de Ventadour, Amors enquera (70, 3) ; 4º part. passé. Senher, quo us es tan tost dessovengutz Lo vostre belhs departz, G. Riquier, L’autrier trobei (248, 51). — Les trois premiers exemples de R. sont inexacts ou douteux et les constructions où ils entrent exigent des modifications ou de nouveaux appuis. La première serait une construction active : alcus dessove alcuna re (1er ex.) ou alcus dessove d’alcuna re (2er ex.). Le premier exemple de Pons de Capduelh (375, 6) tombe ; l’édition Napolski donne nom degren (on trouve en effet nom degrondansms. A,n. 169, Studj, III, p. 179) au lieu de non degr’ieu (pp. 52-3, vv. 41-2 ; cf. Var., p. 119, où il faut toutefois corriger l’indication pour le v. 41, parce que A porte bien lonramen et non loniamen). Cet exemple est donc mal placé ici. Pour 450, 1, d’Uc Brunet (ACDDaHIKMNR), IK portent bien que de tot al ren dessoueing (M. G., 414), mais Aque de tot autrem dessoueing (Studj, III, n. 336, p. 367), HC, que de tot alrem dessouenh (Studj, V, 469 et M. Ged., 5) ; dans M la strophe manque (M. G., 413). Il en résulte qu’une construction active de dessovenir, assez peu probable a priori, avec un régime soit direct, soit indirect, n’est pas attestée. Restent les constructions suivantes : 1º dessovenir rfl. : ieu me dessoveing d’alcuna re (alcus se dessove d’al. r.) dans l’exemple discuté d’Uc Brunenc 450, 1. La rime y est en -enh ce qui écarte la 3 sg. et assure la construction personnelle. Toutefois je ne connais pas d’autre exemple de cette construction, qui est probable cependant et assez attendue. — 2º dessovenir impers. me dessove d’alcuna re (dessove alcu d’a. r.). Ici appartiendrait l’exemple de Bernart de Ventadour 70, 3 : quar de me nous desove. Il est, il est vrai, compliqué de différentes difficultés ; une partie des mss. porte nous sove (CMR ; M. G., 208, 701, 702, str. I ; nous desove S ; M. G., 259,  str. I ; de même a ; R. d. l. r., XLII, p. 312, n. 55, str. I ; dans H, n. 84, str. V, le vers est corrompu de me nous en cove, cf. Studj, V, p. 440 ; reste Da), mais ce sove exigerait une répétition du même mot à la rime dans la strophe VI (ailleurs VII) manquant, il est vrai, aux mss. RH, mais sans qu’elle ait l’air d’avoir été interpolée ; d’autre part, le contexte rend indispensable une correction de nous dessove en vos dessove ; mais, pour sove, en plus de la question de la rime, il est visible que les mss. ne sont parvenus à un sove de desove trisyllabique qu’au moyen de corrections qui sont différentes de ms. à ms. (e quar... C ; no uos sove... M ; res nous sove... R); et, après tout, il paraît que c’est dessove qui doive sortir victorieux de la critique. J’aurais un autre exemple de me dessove impers. dans Guilhem Ademar 202, 9, str. V, R. Ch., III, p. 197 : Qu’autreiat m’a una de las gensors Donas del mon, — e ges no·m dessoveQue·m don s’amor, e d’un baizar m’estre ; on trouve pour cet endroit dans le ms. A, Studj, III, n. 310, p. 337, cf. B, ibid., p. 696 : e ies nom descove ; mais dans O, n. 72, At. Ac. Lincei, 1886, p. 53, et dans N, Suchier, Denkmäler, p. 321, v. 23, dessove ; sans un classement de tous les mss. on ne saurait rejeter ou accepter ce dessove. Ici appartiendra : ... qu’aillor Ametz tal que·us desoveinha De me qu’enten de tot mon sen a far so que·us covenha (de Gaucelm Faidit 167, 31, str. III, MG., 475 et 1057 ; cf. ms. A) n. 215, p. 231 : ... ametz, tant q’ie·us descoveigna Car eu vos tem... où la leçon paraît cependant être corrompue ; cf. la troisième construction). Dans Las novas del heretie, Appel, Chr²., p. 153, n. 107, v. 47 : E de negu no·m membra, e m’es dessovengut ; la construction est vague, mais m’es dessovengut s’appuie toutefois sur de negu. — 3º La troisième construction, avec la chose comme sujet et la personne comme régime, alcuna res me dessove « quelque chose échappe à ma mémoire », avait été, paraît-il, la plus courante, bien qu’elle puisse étonner au premier coup d’œil. Il n’y aura rien à corriger dans le quatrième exemple de Raynouard : Senher, quo·us es tan tost dessovengutz Lo vostre belhs deportz, de Giraut Riquier 248, 51 (cf. MW, IV, p. 85 ; C seul). Ici appartient l’exemple de Pons de Capduelh : … Bonadona, l’onramen Nom degron dessovenir et notre passage : nom son dessovengut Dona’l vostre plazer plazen. De même Giraut de Bornelh 242, 18 str. V : … dessovenir Mi deuria sai L’amistatz de lai (ms. A, Studj, III, n. 16, p. 20 ; cf. B, ibid., p. 675, N MG., 832 ; V MG., 833 change en l’amistat). De même Giraut de Bornelh 242, 16, str. V : Anz m’en es tot dessovengut Quan ai vezut Car sol un iorn m’apellet druttot est n. s. n. et quan pron. relat. = que (ms.A Studj, III, n. 43, pp. 52-3 et CM MG., 215, 242). Enfin Serveri de Girona 434, 13 (Mila², pp. 403-4), str. II : ... mas no·m des- Sove lo gen datz Dos que·m det (où dessove est partagé par la rime). Mais en somme il paraît que ce verbe n’avaît pas été employé très fréquemment ; au moins on ne le rencontre pas souvent. — On trouvera que la construction de dessovenir n’est point isolée en la confrontant avec celle d’oblidar. Levy a précisé dans une note de Guil. Figueira, p. 103, qu’à côté de ieu oblit alcuna re on trouve alcuna res m’oblida (qui correspond à a. r. me dessove) et les exemples en sont fréquents ; Crescini signale dans le Manualetto², p. 478, un exemple de m’oblida impersonnel dans le passage : Mas tan sui d’amor entrepreis Can remir la vostra beutat, Tot m’oblida cant m’ai pensat, mais il faut lire comme nous avons lu pour dessovenir dans Giraut de Bornelh 242, 16, tot, n. s., et can, pron. rel., et ainsi cet exemple se rattache complètement à la construction alcuna res m’oblida (corr. également dans B. Lesebuch, Gloss., p. 220, « impers. m’oblida » de l’ex. la cata qui ges no m’oblida, p. 106, v. 67 ; id., 134, 70). Mais il faut ajouter qu’un oblidar rfl. alcus s’oblida d’alcuna re est attesté ; on trouve dans Las naturas d’alc. bestias, B. Lesebuch, p. 164, v. 14, et Appel Chr.², p. 202, n. 125, v. 50, et Gloss., p. 280 : aisi s’oblida de sos tridos ; ce qui est, à ma connaissance, un exemple assez isolé ; mais un s’oblidar rfl. et absol. « s’oublier, manquer de présence d’esprit » est courant (p. ex. dans la chanson de Bernard de Ventadorn, Quan vei, v. 3 : que s’oblida e·s layssa cazer) et c’est ici que l’on pourra rapporter l’ex. maintas vez oblit mei de Crescini, ibid., n. 27b, v. 14, p. 266 ; intéressant est s’oblidar « réfl. et en construction négative » (Meyer, Flamenca², Gloss., 376, I), très fréquent precisément dans Flamenca, et dont voici des emplois typiques : 1º non s’oblida : fai alcuna re, asynd. (ibid., v. 6348, et cf. cas anal. Crois. Alb., v. 1465 : nos mes pas en oblit, un maestre apela..., v. 785 où la négation est indir. : no cujetz que s’omblit : messa lor a cantada... , v. 1228 où, par anacoluthe, le sujet de la seconde phrase est changé : Crespis de Rocafort nin Simos no s’omblia Cui els podon atenher no a mestier de via) ; 2º non s’oblida e (ans) fai al. r. (Flamenca, v. 835) ; 3º non s’oblida car (caus.) fai (ibid., 793, 3103, 5793) ; 4º non s’oblida que non fassa (ibid., v. 2511) ; et, quant au sens, on s’aperçoit que cette construction veut dire parfois « ne pas manquer de..., ne pas omettre de... ». Mentionnons enfin un emploi périphrastique de l’adj. oblidos « esser oblidos d’a. r. » dans Folquet de Marseille 155, 11, str. V : Mas ben conosc que grans meillurazos Es de tort faich qand hom n’es oblidos (ms. A., Studj, III, n. 176, p. 187, et cf. MG, 957). — Quant à sovenir, il n’a, en général, qu’une seule construction, l’impersonnelle : me sove d’alcuna re (ou me s. que). On se méfie donc a priori en apercevant dans le Glossaire du Manualetto², pp. 508-9, à côté de la constr.  impers. :  « mi soven ... mi sovviene » deux ex. de sovenir rfl. « m sovenc 38, 9 mi sovvengo » et « mi sovengues 27b, 95 mi sovvenissi » ; pour 38, 9, p. 300 : que anc pueys d’autra no·m sovenc la 1 sg. est loin d’être la seule acceptable ; le présent est même improbable à côté de anc pueys, qui exige un passé, et ·m sovenc y est 3 sg. pf. ; de même que d’als mi sovengues de 27b, 95 est 3 sg. conj. praet. ; toutefois, un exemple d’une construction différente se trouve dans Uc Brunet 450, 2, str. VI : Be·m deuria sovenir So qu’ill me dis en rizen Que nuills hom ses ardimen Non pot gaire conquerir (ms. A, Studj, III, n. 337, p. 367, et C, MG. 747 ; S, MG. 748, Ben ne sera pas correct) ; on se demande si so y est sujet : so·m deu sovenir, so·m sove, d’après les constructions analogues de dessovenir et d’oblidar, ou régime : ieu me deu sovenir so, ieu me sove so. Un autre exemple : Mas quar fin’ amors Mi mostr’ e m’ensenha Que·ls mals no·m sovenha E torn en mon chan, Farai derenan Un nou chantaret prezan pourrait parler pour la seconde construction, d’après la leçon de R, III, 124 (Qu’els mals nom s.) mais le ms. O, n. 95 (Att. Ac. Lincei, 1886, p. 65) a la première construction : Qe·l mals nom soveigna, tandis que la leçon de A, n. 494 (Studj, III, 533-4) est corrompue ; (d’autre part, la construction laisse supposer plutôt un sujet commun, ieu, pour sovenha et pour torn). La construction alcuna res me sove serait cependant confirmée par un exemple que je trouve de la construction périphrastique participiale et qui est alcuna res m’es sovinens, dans Raimbaut de Vaqueiras 392, 20 : Qu’aissi·m deu eschazer, Quar per vos mi destuelh, Quo fetz Gui d’Essiduelh Quan li fo sovinens La rein’... (cf. R. L., 364, str. VII, et cf. ms. A, n. 465, Studj, III, p. 503 ; ms.O, n. 117, Att. Ac., 1886, p. 81 ; ms. U, Archiv, 35, p. 415, col. II). D’autre part alcus es sovinens d’alcu(na re) dans Uc Brunenc 450, 4, str. V : E pois mon cor li teing aissi deffes, Que non i lais intrar autres talans Sia de mi sovinens e membrans... (ms. A, n. 333, p. 363 ; Anthol. D, Teulié-Rossi, n. 87, p. 31 ; Archiv, 35, p. 438, col. II, ms. U). — (Pour membrar, R, IV, 184, II, a un cas de la construction alcuna res membra ad alcu dans son ex. n. 7 : Mantas vets m’es pueis membrat L’amor[s] que m[e] fetz al comjat, tiré de Bernart de Ventadorn 70, 6, mais cf. toutefois ms. A, n. 259, pp. 281-2, str. VII : Maintas vez m’aura membrat De so qem fetz al comiat ; — pour se membrar, rfl., cf. Bernart de Ventadorn 70, 41, str. IV : Qan mi membr cum amar suoill La falsa..., ms. A, n. 254, p. 277).
 
28. don m’agues uiu deceubut EfH³S, Don m’agues leu deceubut CH²a et les deux autres leçons visiblement corrompues : Qu’enaissi m’an deceubut DIK et Per que m’an si leu deceubut G. — CH²a (cf. G) est à rapporter à leu de L. S.-W., IV, p. 373, art. leu, nº 5, « schnell bald » et cf. aussi Mistral, II, 207, col. 2 : « lèu, a lèu, etc., adv. : tôt ». Mais on ne peut pas abandonner uiu de EfH³S, qui est représenté le plus sérieusement par les mss., puisqu’au moins une branche tout entière le donne. Si on ne pense pas à viu < vivas, et si on le lit viu, vil, on aboutira au même sens de « vite » que donne leu ; et il est probable que viu a été soit remplacé par leu, comme dans CH²a, soit tout à fait incompris et écarté, comme dans DIK, précisément parce qu’il n’était pas habituel dans ce sens. R. V. 544, art. « vilis », donne deux exemples du sens « vite, rapide, léger » : Giraut de Bornelh 242, 60 vils plus que cabrols ni sers (cf. éd. Appel, Chr.², p. 63, n. 22, v. 8, et Glossaire, p. 319, où Appel met à part vil « vilis» et « vil » aj. « schnell »), et Guilhem d’Autpol, L’autrier a l’entrada d’abril, 206, 1ª (non  293, 29, comme B., Gr. ; cf. Suchier, Jahrbuch, XIV, p. 135, et Appel, Provenz. Ined., p. 122), vv. 23-4 (éd. Appel, ibid.) : Et elha·m respos tost e vil Cossi fos dona de castelh. Nous sommes donc en présence d’un vil « rapide » et d’une locution tost e vil que Raynouard traduit par « tôt et vite ».
Quant à vil, je crois qu’il se trouve, comme adverbe, dans notre passage, où il varie avec leu. Probablement, dans un autre endroit encore ; pour 254, 2 d’Isnart d’Entrevenas, str. I, le texte de M. Soltau (Z. f. r. Ph., XXIII, p. 244, n. IXd) porte : Trop respont en Blacatz A lei d’omen iros E car di mal de nos Fai que mal enseignatz ; E seria foldatz s’eu meteis li dizia Que... lo contrariaMais aitant li dirai Que mais di que no fai et les variantes pour le vers à lacune sont : uius (uins Da), lo (li N) contraria ; je voudrais lire meteis o. s. neut. et que vius lo (acc. msc. ; ou l’i, ou l’o) contraria, avec le sens « car vite le froisserais-je », « car aussitôt le froisserais-je » (ce qui s’accorde d’ailleurs bien avec le ton calme et ironique qu’Isnart prit constamment dans sa polémique avec Blacatz, qui fut, au contraire, très violent dans ses réponses).
Pour tost e vil, je n’ai pas d’autres exemples. On peut faire toutefois quelques rapprochements. D’abord, on rencontre tost e leu : Albertet de Sisteron 16, 20, str. I (Studj, VIII, p. 442) A far m’er Gaia chanzon, Ab gai son E leu, Tost e leu, De leis... (c’est-à-dire a far m’er... tost e leu) ; Uc de Lescura 452, I, str. II, v. 13 (Levy, Literaturblat, VIII, p. 271, et Jeanroy, dans Ann.du Midi, XVI, 478) ; ... que·l [un sirventes] fassa tost e lieu ; En Calega Panza 107, 1, str. III (Studj, VIII, p. 468) ... E tost e lieu pot aver salvamen ; ajouter un exemple de R., IV, v. 9, I : Aurem secors del rey Marselli leu e tost (« Philomena »). On trouve aussi viatz e leu dans St Alexi : Et devotamen an mandat Ad Eufemia e pregat Que s’en vaza e vias e leu E que cerque l’ome de Dieu ; Suchier, Denkmäler, p. 146, v. 785, où on rencontre aussi, au v. 726, p. 145, l’autre combinaison : Triatz de so mot tost e leu. — On sait que les expressions analogues sont tost e viatz et tost e corren qui se trouvent fréquemment.
D’autre part, nous avons vil elieu. Ainsi, dans Elias de Barjols 132, 12 (n. IV), vv. 7-8 : Mas a lieis es vil e lieu Quar mos cors sospira. J’en ai un autre exemple de Peire Vidal 364, 4 (éd. Bartsch, p. 67, n. 35), v. 29 : E tot quant fatz par a lieis vil e leu. Enfin, dans le sirventés cité d’Uc de Lescura 452, 1, str. V, v. 45, dans un passage qui ne m’est pas tout à fait clair dans le texte de Levy : Que·l metran tost fassam o vil o lieu ; peut-être Que·l (·l = aver qui est n. pl. au v. 41) metran (dépenseront) tost, — fassa·m o vil o (le ms. C, 358d, porte bien o ; alors o vil o lieu = vil e lieu ?) lieu — (cf. aujourd’hui, pour ce passage et l’autre de cette pièce, l’ingénieuse conjecture de Jeanroy, ibid., XVI ; extr. pp. 25-6, et note p. 35). Le sens de vil e lieu dans les deux exemples sûrs et peut-être dans le troisième est évidemment « indifférent ».
Quel est maintenant le rapport de vil e lieu « indifférent » et de tost e vil que Raynouard traduit « tôt et vite » ? Évidemment, dans le passage Et elha·m respos tost e vil Cossi fos dona de castelh, il est impossible d’affirmer que « tôt et vite » soit préférable à « indifférent ». Pourtant, il ne paraît pas indispensable d’expliquer la locution vil e lieu par le sens « vite, prompt» de vil qui se trouve sans aucun doute dans tost e vil. On voit, en effet, l’adj. comunal (cominal), correspondant au premier sens de vil « vilain, vulgaire, commun », passer, dans la locution m’es cominal, au sens « indifférent » (cf. Appel, Peire Rogier, p. 73 ; Schultz, Prov. Dichterin., pp. 29 et 36 ; L. S.-W., I, 313). Rien n’empêche donc que ce soit ce sens de vil qui soit à la base de la locution vil e lieu. (On sait que vil « commun » apparaît à côté de leu comme une des désignations techniques du trobar clar ; cf., p. ex., le passage cité por R. V. 544, I, de Gir. de Born., 142, 45 : Leu chansonet’ e vil auria ops a far... )
On se demande, enfin, s’il faut regarder vil « vilain »  et vil « vite » comme un seul mot, ou bien, comme M. Appel dans la Chr.², au Glossaire, comme deux mots différents. Mais à quoi rattacher alors ce vil « vite » ? Je trouve dans Elias Cairel 133, 4, str. IV : Lo cor ai temeros e vil, Dompna, quan sui denan vos... , où vil est synonyme de temeros. Or, ce sens de « peureux » pourrait bien être intermédiaire entre « vilain » et « vite » (surtout dans les cas comme celui de Giraut de Bornelh : vils plus que cabrols ni sers).
 
33. Dona, si Dieus vos aiut. Appel met des expressions analogues à celle-ci dans l’article si, lat. si au glossaire de la Chr.², p. 304 en se demandant toutefois pour une d’elles, si m’aiut Dieus : « si = lat. sic oder si ? ». Or, il n’est pas douteux que non seulement si Dieus m’aiut mais toutes les autres ne doivent être placées sous si, lat. sic. Quant àsi Dieus m’aiut, P. Meyer a déjà observé dans Flamenca², Gloss., p. 310, II, art. ajudar : « si m’ajut Deus ousi Deus m’ajut est la traduction ou l’original de la formule latine sic Deus me adjuvet, qui termine les serments ». Si Dieus m’aiut est fréquent (cf. Appel, Chr.², au Gloss., loc. cit., et p. ex. : Senher, si m’ajut Dieus, mais en sobror… de Girart de Roussillon, RL, V, 243, II, 10 ; Giraut de Bornelh 242, 48, ms. A, n. 33, Studj, III, p. 40 : M’amiga·m mena estra lei, Non sai per que ; Qu’ieu non l’ai forfag pauc ni re, Si Dieus m’aiut ; Doncs per que m’azira…?; 242, 16, MG., 216, ms. A, n. 43, p. 52, str. II : E fora ia del tot vencut, Si Dieus m’aiut, Ma bell’ amia... ; Guilh. d’Autpol 206, 1ª, v. 55, Prov. Ined., p. 122 : Mais, si Dieus m’aiut, Autras... ; Guiraut Riquier, M. W., IV, p. 132, v. 80, etc. ; au début : Si m’ajut Deus, peccat fai criminal Ma bella donna... Peire Vidal 364, 36, éd. Bartsch, n. 37, p. 70, v. 17 ; Si m’ajut Dieus, ver vos dirai, Arnaut de Maruelh, Totas bonas donas, éd. Chabaneau, R. d. l. r., XX, p. 65, v. 74). Notons plutôt pour cette expression quelques variantes : Si m’aiut dieus ni santz ni fes, Be·us dic que mala fo anc fag, Jaufre, Appel, Chr.², n. 3, vv. 431-2 ; De so qu’en lor non es, si m’ajut fes, Tals mil en auzetz braire, C’anc res no fo... Marcabru 293, 32, ms. A, n. 57, p. 67, str. III ; Pois plog una gran ploia, si m’ajud Dieu ni fes E venc .I. grans diluvis... dans laCrois. Alb., v. 1292 ; E cascus dis : « Si m’ajut fes, No faray ia... de Guillaume de la Barre, éd. Meyer, v. 1148 ; Elias de Barjols préfère un changement courtois : Si Dieus vos aiut et cf. XV, v. 1. Sans si : A!, co m’ave, dieus m’aiut, Qu’er, quan cug chantar, plor... Gir. de Bornelh 242, 43, MG., 815. — Pour si Dieus mi perdo voy. ici XIV, vv. 17-8 ; Peire Vidal 364, 21, éd. Bartsch, n. 2, p. 8, v. 12 : Que, si Deus mi perdo, No posc esser joios Tro que... ; Aimeric de Belenoi 9, 17, Suchier, Denkmäler, p. 325, v. 31 : Qu’ieu mi sent, si Dieus mi perdo, Que l’ai mes... ; tenson Gausbert-Peire Bremon 171, 1, publ. Selbach, Streitgedicht, p. 104, n. VII, str. II : Que·us ai laissat e, si Dieus mi perdo, si·l razonatz, vei vos peiurazo... ; Guilh. d’Autpol, ibid., v. 81 : Na toza, si Dieus mi perdo, Trop sabets mais de Cato; Peire Cardenal, RL., I, p. 473 : E, si Dieus mi perdo, Lo mal aug dir per pro... (on a autrement compris ces exemples comme la ponctuation l’indique). — Pour si Dieus mi valha = si Dieus m’aiut et pour si·m sal Dieus, se rapprochant de si Dieus mi perdo, cf. p. ex. : Gaucelm Faidit 167, 35, RL., I, p. 368, str. III : Et es mi piegz, si·m sal Dieus, per un cen Per lieis... et cf. Appel, Chr.², n. 5, v. 78, n. 9, v. 55, n. 3, v. 642. — Pour si Dieus mi gar, cf. : Bels seiner cars, si Dieus mi gar, D’aisso·us podem ben razonar, Jaufre, Appel,ibid., n. 3, vv. 353-4. — Pour une autre expression encore, si Dieus be·m do, cf. p. ex. Sordel, Aissi co·l tesaurs (éd. De Lollis, n. XL, p. 232) v. 909 : Ben miravill, si Deus be·m do, Quom on pot aver jaug e pro... ; Raimon Vidal, Abrils (éd. Wilhelm Bohs, Erlangen, 1903, p. 30, v. 222) : estet, si Dieus be·m lo, E·l cor un pauc tot  empessatz... Il est donc clair que le sens de toutes ces locutions, qui sont des formules de jurement, est : « que Dieu m’aide (m’accorde son pardon ; me sauve ; me donne bonheur) ainsi comme (aussi sûrement que) je dis la vérité ». (Un autre type de jurement, mais encore avec si, sic, se trouve dans Giraut de Bornelh 242-3, au moins d’après MG., 815, str. II : Amaire si dieu mador Sui eu fis e non remut où on lira : si Dieu (m’)ador, « ainsi j’adore Dieu [que c’est vrai] »).
La forme négative sera « que Dieu ne me pardonne pas, si ce n’est pas vrai » ; cf. p. ex. Peire Vidal 364, 34 (éd. Bartsch, n. 10, p. 23), v. 10 : E ia Deus noca·m perdo S’anc tan bela donnafo ; ou bien : Mas, si dieus m’azir, S’ieu veramen Ben non cre... , Giraut de Bornelh 242, 28, str. III (ms. A, n. 47, p. 57, Studj, III). — De pareilles locutions ne sauraient manquer, bien entendu, à d’autres langues.
On trouvera dans Godefroy, I, 181 : « si m’eit Dieus », « ainsi m’aist Dieux » ; une forme négative : « ja ne m’aist Dieux » ; une forme sans si : « m’ait Dieu » (comme Dieus m’ajut cité de Giraut de Bornelh), et enfin, ce qui est intéressant, la fusion complète en un mot: « medieu » qui est « m’ait Dieu » et « semidieux »  qui est « si mi ait dieu ». De même on trouve dans Tommaseo-Bellini, I, 289, col. 2 : « cosi Dio m’ajuti ». Il est vrai que l’on rencontre, ibid., IV, 735, col. 1-2, dans l’article se, lat. si, un se qui est « pour così » dans « se m’ajuti Iddio » ; mais je crois qu’il n’est pas difficile d’expliquer cette introduction de se à la place de si par la forme double Dio et Iddio. Dès que si Dio m’ajuti fut devenu une formule, il était naturel d’oublier, comme en français, de quoi il s’agissait et de comprendre : « s’ Iddio m’ajuti » c’est-à-dire « se Dio m’ajuti » avec se à côté de « così »). Tommaseo-Bellini dit, il est vrai, pour se qu’il est « per così, in principio di locuzione pregativa o desiderativa » ; mais toutes ces citations, comme la suivante, de Boccace : « Se m’aiti Iddio, disse il cavaliere, io il vi credo » indiquent clairement qu’il s’agit, comme dans les cas avec così, d’une « forma di giuramento, e d’altra affermazione asseverante ». La distinction « pregativa o desiderante » de Tommaseo-Bellini n’est donc qu’un raisonnement ultérieur sur se, tandis que, en réalité, la chose s’explique facilement par la confusion signalée plus haut.
 
40. uostr’ onors DIK ; H² uostr’ amor (H³S amors) Ga, C ; Ef, H³S. Je choisis pourtant onors parce qu’un changement inverse paraît moins probable et, d’ailleurs, amor, au lieu d’amors ne peut guère être la leçon originale. Le sens de vostr’ onors m’agensa n’est pas « votre honneur » mais onrar vos. Voyez sur cet emploi facultatif Tobler, V. Beitr., II, 10, pp. 73-4. De même dans XII, 4 : Ben deu hom ... obezir a tota s’onor, le sens de s’onor sera l’onrar « on doit ... être prêt à l’honorer par tous les moyens ». De même XI, 33-4 : Amors, pus no·us plai mos bes A mi no plai uostr’ onors = onrar vos. Dans III, 6-7 Mas no·l platz que·m consenta s’amor ni l’atalenta, on traduira plutôt : « qu’elle me permette de l’aimer » ; III, 14, s’amor non fui ni desfai. Dans XIII, 32, ·m torn e·ls vostres turmens, ce vostres turmens = « turmentari a vobis ». (Cf. p. ex. 422, T² : Vostra batalha non vuelh = contre vous). 

 

 

 

 

 

 

 

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